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Français
Stats:
Published:
2020-12-28
Updated:
2021-06-03
Words:
66,966
Chapters:
22/?
Comments:
93
Kudos:
40
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2
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1,869

Depuis toujours et pour toujours

Summary:

Ils avaient 5 ans quand ils se sont rencontrés. Ils ont vécu toute leur enfance collés l'un à l'autre, tel des inséparables. Pour leurs familles, ils ne formaient plus qu'une seule entité. Pourraient-ils continuer à fonctionner l'un sans l'autre ?

Notes:

Un style un peu différent de ce que j'écris d'habitude. Je ne vais pas vous spoiler, donc...

Sur ce, bonne lecture !

Chapter 1: Chapitre 1

Chapter Text

          Quand Steven avait 5 ans, un nouvel élève est arrivé dans son école.
Les premiers jours, il l'observa de loin, en jouant avec ses copains. Le petit brun était un peu embêté de le voir seul, dans une pièce, à chaque fois que son regard se portait sur lui. Il lui fallut une bonne semaine pour se décider à l'approcher.

- Tu viens du continent ? demanda-t-il incertain, s'asseyant près du jeune garçon.

Ce dernier le scruta de ses immenses billes bleues. Se demander s'il doit répondre.

- Je m'appelle, Steven, ajouta-t-il.

Le petit blondinet baissa la tête, timide.

- Pourquoi tu m'parles ? Toi aussi, tu vas te moquer de moi ?

Dans un premier temps, Steven fut surpris. Il n'avait pas remarqué que quelqu'un avait embêté le nouveau. Il le fixa, absorbé par la couleur de ses yeux.

- Nan ! Pourquoi je f'rais ça ?

Son vis à vis baissa un peu plus la tête.

- Parce que je suis un hoela. J'sais même pas c'que ça veut dire d'abord, renifla-t-il.

Steven se mit à rire et le son fit relever la tête de l'enfant.

- On dit "haole" ! Ça veut dire que t'es pas Hawaïen, mais c'est pas grave. Moi aussi, des fois sur m'appelle comme ça, haussa-t-il les épaules.

L'autre garçon l'étudia avec attention ; sa tête penchée sur le côté. Il ne lui ressemblait pas. Sa peau était hâlée, ses cheveux étaient bruns et ses yeux étaient d'un bleu profond qui lui faisait penser à un ciel d'orage. Mais en même temps, il ne ressemblait pas vraiment aux autres enfants de l'île.

Steven sembla avoir compris une question muette.

- Je suis Hawaïen ! Enfin, je suis né ici, mais mes parents viennent aussi du continent. Comme toi, sourit-il.

Le nouveau pesa le pour et le contre avant de lui retourner son sourire.

- Je m'appelle, Daniel, dit-il timidement en tendant sa petite main.

Il avait vu son père faire ça souvent.

Steven regarde fasciné, les joues rougissantes de Daniel, se demandent comment reproduire ce phénomène.

- Tu veux bien être mon ami, Danno ? demanda le petit brun en serrant la main offerte.

Les joues prirent une teinte plus prononcée et Steven venait de trouver une nouvelle activité.

 

          Quand Daniel et Steven eurent 10 ans, Mary Ann McGarrett et Stella Williams arrivèrent, avec quelques semaines d'intervalles, et les garçons prirent très au sérieux leurs nouveaux rôles de grands frères. C'est ainsi qu'ils découvrirent que jouer à la poupée avec les filles pourraient être amusantes.

- Que faites-vous, les garçons ? Demandèrent Doris et Clara en les rejoignant à l'extérieur de la maison, sur la privée de la famille McGarrett.
Mary et Stella, dans leur transat respectif, sous leur petit parasol, riaient aux éclats face aux pitreries de leurs frères.

- On surveille les filles, comme vous nous l'avez demandé, répondez à Daniel.

Doris regarda son fils équiper son G.I Joe.

- Il part à la guerre ? le questionna-t-elle.
- Ouais ! Il a fait son sac, y lui reste plus qu'à dire au revoir.

Elle avait toujours été impressionnée par la maturité de son fils. Doris admira l'air sérieux et concentré qui prenait place sur le visage enfantin du garçon. Un pli se formant entre ses sourcils.

- Il va allait dire au revoir à ses parents ? Faire un gros câlin à sa maman ? Peut-être aussi à sa chérie ? le taquina-t-elle en l'attaquant avec des chatouilles.

Steven éclata de rire et se tortilla pour se libérer de l'étreinte de sa mère.

- Mais non, maman ! Il est amoureux de Ken, répond-il essoufflé. Un immense sourire plaqué sur son visage et les joues rougies par l'effort.

Daniel hocha la tête pour confirmer les dires de son meilleur ami tout en finissant d'habiller ledit Ken.

Clara et Doris se lancèrent un regard incertain. Après un moment, elles décidèrent d'un commun accord, de ne pas s'y attarder. Ce n'était que des enfants après tout.

Dans les années qui suivirent, la famille Williams accueillit des jumeaux: Matthew et Bridget.

 

         Quand les garçons eurent 14 ans, ils entrèrent au secondaire. Leurs mères les regardaient avec des yeux larmoyants.

- Vous êtes tellement grands, je ne réalise pas, renifla, Clara avant d'ajouter, je compte sur toi pour prendre soin de mon bébé.

Steve fit un sourire goguenard au plus petit dont les joues se coloraient déjà, agacé par l'attitude de sa mère et de son meilleur ami.
- Stevie, n'oublies pas que si tu n'es pas sage je le saurais, lui rappela sa mère.
- Pareil pour toi, Daniel, ajouta Clara.
- Maman ! râlèrent les garçons, à l'unisson.

Les premiers jours se sont avérés assez difficiles pour Danny. Sa taille était devenue un sujet de railleries. Alors, même s'il s'était toujours montré surprotecteur depuis leur rencontre, Steve était passé un cran au-dessus. Ce qui par moment, agaçait fortement Danny.

Ce fut aussi le début des sorties: les premières soirées, les après-midi surf sans adultes. Et pour Danny, ce fut l'époque des premiers émois.

...

Chapter 2: Chapitre 2

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

 

         Quand ils eurent 15ans, Steve intégra l’équipe de Football en tant que QuaterBack. Inutile de préciser que sa côte de popularité ne fit qu’augmenter. Déjà apprécié par la gente féminine, il était maintenant admiré par une bonne partie des garçons. Au départ, Danny eut peur de le perdre. Qu’il s’éloigne de lui pour se mêler aux autres membres de l’équipe, qu’il sorte avec une Cheerleader, mais comme depuis leur rencontre, Steve le surpris. Il ne changea rien, s’accrochant à leurs petites habitudes. 

Il déclina à plusieurs reprises leurs invitations à déjeuner à leur table. Ils abandonnèrent finalement quand Steve refusa avec moins de tact. 

— Non, merci ! J’ai déjà quelqu’un avec qui déjeuner. Et puis, j’ai encore trop de neurones pour supporter vos discussions. On en reparle dans quelques saisons, quand j’aurai pris trop de coups sur la tête, sourit-il moqueur. 

 

Tout changea le jour où, en sortant de son dernier cours de la matinée, Steve ne vit pas Danny l’attendre à l’entrée du réfectoire. Dans un premier temps, il demanda autour de lui si quelqu’un l’avait vu, mais personne ne savait où il était. Plus les minutes défilaient, plus son instinct lui hurlait que quelque chose n’allait pas. Il courut dans le dédale des couloirs, essayant de garder son sang froid. 

— Danno ? appela-t-il pour la énième fois, en pénétrant dans les toilettes du deuxième étage. 

Il perçu un reniflement qu’il pourrait reconnaître entre mille. 

— Ouvre cette porte ! soupira-t-il soulagé. 

Sa demande resta sans réponse. Il grimpa sur la cuvette voisine et prit appuie sur la cloison mitoyenne. Danny était recroquevillé sur les toilettes. Ses genoux repliés contre sa poitrine et sa tête cachée entre ses bras. 

— Regardes-moi, s’il te plaît, demanda doucement Steve. Son ton à peine plus élevé qu’un murmure. 

— Non ! 

— Pourquoi ? 

— Parce que j’veux pas que tu fasses de conneries. 

 

Le sang de Steve se mit à bouillir dans ses veines, éliminant définitivement la crise d’angoisse. 

 

— Si je promets de ne rien faire, tenta-t-il. 

— Ben ce s’rait un mensonge. 

Revenant devant la porte, Steve toqua. Une fois puis deux, en vain. 

— Bon, tu ouvres cette porte ou j’le fais, menaça Steve, inquiet. 

 

Un souffle mi résigné mi angoissé se fit entendre, avant que le loquet de la porte soit actionné et que cette dernière s’ouvre enfin. 

Steve s’avança d’un pas hésitant, s’accroupissant devant Danny. Il posa une main légère sur la tignasse blonde puis exerça une légère pression que Danny traduisit par une commande silencieuse de lever la tête. 

Un hématome avait commencé à se former sur sa joue et sa mâchoire. Il retint un gémissement quand les doigts de Steve effleurèrent la coupure de sa lèvre inférieure. 

— Qu’est-ce qui s’est passé ? 

Danny ne pouvait pas répondre à cette question. Il ne pouvait pas dire à son meilleur ami qu’il avait eu un début d’érection en voyant les gars se déshabiller dans les vestiaires, après le sport. 

 

Pourquoi il avait fallu que Jimmy le remarque ? 

 

— Mais rien, souffla-t-il faussement exaspéré. 

— Rien ? rétorqua le plus grand, la colère teintant sa voix, tu t’fous d’ma gueule ? Face au silence obstiné du blond, il continua, ok ! Tu veux pas m’le dire, très bien ! Qui alors ? 

Danny secoua la tête. Il n’y avait aucune façon qu’il sorte de cette situation sans casse. Il voyait ça d’ici : Steve allait finir par tout découvrir et il perdrait son meilleur ami. Un sanglot traversa sa gorge rapidement suivit par les larmes. 

En voyant Danny dans cet état, la colère de Steve ne fit qu’augmenter. Il l’attrapa par les épaules et le tira au sol avec lui, l’enveloppant de ses bras. Il pouvait sentir l’humidité à travers son t-shirt.  Les rouages de son cerveau se mirent en marche. Réfléchissant à toute vitesse. Il faisait la liste de tous ceux qu’il avait déjà vu ou entendu se moquer de son ami. Puis, il pensa au dernier cours que Danny avait eu.

— On est quel jour ? demanda-t-il soudainement. 

Danny ricana doucement, le visage enfoncé dans le torse du brun. 

— Mardi, pourquoi ?

— T’as eu sport juste avant le déjeuner.

Ce n’était pas une question et Danny le savait. L’angoisse le paralysa et avant qu’il ne réalise ce qu’il faisait, il s’entendit supplier Steve. 

— S’il te plaît, ne t’en mêles pas. Je t’en prie, laisse tomber. Il ne s’est rien passé de grave. Tu vas juste aggraver les choses. Je t’en supplie…

— Hé ! Danny ! Shhh, ça va, calmes-toi. Je ne ferai rien, ok ? 

 

Ce dernier enfouit un peu plus son visage dans le tissu qu’il serra entre ses doigts. 

— Promets-moi que si ça se reproduit, tu viendras me voir !

— C’est bon ! J’sais me défendre, persifla Danny. 

— Alors pourquoi tu te planques dans les chiottes ? Dis-moi que tu lui as mis une branlée, rit Steve pour détendre l’atmosphère. 

— Parce que j’voulais être seul et je ne dirai pas ça comme ça, mais…ouais, il a mangé, sourit le blond en relevant la tête. 

Ils restèrent quelques minutes, assis sur le sol à la propreté douteuse, mais ni l’un ni l’autre ne semblaient s’en soucier. C’est aux grognements de leurs estomacs que les deux compères se séparèrent. Danny prit le temps de se passer de l’eau sur le visage. La dernière chose dont il avait besoin c’était que l’on voit qu’il avait pleuré. Il avait honte de s’être laissé aller comme un gamin, mais le sourire bienveillant de son meilleur ami, renvoyé par le miroir, le rassura. 

 

Ils arrivèrent au réfectoire en rigolant. Steve savait comment faire rire Danny. Alors il multipliait les blagues et autres pitreries du même genre. Leurs plateaux en main, ils se glissèrent dans la file, relativement courte, au regard de l’heure tardive. Ils choisirent leurs plats et alors qu’ils cherchaient une table libre… 

— Steve ! héla une voix qu’il ne connaissait que trop bien et Danny se figea. 

Le plus grand se retourna à la recherche de la personne qui l’avait appelé. Cette dernière se leva devant les yeux rieurs de ses potes. 

— Qu’est-ce que tu veux, O’Phelan ? demanda Steve peu amène. 

Ce n’était un secret pour personne qu’ils ne s’aimaient pas. Danny essaya de tirer son ami par le bras, mais ce n’était pas si simple de faire bouger l’autre girafe. 

— Steve, viens, lui souffla-t-il. 

Mais les pensées du brun étaient focalisées sur un infime détail…l’ecchymose qui avait commencé à se former autour de l’oeil de son vis à vis. Steve se tourna vers Danny avec un regard mauvais. 

— J’savais pas que t’étais une pédale, McGarrett, ricana le bien heureux, fier de sa répartie. 

— Pardon ? T’as dit quoi, là ? 

— T’as très bien compris, siffla l’autre. 

— Jolie coquard ! grogna Steve. Tu veux peut-être nous expliquer qui t’a fait ça ?!

O’Phelan se garda bien de répondre. Il ne fit pas plus de deux pas dans leur direction que Steve vit rouge. Il ne le laisserait pas s’approcher de Danny. 

Sa nourriture toujours en main, il s’avança, renversa les plats et d’un revers de plateau frappa Jimmy en pleine tête. Ce dernier percuta brutalement le sol. La violence du choc et le bruit assourdissant qui résonna dans l’espace ouvert, fit grimacer les étudiants présents. 

Steve se mit à cheval sur son adversaire pour l’immobiliser et il le frappa avec rage, enchaînant les coups. O’Phelan essaya tant bien que mal de parer les attaques, mais encore sonné, il ne parvenait pas à esquiver les coups assénés par le brun au-dessus de lui. Steve ne pouvait plus s’arrêter. 

 

Comment avait-il oser toucher à Danny ?

 

Il n’entendait pas les cris des autres élèves. Les encouragements de certains, les insultes des autres. 

Un seul sentiment l’animait, la vengeance. Il fut déconcentré par une voix qui fit disparaitre toutes les autres : Danny qui lui demandait d’arrêter. 

Et alors qu’il se tournait pour regarder son ami, Jimmy en profita pour le frapper. D’abord un crochet qui percuta sa mâchoire et le fit vaciller. Sous le choc, il recula, relâchant sa prise sur le corps de l’autre. Le coup de poing fut suivi d’un coup de pied dans l’abdomen qui lui fit perdre l’équilibre. Son dos rencontra violemment le carrelage froid. 

Le temps que Jimmy se relève, il put reprendre son souffle. Quand il rouvrit les yeux, il tomba nez à nez avec une semelle et il eut juste le temps d’attraper le pied, de le tordre pour faire tomber son adversaire. Renversant leur position, Steve se rua de nouveau sur O’Phelan, mais deux mains agrippèrent les manches de son t-shirt. Il se retourna dans un geste brusque pour faire décamper l’importun. Son mouvement se stoppa net en voyant les prunelles bleues le fixer. 

— Arrêtes ! Il n’en vaut pas la peine, lui souffla Danny l’implorant. 

 

Un surveillant entra en trombe dans le self avant d’aviser la scène qui se présentait à lui. 

— Quelqu’un compte m’expliquer ce qu’il se passe ici ? 

Il regardait tantôt les deux élèves qui se fixaient, tantôt la vaisselle et la nourriture qui jonchaient le sol. Steve attendait que Jimmy le dénonce, mais il n’en fit rien. Par fierté sans doute, certainement pas par charité. 

— Je me suis levé alors que McGarrett passait avec son plateau. On s’est percutés, expliqua-t-il simplement. 

Le surveillant reporta son attention sur Steve qui confirma d’un hochement de tête. Il s’attarda sur la position des deux amis. Danny se tenait derrière Steve, légèrement excentré pour ne pas être caché par son ami, les bras enroulés autour de son torse. Bien sûr que le surveillant avait des soupçons. Williams semblait essayer de retenir McGarrett. Il avait également vu les blessures et le sang, mais s’ils ne désiraient pas son aide, il n’allait pas insister. 

— Vous me nettoyez ça, si vous ne voulez pas aller en retenue. Les autres, vous pouvez retourner manger et si vous avez fini, inutile de rester là, ajouta-t-il avant de repartir par la même porte. 

Steve se mit à ramasser alors que Jimmy sortait, suivi par toute sa bande. Danny s’accroupit pour aider son ami. C’était le moins qu’il pouvait faire puisque tout était de sa faute. Ils nettoyèrent en silence puis abandonnèrent l’idée de manger et sortirent avec soulagement du réfectoire. 

 

Assis au pied d’un arbre, ils profitèrent du soleil et du calme. Danny avait sorti un livre et Steve s’était appuyé contre le tronc et avait fermés les yeux. Le blond se surpris à admirer le profil de son meilleur ami. Il était si beau comme ça. Ses traits détendus, il semblait serein. 

— Arrêtes de me regarder comme ça, murmura Steve en entrouvrant un oeil. Je t’ai dit que ça allait, pas besoin de t’inquiéter, dit-il doucement. 

 

S’il savait, pensa Danny.

 

— Je suis désolé, déclara-t-il tout de même. Je…, il hésita, je sais que je te dois une explication, mais…

— Tu ne me dois rien, souffla Steve. Si tu veux m’en parler, je serais là, mais je ne te forcerai pas. 

Danny avait envie de l’embrasser. Qu’avait-il bien pu faire dans une vie antérieure pour avoir un meilleur ami comme le sien ? C’est dans ces moments-là qu’il mesurait la chance qu’il avait. 

 

Mais le calme et la sérénité n’allaient pas durer. 

 

Notes:

N'hésitez pas à me laisser un avis ;-)

Chapter 3: Chapitre 3

Notes:

Merci pour vos commentaires et bien sûr qu'il y a une suite ;-)
Je publierai une fois par semaine, certainement le week-end. S'il y a changement je vous le ferais savoir.
J'espère que ça vous plaira.

Enjoy !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Chapitre 3

 

        Quand les deux amis eurent 16ans, un drame frappa la famille McGarrett.

Steve grattait distraitement les cordes de sa guitare en attendant de dîner. Il était déjà 19h30 et sa mère n’était toujours pas rentrée.

Danny lui avait envoyé un message pour lui rappeler de réviser pour le devoir du lendemain.

Steve : Tu crois que je fais quoi là ?

La réponse ne se fit pas attendre.

Danny : Plusieurs possibilités… Tu joues à la console ? T’es sur ta guitare ? Nan attends, tu te branles devant un porno ? Peu importe, mais tu n’es certainement pas après tes cours !

Fier de sa blague, le brun rigolait en imaginant la tête de son meilleur ami. Alors qu’il reprenait sa guitare, la sonnette de la porte d’entrée retentit. Une fois, deux fois, personne ne semblait vouloir répondre. Steve soupira, las, posa sa gratte et descendit les escaliers rapidement. Quand sa main se posa sur la poignée, il ressentit quelque chose d’étrange. Une sensation inconnue et indescriptible. C’est avec une boule au ventre qu’il ouvrit la porte pour tomber nez à nez avec un flic tout juste sorti de l’école de police.

Il sut instinctivement. Ou en additionnant un et un, peu importe. Il savait !

La nuit était bien avancée quand Danny fut réveillé par des coups portés à sa fenêtre. Malgré son esprit embrouillé par le sommeil, il savait que c’était Steve. C’était la seule personne qui grimpait à sa fenêtre. Sans faire attention à l’heure, il se leva pour ouvrir le battant et replongea dans son lit.

Les secondes passèrent et le blond n’entendit pas un bruit. Il sentait le vent et l’humidité frôler sa peau. En tendant l’oreille, il perçut le clapotis de la pluie et un sourire étira ses lèvres. Il avait toujours aimé la pluie. Cette dernière était bien trop rare à son goût.

— Bon, McGarrett, tu fais quoi ? Tu rentres ou pas ? bafouilla-t-il la tête écrasée dans son oreiller.

Quand il comprit que la réponse ne viendrait pas, il commença par s’asseoir en se frottant le visage, balayant les dernières traces de sommeil. Un coup d’oeil sur son réveil lui indiqua qu’il était 2h du matin. Soudain plus alerte, l’inquiétude fit son apparition. En une fraction de seconde, il était debout devant la porte fenêtre et essayait de distinguer la silhouette de son ami dans l’obscurité.

— Steve, c’est toi ? Tu commences à me faire flipper. À quoi tu joues ?

Certes faible, mais il était sûr d’avoir entendu une réponse. Et bientôt une ombre s’avança vers lui. Peu à peu révélée par la lumière de sa lampe de chevet.

Son meilleur ami, trempé jusqu’aux os, les yeux gonflés et rouges. Danny le fixait attendant qu’il s’approche, comme au ralenti. Tout ce qu’il put distinguer dans ses prunelles bleues fut l’effroi et la détresse.

— Steve, parles-moi, lui demanda-t-il d’une voix basse et implorante.

Pour toute réponse, le brun se laissa tomber contre lui et ils finirent tous deux au sol. Steve le serra si fort que Danny était sûr d’avoir des marques le lendemain, mais il ne dit rien. Faisant fi des vêtements trempés, il l’enlaça à son tour. Il ressentait douloureusement les tremblements qui animaient le corps de Steve.
Quand ce dernier sentit les mains de son ami sur son dos, il ne put retenir le sanglot qui déchira sa gorge. Dans une étreinte désespérée, le visage caché dans le cou de Danny, Steve pleura.

— Elle est morte, gémit-il sans pouvoir y croire.

Il ne sut combien de temps s’était écoulé avant que les larmes ne se tarissent. Ou peut-être n’avait-il juste plus la force de pleurer.

— Je suis désolé, grimaça Steve en relâchant son ami.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Je…ma m…, il commença à suffoquer

Danny n’avait jamais vu son meilleur ami dans un tel état. Il eut peur tout à coup. Lui paniquait, pas Steve. Jamais !

— Souviens-toi de ce que tu me dis tout l’temps ? commença le blond. Regardes-moi ! Respires avec moi. Inspire par le nez, expire par la bouche, lentement.

Danny ne faisait que répéter ce que Steve faisait à chaque fois qu’il avait une crise de panique. Après quelques minutes, Steve semblait se calmer. Danny attendit, il n’osait plus demander.

— Ma mère, souffla le brun difficilement. Elle…elle a… Un putain d’accident de voiture, Danno, cria-t-il.

La révélation le paralysa. Danny ne savait pas quoi faire ni quoi dire. Il avait mal pour son ami, mais pas seulement. Il ne prétendrait pas souffrir autant que Steve, mais Doris était comme une seconde mère. Ses yeux se remplirent de larmes et il s’en voulut instantanément. Il devait être fort pour son ami. Ce n’était pas lui qui venait de perdre sa mère. Alors pourquoi il ne pouvait pas s’arrêter ?

— Pardon !
— Nan, t’as pas l’droit de t’excuser, le gronda Steve la voix éraillée. J’veux pas que tu fasses comme si ça ne te faisait rien, termina-t-il en levant la main pour venir ramasser une larmes qui ruisselait sur la joue de son ami.

Ils se regardèrent, Danny hocha la tête et laissa libre cours à son propre chagrin. Steve le prit contre lui et ses larmes revinrent.

À quelques mètres de là, John McGarrett paniqua en trouvant la chambre de son fils vide. Son premier réflex fut d’essayer de le joindre sur son téléphone, mais la sonnerie de l’appareil résonna dans la pièce. Il le fit sonner plusieurs fois avant de réussir à le localiser. Le père jura quand il se retrouva confronté au mot de passe de déverrouillage. Sa première pensée fut pour sa femme. Elle aurait su quoi faire dans ce genre de circonstances. Elle avait toujours su quoi faire, pas lui. Elle avait toujours été tellement plus forte. Lui ne savait que s’en remettre à elle. Comment allait-il faire pour vivre sans elle.

Ils avaient tout pour être heureux et en une fraction de seconde, il avait tout perdu.
Il sentit l’humidité peindre son visage.

John s’assit sur le lit de son fils et prit son oreiller. L’objet portait l’odeur de son petit garçon. Il le serra fort contre sa poitrine et pleura. Quand il était rentré, il avait ressenti le besoin urgent de vérifier si ses enfants allaient bien. Il était d’abord passé voir Mary, avait remis sa couverture correctement et avait déposé un baiser sur son front. Puis il s’était dirigé vers la chambre de Steve.
Il avait ouvert la porte pour trouver une pièce vide. Seul, serrant avec désespoir l’objet, incapable de savoir quoi faire. Son esprit embrouillé par le chagrin le rendait impuissant.

Quelques minutes ou peut-être quelques heures s’étaient écoulées quand la sonnerie de son téléphone retentit, le faisant sursauter. Il se redressa derechef et décrocha sans vérifier l’appelant.

— McGarrett, déclama-t-il d’une voix enrouée.
— John, c’est Clara !

Clara !

Il avait oublié de l’appeler. Après la visite de l’agent, il avait du aller identifier le corps de sa femme. Il était passé sur la scène de crime et au commissariat. Le mari et le père voulait pleurer avec ses enfants, mais le policier avait besoin de réponses. Il sentit une boule obstruer sa gorge. Comment pouvait-il lui annoncer, alors qu’il n’arrivait même pas à prononcer les mots dans sa tête.

— Clara, sanglota-t-il, c’est Doris…

Et elle n’eut pas besoin qu’il en dise plus.

— Steve est à la maison, gémit-elle.

Doris McGarrett était une mère, une femme, une institutrice et une amie dévouée. Ses élèves peut-être quelques parents, ses voisins et amis, sans parler de son mari et de ses enfants…tant de gens allaient pleurer sa disparition. Mais pour l’heure, toutes ces choses étaient sans importance parce que Clara Williams venait de perdre sa meilleur amie. Elle ne fit même pas l’effort d’essuyer son visage ou de calmer ses sanglots quand on frappa discrètement à sa porte d’entrée. Clara l’ouvrit brusquement et sans attendre prit John dans ses bras.

Ils restèrent ainsi un bon moment. Accrochés l’un à l’autre comme on s’accroche à une bouée de sauvetage. Ils finirent par se séparer et sans un mot, la mère de famille conduisit John à la chambre de son fils aîné. Ils restèrent immobiles, le coeur serré face à l’image que leur renvoyaient leurs enfants.

Épuisés, les garçons avaient finalement migré sur le lit. Un tas de linge trempé laissé sur le sol. Seulement vêtus de leurs boxers, ils étaient étroitement enlacés, leurs jambes emmêlées. Allongés sur leurs flancs, les longs bras de Steve étaient enroulés autour de Danny et son visage proche de son coeur. Ce dernier, le nez enfouit dans la chevelure brune, les bras encerclant fermement les épaules de son ami.

On pouvait encore voir les traces de leurs chagrins séchées sur leurs joues.

C’est dans cette position que les deux adolescents se réveillèrent au matin. Instinctivement, Steve s’étira et resserra sa prise sur le corps entre ses bras. Il frotta son visage sur la peau douce sous sa joue. Les sens baignés par une odeur familière, apaisante.

Il embrassa légèrement l’épiderme, du bout des lèvres. Sans y réfléchir, elles continuèrent leur chemin. Suivant les changements de textures et les irrégularités. Parcourant les angles créés par des os saillants. Il sentit contre sa cuisse, coincée entre deux jambes, quelque chose de dur et remonta un peu plus son genou pour amplifier la friction.

Le corps contre le sien s’anima. Des mains caressèrent distraitement ses épaules et sa nuque. Des frissons remontèrent sa colonne vertébrale et quelque chose se contracta dans son ventre. Ses lèvres trouvèrent enfin leurs homologues et se pressèrent ensemble, s’accrochèrent. L’esprit encore embrumé, il laissait parler son corps qui semblait mu d’une volonté propre.

Une jambe remonta plus haut sur sa hanche, il attrapa la cuisse à sa portée et la griffa doucement. Il commença un mouvement de hanche qui soulageait un peu son érection matinale. Un gémissement parvint à ses oreilles, déclenchant une alarme dans son esprit et chassa les dernières traces de sommeil et de quiétude.

Il relâcha le corps de son meilleur ami et s’éloigna autant que l’espace exigu du lit le permettait.

— Je suis désolé, murmura Steve la voix grave et éraillée.

Chaque syllabe prononcée était comme du papier de verre frotté dans sa gorge. Il ne savait pas ce qui était le pire. Avoir profité du corps endormi de son ami ou avoir, l’espace d’un instant, oublié que sa mère était morte ?

Les larmes recommencèrent à couler. Il en avait marre de pleurer. Il était épuisé, mais il ne pouvait s’en empêcher. La douleur semblait grossir et s’intensifier, lui lacérant les entrailles.

Disparaitrait-elle un jour ?

Les sanglots du brun, sortirent Danny de son état de choc.

— Ne sois pas désolé, il n’y a rien de grave, tenta-t-il.
— Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, je suis désolé…tu t’rends compte…j’ai oublié…j’ai…oublié ma mère, balbutia-t-il avec difficulté.

Danny réalisa que pour lui aussi, dans les bras de Steve, le monde autour avait disparu. Il comprit également que son ami n’était pas en état de parler ou de suivre une conversation. Alors, à l’instar de l’incident du réfectoire, des mois auparavant, ils ne reparleraient pas de ce matin-là.

Il se rapprocha doucement avec la crainte d’être rejeté, mais Steve reprit naturellement sa place contre lui. Toutes traces d’un quelconque désir, oubliées.

 

Notes:

À la semaine prochaine !

Chapter 4: Chapitre 4

Notes:

Voici la suite ! C'est à partir de là, que la catégorie prend tout son sens. Je n'en dirais pas plus ;-)

Je vous laisse découvrir ça par vous-même.

Sur ce, bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Chapitre 4

 

        Quand Steve eut 17ans, son père prit une décision qui allait sceller son avenir.

L’année qui venait de s’écouler n’avait pas été simple. Steve avait dû affronter l’enterrement de sa mère. Puis les absences répétées de son père. John partait au travail de plus en plus tôt et rentrait de plus en plus tard. Si bien que l’adolescent avait eu le sentiment de ne pas avoir vu son père depuis une éternité.

Les journées étaient assez chargées. Steve s’occupait de sa petite soeur le matin, la déposait à l’école, partait en cours et la récupérait le soir. Les jours où il avait entraînement c’était Clara ou Danny qui s’en chargeaient.

En rentrant, il devait gérer les devoirs de la jeune McGarrett, le repas ; s’assurer qu’elle est pris sa douche, brossé ses dents et seulement quand il lui avait lu son histoire, il pouvait s’occuper de lui. Ce qui se traduisait souvent par s’effondrer d’épuisement sur son lit.

Bien sûr, il pouvait compter sur la famille Williams, mais Steve essayait autant que possible de ne pas déranger Clara. Il avait beau se montrer fort et vouloir gérer la situation, il mentirait en disant qu’il n’était pas soulagé quand son meilleur ami venait passer la soirée avec lui. Fait assez fréquent.

Le jeune garçon se sentait déphasé. Il n’avait pas les mêmes préoccupations et responsabilités que les adolescents de son âge. Quand il entendait ses camarades parler de leurs vacances en famille, leurs béguins, leurs plans pour le week-end…ça lui paraissait être à des années lumières de ses propres perspectives.

— McGarrett ! T’es là ?

La voix du blond sortit Steve de son état hypnagogique. Il se frotta les yeux et baya bruyamment quand son ami entra dans sa chambre.

— Tu dormais ?
— Non, répondit Steve avec cette voix grave qu’il avait le matin et que Danny aimait tant.

Il sourit face au déni du plus grand. Il abandonna son pantalon pour ne garder que son sous-vêtement et son t-shirt avant de prendre place dans le lit. Ils avaient rapidement glissé dans une routine apaisante. Danny se sentait plus serein quand il était près de Steve. Comme tous les soirs où il venait dormir chez les McGarrett, Steve attendit qu’il soit couché et vint se coller à lui.

— Désolé de venir aussi tard, mais j’avais une rédac’ à finir, se justifia Danny.
— T’as pas à t’excuser ! T’es là, maintenant, c’est le principal, affirma-t-il d’une voix basse, en passant ses bras autour de Danny et en le rapprochant pour mouler son corps au sien.

Le plus petit ne se fit pas prier et c’est avec délectation qu’il colla son dos au torse, déjà bien développé, de son ami. Et comme bien souvent, ils sombrèrent rapidement dans le sommeil, se laissant envelopper par les bras de Morphée.

C’est dans cette position que John les trouva quand il rentra bien des heures plus tard. Qu’aurait-il pu dire ou faire ? Il savait qu’il délaissait ses enfants et qu’il en demandait trop à son fils, mais il ne pouvait pas faire autrement. Steve ressemblait tellement à sa mère que ça lui faisait mal. Sous les rondeurs de l’enfance qui recouvraient encore le visage de son garçon, il devinait les traits durs de Doris qui se dessinaient. Il avait également hérité de sa taille, le dépassant déjà d’une bonne tête, bien que John fut certain que Steve allait sans doute dépasser sa mère. Tout comme elle, Steve était également têtu et acharné ; une prédisposition innée pour cerner les gens. Mais toutes ses ressemblances, n’étaient en rien la cause principale de son absence. Il avait une enquête à mener et bientôt, il lui faudrait prendre une décision dont le prix serait incommensurable.

Plus il fouillait, plus il mettait sa vie et celle de ses enfants en danger, mais John était aussi douloureusement conscient que rien ne le ferait lâcher son enquête. S’il devait payer de sa vie la vérité sur la mort de sa femme, qu’à cela ne tienne. Après une énième lettre de menace, il se résigna. Il fallait qu’il mette ses enfants à l’abri. Une idée commença à germer dans son esprit. Il n’y avait plus que quelques détails à régler et il ne pourrait plus faire marche arrière.

C’est quelques jours plus tard, qu’il organisa une réunion de famille. La première sans sa femme et sans doute la dernière. Il regarda ses enfants installés en face de lui. En voyant Steve occuper la moitié du canapé, il se demanda quand son fils avait autant grandi. Mary, quant à elle, était pelotonnée sur les genoux de son frère. En pensant à ce qu’il allait faire, l’image lui retourna l’estomac. Ne sachant pas comment leur annoncer, il décida d’être direct.

— Vous prenez l’avion demain matin pour le continent. Mary tu iras chez tante Deb et toi, Steve, tu intégreras l’Académie Navale d’Annapolis. C’est un vieille ami qui s’occupera de toi, termina-t-il d’un même souffle.

Il attendit presque stoïque la pluie de questions, d’incompréhension, mais il n’était pas préparé à la violence de la réaction de Steve.

— Non mais ça va pas ? Qu’est-ce qui te prends ? C’est hors de question, explosa Steve après avoir envoyé sa petite soeur dans sa chambre. Je ne sais pas ce que tu croyais faire, mais ça n’arrivera pas. T’as qu’à continuer à faire ce que tu fais, Mary et moi, on s’en sort très bien, déclara-t-il avec véhémence en faisant les cent pas.
— Tu vas baisser d’un ton, le prévint John qui s’était levé à son tour. Ce n’est pas négociable? Vous partez demain !
— Tu ne peux pas faire ça, grinça Steve, tu ne peux pas nous séparer.
— Je sais que ça te paraît cruel, mais crois-moi, je fais ça pour vous. Un jour, peut-être pas tout de suite, mais un jour tu comprendras.
— Si tu nous obliges à partir, jamais, tu m’entends, jamais je ne te le pardonnerais.

Steve fixait son père avec défit. Ses yeux empli de haine. Voyant la détermination teinter le visage de son père, sa respiration devint plus lourde, ses narines se gonflèrent. Il toisa John de toute sa hauteur et l’envie de le frapper le prit au dépourvu. Avant de franchir une ligne sans retour en arrière possible, Steve quitta la maison en courant. Il ne savait pas où aller ni quoi faire. Il courait sans y réfléchir, faisant abstraction de la brûlure dans ses muscles.

Ses jambes finirent par le conduire sur la plage, plus près du centre ville. Il aira sans but, essayant de mémoriser le paysage, l’odeur de l’océan ; capturer cette brise familière qui ébouriffait ses cheveux. Sa respiration était difficile et son esprit embrouillé.

Le jeune homme résistait pour ne pas se laisser submerger par la panique. Son esprit échafaudait une multitude de plans pour combattre en vain l’inévitable. Son père ne changerait pas d’avis, il le savait, mais il ne pouvait se résigner. Il allait tout perdre. Comment pourrait-il l’accepter ? Ses pas l’avaient conduit jusqu’à l’endroit où Danny et lui venait admirer le feu d’artifice. Soudain, la pensée qu’il avait évitée depuis l’annonce de son départ, prit toute la place dans sa tête : Danny !

Par-dessus tout, iI allait perdre son meilleur ami. Et juste comme ça, la panique envahit son corps. Sa respiration devint laborieuse. Une main pressée contre sa poitrine, il tomba à genoux dans le sable. S’exhortant à maitriser sa respiration, son esprit envahi par Danny, son image tapissant l’intérieur de ses paupières. Le sourire de Danny, les yeux bleus céruléens de Danny. Il avait presque l’impression d’entendre son rire.

La panique laissa progressivement place à un autre sentiment, tout aussi écrasant…l’urgence ! Il la ressentit dans chaque fibre de son corps, l’urgence de le voir. Il ne lui restait plus que quelques heures. Sans attendre, il reprit sa course jusqu’à la maison des Williams et grimpa sur le balcon du blond.

Danny fut une nouvelle fois réveillé par des coups sur le vitrage de sa fenêtre. Il se traina pour ouvrir, mais ne repartit pas se coucher. La dernière fois que Steve avait débarqué comme ça…il commença à sentir la peur se répandre, mais n’eut pas le temps d’y penser d’avantage.

Steve entra d’un pas rapide dans la pièce et fondit sur ses lèvres. Il n’hésita pas, il n’avait plus le temps. Une fois le choc passé, Danny répondit avidement à son baiser. Leurs lèvres se redécouvraient, se taquinaient. Deux grandes mains encadrèrent le visage du blond et Steve approfondit le baiser. Sa langue partit à la rencontre de sa voisine. Les mains de Danny semblaient coloniser son corps. D’abord sur ses hanches, puis dans son dos, avant de descendre sur ses fesses, qu’elles agrippèrent avec audace.

Steve se mit à rire, surpris.

— Je ne t’imaginais pas aussi entreprenant, souffla-t-il d’une voix rauque et une jolie nuance de rose teinta les joues du plus petit. J’aime ça !

Sans prévenir, Steve attrapa les cuisses de Danny et le souleva l’emmenant jusqu’au lit. Ils tombèrent tous les deux et ne perdant pas de temps, commencèrent à se déshabiller mutuellement.

Les vêtements, devenus gênants, volèrent à travers la chambre et s’éparpillèrent sur le sol. Danny passa ses mains avec empressement sur le torse de Steve. Il avait tellement rêvé pouvoir faire ça. Combien de fois s’était-il masturbé en imaginant son meilleur ami derrière ses paupières closes ? Il pinça un de ses tétons expérimentalement et le plus grand laissa échapper un gémissement. Danny sourit et réitéra l’expérience avec le second.

Il poussa Steve pour qu’il s’allonge et reprit ses lèvres. Bien sûr, il était maladroit et peu expérimenté, mais avoir le corps de son meilleur ami sous le sien l’excitait au plus haut point. Ses lèvres découvrirent son torse, mémorisant chaque centimètre carré de peau. Quand il arriva enfin à la limite du sous vêtement, il s’arrêta, incertain.

Steve reprit ses esprits en sentant son hésitation et se redressa. Il glissa son index sous son menton et le força à lever la tête.

— Ça va ? demanda-t-il doucement et Danny hocha timidement la tête. On est pas obligés d’aller plus loin. Si tu veux arrêter…
— Non ! Je…sais pas vraiment quoi faire.

En fait, il savait très bien ce qu’il désirait ardemment, mais qu’en était-il de Steve ? Quelles étaient les limites qu’il ne devait pas franchir.

Steve s’avança plus près, jusqu’à ce qu’il sente le souffle de son ami balayer son visage. Il commença par l’embrasser doucement, lentement. Danny sentit des frissons recouvrir son épiderme. La bouche du brun traça sa mâchoire et continuant sa route, attrapant le lobe de son oreille. Le léchant et le mordillant. Sa respiration s’emballa et il gémit bruyamment sous la torture. Prêt à le supplier pour qu’il continue.

Il s’abandonna aux grandes mains de Steve, qui le fit s’asseoir sur ses cuisses. Une langue audacieuse vint lécher la sueur qui perlait sur la fine peau sous son oreille. Sa bouche était partout, apprivoisant son corps qui lui répondait avec délectation. Son cou, ses clavicules, sa poitrine. Il se cambra quand des dents attrapèrent son téton. Tout en tirant doucement sur la chaire délicate, Steve le regarda par-dessus ses cils avec un sourire diabolique.

Cette simple vue fit gonfler un peu plus son érection. Il avait peur, ils avaient tous les deux peur, mais le besoin surpassait tout le reste, même le désir. Et à cet instant précis, ils n’avaient besoin que de l’autre.

Steve ne posa aucune question quand Danny se pencha pour récupérer une bouteille de lubrifiant et un préservatif dans le tiroir de sa table de nuit. Il les plaça à côté d’eux et fixa son regard au sien. Steve comprit et guida leurs mains jusqu’à son sexe. Il commença un lent mouvement de poignet pour s’assurer que Danny était à l’aise et déterminé attrapa l’érection de son meilleur ami.

Leurs mains bougèrent à l’unisson, leur arrachant des gémissements. Leurs lèvres ne se quittant que pour admirer l’autre. Steve savait qu’il ne pourrait pas tenir longtemps. Il prit le lubrifiant et en versa une quantité généreuse dans sa main.

— T’es sûr ? Je ne veux pas te faire mal. Si ça ne va pas, on peut échanger, commença-t-il, perdant un peu de son assurance.
— Je veux que tu le fasses, lui répondit Danny, une gêne apparente. Il hésita à poursuivre, mais se dit qu’il ne craignait rien. C’était Steve, son meilleur ami. Ça ira, je l’ai déjà fait, ajouta-t-il les yeux baissés.
— Tu l’as déjà fait, répéta bêtement son ami.
Après quelques secondes, Danny releva la tête pour regarder Steve.

— Non ! Pas comme ça ! rectifia-t-il avec empressement. J’ai déjà…hmm…avec mes…enfin, tu vois ?
— Oh ! réalisa Steve.

La surprise fut remplacée par un sourire espiègle et il écarta un peu plus ses jambes, ouvrant celles de Danny dans le mouvement. Ses doigts descendirent jusqu’à trouver l’entrée et il commença à caresser légèrement. Guettant les expressions et bruits que faisait le blond.

Il le sentit s’affaisser de plus en plus contre lui. Ses hanches poussaient discrètement sur ses doigts. Avec douceur et crainte, il commença à le pénétrer. Il garda le même rythme lent et mesuré. Son doigt bougea, testant les réactions de Danny. Son visage n’était que plaisir. Il gémissait de plus en plus.

— Un autre, commanda-t-il dans un souffle.

Et Steve s’exécuta. Il répéta le même processus jusqu’à ce qu’il soit sûr de ne pas le blesser. Puis en ajouta un troisième. Il sentit une espèce de boule qu’il toucha du bout des doigts et Danny cria. Steve plaqua une main sur sa bouche et s’immobilisa.

— Shuutt !
— Dé…désolé, expira Danny, le souffle court. Recommence, s’il te plaît.

Steve sourit avec fierté. La sueur, les yeux vitreux, les joues rougies et les lèvres gonflées d’avoir était maltraitées, jamais il n’avait trouvé son meilleur ami plus beau qu’à cet instant. Et il en était responsable. Il découvrit qu’il aimait avoir ce genre de pouvoir sur Danny. Au-delà de la taille ou encore de la force physique, il aimait être capable de lui faire perdre pied, de le faire gémir et crier.

— Heureusement que la chambre de tes parents est loin, souffla-t-il.

Sans pouvoir se retenir, ils se mirent à rire. Un rire libérateur qui fit redescendre un peu la pression et leur rappela qu’ils étaient toujours eux, Danno et Stevie, que tout irai bien. Ils se fixèrent, les yeux brillants d’émotions. Leurs bouches se retrouvèrent avec empressement et soulagement.

Toujours assis sur les cuisses de Steve, Danny déroula le préservatif sur son sexe. Avec envie et appréhension, le plus grand prit ses fesses en main pour le guider sur son érection.

— À ton rythme, lui rappela Steve.

La douleur fut la première chose que Danny sentit. Il se doutait qu’il ressentirait une gêne, mais il ne s’attendait pas à une vive douleur. Il grimaça et ralentit ses mouvements. Son érection diminua un peu dans la main de Steve.

— Ça va ? demanda-t-il inquiet.
— Ouais, souffla son ami. Laisse-moi quelques secondes. C’est plus gros que mes doigts…et que les tiens, plaisanta-t-il.

Toutes traces de gêne avaient déserté. Ils n’en étaient plus là. Le désir enflammait leurs sens. Même la douleur ne les arrêterait pas. Le plaisir reprenait ses droits faisant reculer la douleur et bientôt elle fut évincée par les lèvres de Steve, les mains de Steve, le corps de Steve… Centimètre par centimètre, Danny savourait la sensation du sexe à l’intérieur de lui.

Ses hanches adoptèrent un rythme lent. Il voulait que ça dure éternellement. Emprisonner Steve entre ses bras, ne plus jamais le laisser partir. Ils n’étaient plus que souffles erratiques, gémissements et râles de plaisir. Danny voulait retrouver cet endroit, ce point que Steve avait touché. Il changea plusieurs fois sa position, en vain.

Steve enroula un bras autour de sa taille, le souleva et l’allongea sur le lit. Il attrapa une de ses cuisses qu’il remonta contre sa hanche et reprit sa place entre les jambes de son meilleur ami. L’angle était différent, la pénétration plus profonde. Il commença par onduler le bassin, il savait ce qu’il cherchait et où le trouver.

— Là ! s’écria Danny.

Et Steve prit un rythme plus soutenu. Des coups de reins plus rapides, plus brusques, mais ce n’était pas suffisant. Steve plaça les jambes de Danny autour de sa taille et se redressa sur ses genoux. Ses mains accrochées fermement aux hanches du blond, ses poussées prirent plus d’ampleur.

— Touche-moi, haleta Danny et Steve s’exécuta.

Leurs peaux claquaient l’une contre l’autre, leurs dents s’entrechoquaient. Ils étaient perdus dans les méandres du plaisir. L’orgasme envahissait leurs bas-ventres, grossissant à mesure que leurs corps accéléraient. Sa main sur le sexe de Danny essayait de suivre le rythme, devenu erratique, de ses hanches.

Leurs muscles se crispèrent alors que leurs corps étaient terrassés par la jouissance. Steve s’effondra sur Danny se retenant de justesse. Leurs bouches se percutèrent violemment, étouffant ainsi leurs cries.

Étendus l’un contre l’autre, tentant de reprendre leur souffle, ils se fixaient. Un sourire idiot plaqué sur leurs visages. Steve se mit sur le côté et dans un geste d’une infinie douceur, il caressa la joue de Danny.

— Je t’aime, Danno ! Ne l’oublies jamais, souffla-t-il la voix tremblante.
— Moi aussi, je t’aime, babe, répondit le blond les sourcils froncés.

Durant un court instant, Danny fut perplexe. La déclaration de Steve lui parue étrange. Comme s’il y avait quelque chose qu’il aurait dû savoir. Il abandonna quand il sentit des bras l’encercler. Steve le tira contre lui et avec un soupir de contentement, Danny posa son oreille contre le coeur de son meilleur ami. Ils auraient tout le temps de parler demain.

Steve attendit que Danny dorme profondément et, aussi discrètement que possible, quitta la chaleur des draps. Le jour allait bientôt se lever, il était temps. Tel un automate, il reprit le chemin de sa maison.

Il ne lui fallut pas longtemps pour boucler son sac. Se contentant d’y fourrer quelques vêtements. Il n’emmènerait rien d’autre. À quoi bon ? Quitter sa soeur fut difficile. Quand leurs chemins se séparèrent à l’aéroport, Mary s’accrocha à lui en pleurant. Ignorer son père fut également difficile, mais il n’avait pas ni l’envie ni la force de lui parler. Ce n’est qu’une fois à bord de l’avion qu’il laissa ses larmes couler. Emportant avec elles les derniers lambeaux de son adolescence.

Alors qu’à plusieurs milliers de kilomètres de là, Steve intégrait la Navy, Danny lui, entrait à l’Université seul et le coeur brisé.

Notes:

J'espère que vous ne m'en voulez pas trop.

C'est triste à dire, mais j'ai toujours besoin d'être rassurée. De savoir que je n'écris pas pour rien. Alors si l'envie vous en prend, laissez moi une petite review. Tous les avis sont les bienvenus.

À la semaine prochaine !

Chapter 5: Chapitre 5

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Chapitre 5

 

       Quand Steve eut 20 ans, il fut diplômé de l’Académie Navale d’Annapolis, avec les honneurs.

Les premières semaines n’avaient pas été simples. La douleur de Steve s’était mu en colère. Il en voulait à la terre entière. Pour sa mère, pour Mary, mais surtout pour Danny. Ils avaient des projets. Ils devaient intégrer la même université, prendre un appartement en colocation. Il y avait tellement d’expérience qu’il voulait vivre avec son meilleur ami.

Son père avait balayé tout ça d’un revers de main, sans sourciller. Et Steve s’était retrouvé seul, perdu dans cet étrange endroit.

Bien sûr, il n’était pas complètement ignorant. Après tout, il venait d’une famille de militaire. Avant d’être policier, son père avait servi au Vietnam. Son grand-père, dont il portait le prénom, était mort sur l’Arizona, lors du bombardement de Pearl Harbor. Si pendant un temps, Steve s’était imaginé suivre leurs traces, ça lui était passé. Son amour pour l’océan était encré dans son ADN et il voulait le protéger. Sauvegarder la faune et la flore de son île natale. Durant son adolescence, il s’était découvert une passion pour les fonds marins.

Cette époque lui paraissait si lointaine désormais.

En arrivant à l’académie, il s’était rebellé, allant jusqu’à voler un véhicule appartenant à la Marine. Ce simple fait aurait dû le faire renvoyer et à bien y réfléchir, c’est sans doute ce qu’il cherchait, mais contre tout attente, il avait fait la connaissance de Joe White. Le vieil ami de son père avait le bras long et il était sorti de garde à vue sans laisser aucune trace de l’incident dans son dossier. Les semaines passèrent vite. Les journées étaient programmées à la seconde.

Au fil des mois, il se découvrait. Il aimait le dépassement de soi, l’ordre et l’adrénaline. La Navy lui offrait la famille qu’il n’avait plus et ses camarades devinrent ses frères.

       Quant à Danny, vivre à Hawaii sans Steve s’avérait insoutenable. Il avait essayé de faire abstraction de l’immense vide laissé par son meilleur ami, mais après la nuit qu’ils avaient passée ensemble, c’était impossible. Tout, sur ce maudit rocher, lui rappelait Steve.

Deux ans après son entrée à l’université, il prit la décision de déménager sur le continent. Ils avaient encore de la famille dans le New Jersey et Danny partit vivre chez son oncle Vito. Il abandonna l’économie et intégra l’école de Police. Dire que ses parents furent surpris serait un euphémisme, mais leur fils n’était plus tout à fait le même depuis le départ de Steve.

Les mois se transformèrent en année. Chacun avançant de son côté. Steve avait écrit à Danny, d’innombrable lettres, mais n’en avait postées aucune. Il avait eu tellement de mal à apprendre à fonctionner sans lui que reprendre contact lui semblait trop risqué. Pourrait-il résister à l’envie de le revoir ? Au besoin de le toucher ? Essayant de remplir le trou béant qui rongeait sa poitrine, l’empêchant parfois de respirer, il se plongea dans ses cours. Il était le premier à l’entraînement et le dernier à rentrer. Il étudiait plus, toujours le premier debout et le dernier couché. Il n’acceptait aucune distraction. Son esprit devait toujours être occupé. Il parlait avec Mary de temps en temps, par téléphone ou par courrier. Elle était son seul contact avec la vie civile, lui qui refusait obstinément de répondre à son père. De temps en temps, elle lui parlait de Danny, mais le plus souvent, il évitait le sujet.

À la sortie de l’académie, il déposa une demande pour intégrer BUD/s. À la vue de ses résultats et de ses aptitudes et malgré son jeune âge, il fut envoyé à Coronado afin de suivre la formation des Navy SEALs. Ce fut vingt-quatre semaines de tests physiques et de conditionnement psychologique. Bon nombre des gars qui étaient arrivés avec lui ne passèrent pas la phase 1. Le commandant White se révélait être sans pitié. Du point de vue de Steve, il prenait un peu trop de plaisir à les torturer. Il fit la rencontre de Freddie. Ils étaient si différents à bien des égards, mais ils se complétaient et s’épaulaient. Pour les instructeurs, il leur apparut rapidement que Steve était un meneur. Parfois un peu trop têtu, mais c’est cette force de caractère qui ferait toute la différence en mission.

Ce fut difficile, il ne le niera pas, mais il avait aimé chaque seconde. Son acharnement et son entêtement payèrent puisqu’il sortit Major de sa promotion. Il était temps pour eux de repartir en mission.

      Quand Danny eut 23ans, il rencontra une jeune femme tout juste débarquée de Londres. Ils sortirent quelques fois et les choses prirent une tournure inattendue. Quelques mois seulement après leur rencontre, Rachel tomba enceinte et ils décidèrent de se marier. Danny était aux anges. Il avait obtenu son badge, avait résolue ses premières enquêtes et il allait être papa. Tout semblait lui sourire, mais même s’il évitait d’y penser, dans un coin de sa tête, demeurait l’image d’un grand brun aux yeux bleus orageux.

 

.....

 

— Steve, le héla son commandant.

— Oui, Monsieur, répondit celui-ci, les mains prises par son barda.

Cela faisait quelques mois qu’il était basé à Kandahâr en Afghanistan. Son équipe et lui revenaient tout juste d’une mission quand il fut surpris de trouver Joe White, qui l’attendait sur la piste d’atterrissage.

— Ça va, fiston ?

— Oui, monsieur ! Vous n’avez pas fait tout ce chemin pour boire un verre, affirma-t-il, que puis-je pour vous ? — J’ai quelque chose à faire et j’aimerai que tu m’accompagne, résuma-t-il.

“Quelque chose à faire” sous-entendait “une mission qui n’existe pas” et Steve en était pleinement conscient. Il fut toutefois surpris par la question.

— Que je vous accompagne ? C’est un ordre, monsieur, ou une requête ?

— Je te le demande comme un service. Je ne te cache pas que les chances de réussite sont minces et encore plus celles de revenir tous les deux. Nous serons tous seuls, précisa-t-il inutilement.

— J’avais bien compris, sourit le Seal. Pourquoi moi ? Sauf votre respect, pourquoi ne pas demander au commandant Dewy ?

— Parce que j’ai confiance en toi.

Le commandant White ne le dirait pas à voix haute, mais Steve était l’un des meilleurs Seal qu’il n’ait jamais entraîné. Sans doute meilleur que lui. S’était une force de la nature, avec un esprit affuté. Une rapidité d’analyse rare et pas la moindre hésitation, mais par-dessus tout un instinct exceptionnel. Chez un Seal, l’entraînement physique est primordial, mais ce n’est que 10%. Tout le monde a un point de rupture. Ce qui fera la différence en situation équivalente, c’est le mental et de ce point de vue, il ne voudrait personne d’autre que Steve pour une mission de cette ampleur.

— Très bien, Monsieur ! Le départ est prévu quand ?

Joe le regarda attentivement, essayant de déceler le moindre doute, le plus petit signe d’hésitation, mais comme il l’avait deviné, il n’y avait rien de tout ça.

— Nous partons demain à 5 heure zéro zéro !

Les détails de l’opération seraient évoqués durant le vol. Steve avait vraiment besoin de prendre une douche et de se reposer.

Ils vérifia, comme il l’avait fait avant chaque mission, que ses papiers étaient en ordre. Il se fichait éperdument de qui escorterait son corps lors du rapatriement, mais ses instructions étaient claires. Une fois sur le sol américain, sa dépouille devait être confiée à Danny. Il ne voulait pas infliger cette épreuve à sa soeur et refusait d’être laissé à son père. Et malgré la distance et son mutisme, Danny demeurait la personne la plus importante de sa vie. Il avait tout de même tenu à lui écrire une lettre qui devait lui être remise avec ses effets personnels.

 

Danno,

Je sais que tu m’en veux et c’est légitime. Rien de ce que je pourrais dire n’effacera le mal que je t’ai fait. J’ai été lâche. Je ne pouvais pas te dire au revoir, je n’en avais pas la force. Rester en contact aurait été trop difficile. Je me suis plongé dans les cours et l’entraînement, m’épuisant pour ne pas penser.

Penser à toi, à ce que j’avais perdu, à ce que je ne vivrais jamais. Tous ses projets qui ne verraient jamais le jour. Comprendre l’ampleur de mes sentiments au moment où je devais te dire adieu fut et est encore aujourd’hui, même avec ce que j’ai vu ces dernières années, la chose la plus difficile que j’ai eu à faire.

Peu importe que ce soit réciproque ou non, tu es toujours avec moi, tapi dans un coin de ma tête. Tu n’as laissé de place pour personne d’autre dans mon coeur.

Cette lettre, comme toutes celles que j’ai pu t’écrire auparavant, ne te sera jamais envoyée. Si tu lis ces mots c’est que je ne suis plus là pour te dire à quel point je suis désolé. Pardonnes-moi d’avoir fait les mauvais choix, d’avoir était si faible. Pardonnes-moi de t’imposer cette dernière épreuve.

La Navy m’a montrée une facette de moi que je ne connaissais pas et j’aime ce que je fais, mais quel genre de vie j’aurais pu t’offrir ?

Je m’étais juré de ne plus jamais interférer dans ta vie, mais il faut croire que je suis incapable de tenir mes promesses.

J e t’ai toujours aimé et je t’aimerai toujours. Je n’oublierai jamais ce petit garçon aux yeux bleus qui a éclairé ma vie.

Merci d’avoir fait un bout de chemin avec moi. Je te souhaite le meilleur.

Vis, profites de tout. Ne laisses jamais personne te dire ce que tu peux ou ne peux pas faire. Fixes tes propres limites et ne cesses jamais de rêver.

Je t’aime

Pardonne-moi

Steve

 

Ils avaient mené la mission à bien, mais pas sans mal. Steve avait été touché et il ne devait sa survie qu’à l’entêtement de Joe. Pour la première fois depuis leur rencontre, il n’y avait plus de grade. Ce jour-là, ils étaient devenu amis.

— Laisses-moi là, je vais te ralentir. Vas-y, souffla le Seal avec difficulté.

Il avait traîné sa carcasse fatiguée sur plusieurs kilomètres, mais il perdait beaucoup de sang et avait de plus en plus de mal à fonctionner.

— Ce n’est pas une option. On rentre ensemble ou on ne rentre pas. Tu as déjà oublié ce que je t’ai enseigné ? On abandonne personne !

— Quand on peut encore le sauver, mais le première objectif est la mission. On est tous conscients des risques, lui rappela Steve en colère.

— Tu m’as sauvé la vie, je ne repars pas sans toi, termina le commandant.

— Justement ! J’ai fait mon travail, mais si tu ne pars pas maintenant, j’aurais fait ça pour rien.

Le Seal avait de plus en plus de mal à parler. Joe le prit dans ses bras et continua à faire pression pour stopper l’hémorragie.

— Allez, fiston ! Restes avec moi, lui ordonna son commandant, ne pouvant dissimuler son inquiétude. Alors, qu’est-ce qu’il y a entre toi et le lieutenant Rollins ? demanda-t-il pour le tenir éveillé.

Steve esquissa l’ébauche d’un sourire et releva la tête pour le regarder.

— Vraiment ? On va parler de ça, maintenant ? Joe hocha la tête. C’est une amie, rien de plus, ajouta-t-il.

— Quand je vois les regards qu’elle te lance, permets-moi d’en douter.

— Alors c’est à elle que tu dois poser la question, affirma Steve.

Une quinte de toux laissa le jeune homme affaibli. Du sang s’écoulait de la commissure de ses lèvres et sa respiration était laborieuse.

— Il y a bien quelqu’un qui compte ? Quelqu’un pour qui tu veux rentrer ?

Oui, il y avait quelqu’un, mais pourquoi rentrer puisqu’il ne le reverrai jamais. Dans leur métier, ils avaient rarement l’occasion de profiter de leur retraite et Steve s’était fait une raison. Il mourrait sans doute jeune, en faisant la seule chose qu’il savait faire.

— Non, il n’y a personne.

— Je ne te crois pas, mon garçon. Alors tu vas me faire le plaisir de prendre contact avec elle quand nous serons rentrés !

Cette dernière affirmation ne souffrait aucune discussion. Joe ne lâcherait pas et Steve n’avait plus la force de se battre contre lui.

 

C’est en rentrant de cette opération que Steve apprit la nouvelle. Il reçut une lettre de Mary lui annonçant le futur mariage de Danny et sa paternité imminente. Il avait mal, son coeur saignait. Une colère injustifiée lui comprima la poitrine. Danny ! Son Danno…allait avoir un enfant.

De quel droit était-il jaloux, se réprimanda-t-il.

Cruellement, son esprit lui imposa des images de Danny et lui. De matins où il se réveillerait aux côtés de la personne qu’il aime. Des petits déjeuners, des soirées télé ; images d’une vie qu’il n’aurait jamais. Sa main picotait à l’image de leurs doigts entrelacés. Il pouvait presque sentir son odeur l’entourer.

Il était temps pour lui de bouger.

S’il avait toujours été investi dans son travail, acceptant les missions les plus dangereuses, il monta encore d’un cran. Steve se fit transférer des Forces Spéciales aux Services Secrets de la Navy et se mit à traquer des groupes terroristes internationaux. Il ne restait que rarement plus de 48h au même endroit. Exactement ce dont il avait besoin.

 

      Bien loin de là, Danny accueillait sa fille. Elle fut nommée Grace, en hommage à sa partenaire, ayant trouvé la mort dans l’exercice de ses fonctions, quelques semaines auparavant. Rachel ne s’y était pas opposée.

— Tu portes le prénom d’une battante, chuchota le policier, en admiration devant ce petit ange qui en une fraction de seconde, était devenu le centre de son monde.

De ce jour, tel un satellite pris dans l’attraction d’une planète, la vie de Danny ne tournait plus qu’autour de la petite fille.

Les semaines devinrent des mois, puis des années. Grace grandissait vite aux grands dam de Danny. Il avait fait tout son possible pour ne rien louper. Être là pour les moments importants, ceux qu’on ne peut jamais rattraper. Ses premiers pas, ses premiers cauchemars, ses premiers mots… Après des mois à lui mimer “Papa”, il avait tenté son prénom et son diminutif, mais son petit singe semblait avoir du mal.

Son mariage ne dura pas. Son statut de flic avait attiré Rachel et avait fini par la faire fuir. Grace était tout ce qui lui restait. Matty était venu dans le New Jersey pour lui tenir compagnie, c’était son excuse, mais ils savaient tous les deux que le flic n’était pas dupe. Matt était surtout venu le surveiller par peur qu’il fasse une connerie. Ça lui semblait absurde comme idée. Jamais il ne pourrait abandonner sa fille.

Et puis, s’il ne l’avait pas fait quand…bref, il ne le ferait pas pour Rachel.

Une tête brune, les cheveux en bataille, un sourire tordu étirant ses lèvres, lui apparut et comme à chaque fois, son cœur bondit dans sa poitrine. Le vide qu’il ressentait menaçait de l’engloutir. Il se réprimanda et secoua la tête.

C’est finalement au parc, alors qu’un garçon la poussait pour lui voler sa balançoire, que le mot était sorti.

— Danno ! cria la petite fille.

Tel un automate, Daniel fit ce qu’il devait faire et défendit Grace. Il passa un savon à l’enfant et aux parents, les accusant d’avoir mal élevé leur fils et de ne pas le surveiller.

— Je suis flic et je peux vous dire que ce sont des gars comme votre fils que j’arrête. On en reparle dans 10 ans, vous verrez, les prévint-il.

Ils eurent l’air terrifiés et Danny n’était pas peu fier de son effet. Sauf que sous ces couches de Papa attentionné, de policier sûr de lui, la douleur le rongeait.

Pourquoi Danno ? Grace aurait pu bafouiller n’importe quoi, pourquoi a-t-il fallu qu’elle l’appelle comme ça ?

Cette nuit-là, son sommeil fut peuplé d’un grand brun aux yeux rieurs. Son esprit a tenté de l’imaginer plus grand, plus vieux, en soldat, mais heureusement pour Williams, son imagination était limitée. Il se réveilla au beau milieu de la nuit, essoufflé et trempé de sueur. Il refusa obstinément de se rendormir.

Le même schéma se répéta des nuits durant. Il ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait dormi plus de trois heures. Danny avait bêtement cru avoir dépassé tout ça, mais son fantôme ne semblait pas vouloir le laisser vivre en paix.

Ce n’était qu’une mauvaise période. Ç’allait finir par passer. N’est-ce pas ?

 

Notes:

Merci d'être là, de me lire et de me laisser vos avis. Ça me fait toujours plaisir de vous lire. J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop. Soyez patiente, ils se retrouveront, mais pas tout de suite.

À dimanche prochain ;-)

Chapter 6: Chapitre 6

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

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Chapitre 6


 

      Quand Danny eut 30 ans, Rachel lui annonça leur départ. Son nouveau mari et elle partaient pour Hawaii et Danny jura que c’était une plaisanterie.

— Tu me fais marcher, c’est ça ? sourit-il, dissimulant le noeud dans sa gorge.

— Non, Daniel, c’est on ne peut plus sérieux. Nous partons dans un mois, ajouta-t-elle.

Un dernier coup pour finir d’enfoncer le clou.

— Tu ne peux pas me faire ça ! T’as pas le droit d’emmener ma fille loin de moi, beugla Danny, la voix brisée et implorante.

Il était vite apparu que Rachel ne changerait pas d’avis et qu’il n’avait que deux options : ou il se contentait de la moitié des grandes vacances et peut-être un peu plus, si c’est lui qui faisait le voyage ou il rentrait chez lui. Cette option s’apparentait plus à une condamnation qu’à un moyen simple de continuer à voir Grace. De plus en plus, la possibilité qu’il ait été une personne horrible dans une vie antérieur, lui apparaissait. Sinon, comment expliquer un tel acharnement ? Certains penseraient que c’était positif. Il retrouverait l’endroit où il avait grandi, sa famille, ses repères, mais il ne voulait rien de tout ça.

Rachel n’avait jamais compris comment, en ayant grandi à Hawaii, Danny pouvait détester à ce point l’océan, le soleil ou encore l’ananas. Il avait des idées bien arrêtées sur tout ce qui touchait de près ou de loin à ce maudit rocher, comme il se plaisait à l’appeler. Il n’avait que rarement évoqué son enfance. Clara avait mentionné Steve, lui avait montré des photos des “inséparables”, mais jamais en présence de son mari. Oui, Rachel s’était questionnée, la curiosité la rongeait. Elle avait essayé une fois d’en parler avec Daniel. Ce fut leur première et plus grosse dispute, en tant que couple marié.

 

      Pour ses 30 ans, Steve était au milieu de nulle part, en territoire ennemi. Son équipe, à qui il avait dû faire appelle pour cette opération, avait émie le souhait de fêter son anniversaire dans un bar. Tout était prétexte à boire avec ces gars, mais le Seal avait décliné. Il se souvenait que trop bien de la dernière fois où ils avaient fait ça.

Ils rentraient tout juste de mission. Aucune perte à déplorer. Tout s’était plus ou moins déroulé comme prévu. Ils avaient quelques jours avant d’être redéployés. Ils avaient tous besoin de décompresser. Passer la soirée ensemble, rire, boire et se trouver une fille pour la nuit. Steve s’était dit qu’il rentrerait quand tout le monde partirait, mais les effets de l’adrénaline qui se dissipaient et une bonne dose d’alcool avaient quelques peu chamboulé ses plans.

Le jeune homme ouvrit les yeux avec difficulté. Il faisait face à un mur blanc. L’esprit vide. Il prit plusieurs inspirations pour dissiper la brume qui l’enveloppait. Son rythme cardiaque était rapide, même pour lui. Son corps, sur pilote automatique, se redressa, s’asseyant au bord de ce qu’il devinait être un lit.

Ses pieds bien à plat sur le sol, il inspira longuement par le nez 1…2…3…4, bloqua 1…2…3…4, le brouillard commença à se dissiper. Il expira lentement par la bouche 1…2…3…4. Son corps connecté à la terre, il refaisait doucement surface. Une autre inspiration au compte de 4… Il répéta le processus jusqu’à ce que son pouls ralentisse et qu’il soit en capacité d’analyser son environnement.

— Que fais-tu ?

Cette voix inconnue, provenant de derrière lui, mit son corps en alerte. Il se retourna rapidement et tomba nez à nez avec un homme étendu sur le matelas, complètement nu. En se concentrant, il pouvait remonter ses souvenirs jusqu’à la veille. Ils avaient bu…beaucoup. Certains étaient parti assez rapidement, ayant trouvé de la compagnie, tandis que les autres avaient continué à boire. C’étaient ses dernières bribes de souvenir, après ça, plus rien.

— Exercice de respiration en quatre temps, répondit-il laconique.

Se levant, il chercha ses affaires tout en évitant de trop penser. Un seul objectif : trouver ses vêtements, s’habiller et sortir de cet appartement. Il aurait tout le temps nécessaire pour analyser les données enregistrées plus tard.

— Tu n’es pas obligé de partir maintenant, lui indiqua l’inconnu d’un ton qu’il avait voulu sensuel, supposa Steve.

Il continua de l’ignorer et commença à enfiler son pantalon.

— En te voyant comme ça, personne ne croirait que tu joues dans la même équipe que nous, s’esclaffa l’homme toujours allongé, ne ressentant pas le besoin de se couvrir.

— Parce que ce n’est pas le cas.

Voilà une information que le Seal s’était borné à ignorer, malgré les évidences. Il perçut le bruissement des draps, les pieds qui frappaient le sol et avant que l’autre n’est eu le temps de finir son geste, Steve attrapa fermement son poignet.

— Ne me touche pas, gronda-t-il.

— Tu ne disais pas ça cette nuit, le défia l’inconnu cachant difficilement une certaine crainte.

— Je ne sais pas ce qui s’est passé cette nuit et je ne veux pas le savoir, mais je te conseille de reculer, le prévint-il.

— Sinon quoi ? murmura-t-il alors que ses yeux parcouraient avec gourmandise, le torse de Steve.

Le dégoût lui laissa une sensation âpre en bouche. Encore une promesse qu’il n’avait pas tenue. Il avait trompé Danny. Sa tête tournait, il se sentait engourdi. Il s’appuya sur le mur derrière lui et l’inconnu en profita pour glisser ses doigts dans son pantalon resté ouvert. Sans pouvoir le contrôler, McGarrett se mit à gémir.

Il eut soudainement envie de vomir. Il ne voulait pas que cet homme le touche comme Danny l’avait touché. Il ne voulait pas de ces mains, de cette bouche. Il ne voulait pas entacher se souvenir. Pourtant, il se devait d’être honnête avec lui-même, il aimait les sensations que ces doigts enroulés autour de sa bite provoquaient. Sa tête cogna contre le mur et ses paupières se fermèrent.

Steve se laissa emporter par le plaisir qui conquérait son corps, centimètre par centimètre. Une bouche se posa sur son pectoral et une langue vint tracer le chemin jusqu’à sa gorge, tentant d’accéder à son cou. Il se baissa pour lui en permettre l’accès. Steve ouvrit brusquement les yeux quand ces mêmes lèvres s’approchèrent trop près des siennes. Sa main saisi la gorge de l’homme pour le tenir à distance.

— Non !

Il le retourna et le plaqua face contre se qu’il devinait être une table. Il le maintint immobile, une main sur sa nuque et descendit son pantalon de l’autre. La position était idéale, plié comme ça, les fesses relevées et exposées. Pris dans le méandre de ses sentiments contradictoires, Steve pénétra l’homme d’un seul coup de reins, jusqu’à la garde. Il l’entendit vaguement crier, mais il n’y eut aucune résistance. Leurs activités précédentes facilitèrent son besoin de brutalité sans blesser son amant de fortune.

Ses mouvements étaient violents. Ses hanches claquaient fort contre le cul de l’inconnu. Voir sa bite avalée par ce corps pantelant, abandonné entre ses mains, l’excitait au plus haut point. Il ne se préoccupait pas que les voisins puissent entendre les cries de plus en plus forts. Les pieds de la table qui cognaient le parquet. Les parois se resserrèrent autour de son sexe, alors que l’homme jouissait bruyamment.

Il vint quelques secondes plus tard, s’écroulant sur le dos de l’inconnu. Il lui fallu plusieurs minutes avant que sa respiration redevienne normale. Son coeur frappait fort contre ses côtes.

Steve avait finalement quitté l’appartement, laissant derrière lui un inconnu rassasié qui ne semblait pas lui tenir rigueur de sa brutalité.

Dès lors, il avait arrêté de suivre ses gars. Bien sûr, ils leur arrivaient encore de finir la soirée dans un bar, mais Steve était toujours le premier à rentrer. Il n’avait finalement pas fêté ses 30 ans par manque de temps. À peine rentré, il était parti en Corée du Nord.

Durant des années, il avait traqué les frères Hesse, deux terroristes irlandais. Et enfin, il avait une vraie piste. C’est Freddie qu’il choisit pour l’accompagner. Cette mission n’existait pas, ils opéreraient dans le noir. Une fois lâchés au-dessus de la cible, ils auraient une heure précise pour rallier le point d’extraction et pas une minute de plus. Ils seraient seuls, sans soutien.

Ils avaient trouvé Anton Hesse, mais cette mission avait coûté la vie à son meilleur ami.

— Non ! On ne laisse personne derrière, gronda Steve, la gorge serrée.

— J’suis foutu, Steve !

Freddie leva sa veste d’uniforme et McGarrett pu voir l’impact de la balle et le tissu imbibé de sang. La tâche grossissait à vue d’oeil et Steve réalisa l’ampleur de l’hémorragie, mais ça ne rendait pas la décision plus facile.

Face à son hésitation, Freddie le secoua, il refusait que son meilleur ami paye pour sa faute. Il s’était mal abrité et il avait été touché. Ils connaissaient tous les risques de leur métier.

— On sait tous que tu es le meilleur d’entre nous et ça depuis l’académie. Ce monde a besoin de gars comme toi, alors tu vas bouger ton cul et ramener Hesse au pays. T’as pas fait tout ça pour rien. Tu diras à Kelly que je suis désolé et à ma fille que son papa l’aimait, ajouta-t-il.

Mais Steve était immobile. Il protégeait le paquet et ripostait, mais n’esquissait pas le moindre mouvement pour partir.

— Fais ton job ! lui cria Freddie.

Steve reprit ses esprits et fit ce pour quoi il avait été formé et ce pour quoi il était venu. Hart était mort avant que les roues de la camionnette ne dérape sur le sol aride de ce putain de camp. Il ferma son esprit à toute autre pensée que celle de remplir la mission. La mort de Freddie était une perte inqualifiable, mais sa traque des frères Hesse allait lui coûter bien plus qu’il n’aurait pu l’imaginer.

Alors que leur convoi traversait la Corée du Sud, le téléphone de Steve sonna. Un coup d’oeil sur l’écran l’informa que l’appelant était son père. Même s’ils avaient fini par se reparler au fils des années, ils ne s’appelaient que rarement et c’était toujours Steve qui appelait son père. Ce dernier ne pouvant pas savoir si son fils était en mission ou non. Autant dire que Steve fut surpris, mais ce sentiment fut vite remplacé par la peur quand Hesse lui fit remarquer qu’il n’avait pas souvent l’occasion de parler à son père. Il n’y avait qu’une seule raison pour que son prisonnier sache qui était l’appelant.

— Papa, le salua-t-il une boule dans la gorge.

— Hé, champion !

— Tout va bien, s’enquit Steve.

— Qui sont ces gens, Steve ? demanda son père d’une voix étrangement calme.

— Maintenant je sais de qui tu tiens, résonna une seconde voix. Il est coriace ton vieux ! Steve, on a tous les deux quelque chose à perdre, continua Victor. Écoute-moi bien, je t’offre un marché, ton père contre mon frère. Ça me semble plus que généreux, non ?

Steve le laissait parler, espérant gagner du temps. En silence, il prit un bout de papier et griffonna un message en urgence.

“Envoyez le HPD chez mon père. VITE !”

— Tu es assez malin pour savoir que ça n’arrivera jamais. Allez, Victor ! Tu sais comment ça marche, répondit enfin Steve. On ne négocie pas avec les terroristes.

McGarrett gardait son calme, parlant d’une voix posée. Il espérait que la police arriverait rapidement. Comment aurait-il pu se douter que Victor faisait de même de son côté, le temps que son complice puisse trianguler la position du convoi.

— Faites une exception, rétorqua Hesse.

— Je ne négocierais pas comme ça, affirma Steve.

— Oh ! Alors on négocie ?

— Si tu le tues, tu n’auras rien, le prévient le Seal.

John demanda à son ravisseur de lui passer le téléphone. Lui assurant qu’il pouvait le convaincre, que Steve l’écouterait. Après tout c’était son fils. À contre coeur, Victor accepta et plaça le cellulaire contre son oreille.

— Écoute-moi, champion…

— Papa, je vais te sortir de là, assura Steve, l’angoisse et la haine faisant rage dans sa voix. Ne t’inquiètes pas.

— Je suis désolé pour ce que je vous ai fait vivre, sanglota John.

— Tout va bien, Papa !

— Je t’aime, mon fils, pleura-t-il, je ne te l’ai pas assez dit. Quoi qu’ils veulent, ne leur donne pas, ajouta-t-il avec détermination, ce qui lui valut un coup violent au niveau du crâne.

— Papa ? Papa ? l’inquiétude de Steve se multiplia face au gémissement de son père.

— Plus de jeux, hurla Victor. Je reprends mon frère et maintenant !

— Je te jure que je te traquerai et te tuerai, cria Steve d’une voix menaçante qui ne laissait aucun doute sur la véracité de ses propos.

C’est à ce moment qu’une explosion retenti faisant voler le premier véhicule du convoi. Voilà ceux qui étaient chargés de récupérer Anton. Le reste du convoi fut stoppé. Les hommes sortirent tandis que Steve s’assurait de garder le paquet. Un hélicoptère stationnait juste au-dessus de leurs têtes. À en juger par les sons, ils avaient une puissance de feu bien supérieur à la leur.

Le Seal décida de sortir. Une main agrippée à la nuque de l’Irlandais, il le fit passer devant s’en servant comme bouclier. Ils n’oseraient pas lui tirer dessus. À l’extérieur c’était un massacre. Il avait l’impression d’être retourné en Afghanistan. Voulant secourir l’un de ses gars, il relâcha sa vigilance et Anton en profita pour tenter de s’échapper. Par pur instinct, plus vite qu’il ne pu y réfléchir, le SIG de Steve était dans sa main et son doigt pressait la détente.

Il se précipita sur le prisonnier, mais toutes ses tentatives pour stopper l’hémorragie échouèrent et en quelques secondes Anton était mort. Tout se passa tellement vite. Le cellulaire sonna dans l’une de ses poches et Steve hésita. Il fixait l’écran effrayé.

Il n’écouta pas les premiers mots de Victor.

— Passe-moi Anton !

— Victor, écoutes…

— Il est mort ? cria Victor au téléphone. Mon frère est mort, n’est-ce pas ? il n’attendit pas de confirmation et ne laissa aucune chance à Steve de rétorquer. Alors ton père aussi !

Steve n’oubliera jamais le bruit assourdissant de la détonation. Il hurla face à la douleur qui transperça son coeur au même instant.

Quand il reprit vraiment conscience, il était à bord d’un avion cargo qui allait se poser à Pearl Harbor-Hickam dans quelques minutes. Steve n’avait pas mis les pieds à Hawaii —du moins pas hors de cette base— depuis ses 17 ans et voilà qu’il y revenait à presque 31 ans dans des circonstances dramatiques.

Son esprit était bien trop loin pour penser à ce que signifiait réellement son retour sur l’archipel.

Notes:

J'espère que cette suite vous a plu ;)
J'attends avec impatience vos retours.

À dimanche prochain !

Chapter 7: Chapitre 7

Notes:

Voici la suite, avec un jour d'avance !

(See the end of the chapter for more notes.)

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Chapitre 7


 

 

        Quand ils descendirent de l’avion, ses accompagnons de fortunes lui présentèrent leurs condoléances et pour toute réponse, Steve hocha la tête. Il n’avait pas suffisamment confiance en sa voix pour ouvrir la bouche. Pas qu’il allait fondre en larmes, juste qu’il ne savait pas ce que l’on pourrait y percevoir.

Une voiture l’attendait pour le conduire au cimetière. Steve regarda sa montre. L’enterrement commencerait dans deux heures. D’un pas assuré, il se dirigea vers le chauffeur. Arrivé à quelques centimètres du véhicule, la portière arrière s’ouvrit et il resta interloqué face à l’occupant. Son cerveau avait du mal à enregistrer toutes les données qu’il lui transmettait à une cadence insoutenable.

Les sentiments : la joie, l’incrédulité, l’agonie, les souvenirs qui se bousculaient : les moments de complicité, les étreintes, les sensations : une odeur, une chanson… Les dix dernières années furent balayées par une tornade dévastatrice. Lui, celui qu’il était devenu, ce qu’il avait accompli, ses réussites comme ses défaites, ses rires comme ses larmes, il ne restait rien.

Que devait-il faire ? Monter dans la voiture et…et quoi ? Dans le néant qui était autrefois son cerveau, une seule idée persistait. Il avait toujours suivi son instinct et il lui devait d’être toujours en vie, littéralement. Cette fois ne ferait pas exception. Que risquait-il ? D’être rejeté ? Il s’en remettrait, non sans mal, mais il survivrait.

D’un pas plus sûr, malgré la faiblesse de ses jambes, il pénétra dans l’habitacle, claqua la portière et sans attendre un mouvement, sans permettre une protestation, il se jeta sur ce mirage, tout droit sorti d’un de ses rêves.

Le premier contact de leurs lèvres fut une délivrance. Comme s’ils avaient oublié comment respirer toutes ces années. C’était aussi salvateur que douloureux. Fait d’amour et de désespoir. Danny répondit avec la même urgence. Ils avaient de nouveau 17 ans. Rien n’avait changé. Leurs lèvres se caressaient, s’effleuraient, se percutaient avec besoin. Steve attrapa la mâchoire de Danny entre son pouce et son index. Il l’obligea à reculer un peu pour plonger son regard dans le sien. Ils se faisaient face, sans masque, sans armure et sans faux semblants. Partageant leurs sentiments, leurs plaies, leurs larmes et leur détresse.

Leurs lèvres se retrouvèrent avec délectation. Leurs langues se frottaient, s’enlaçaient, tout comme leurs corps qui ne souffraient d’aucun espace. Même le plus minime ne saurait être toléré. Les mains de Steve commencèrent à déboutonner la chemise de Danny alors que celui-ci glissaient les siennes sous sa veste. Ils ne pouvaient taire leurs soupires de contentement. Leurs gémissements de bonheur. Ils étaient enfin réunis. Le manque était si grand qu’il leur faudrait du temps pour combler se vide laissé par l’absence de l’autre.

— Putain, je t’aime ! Je t’aime tellement, déclama Steve de sa voix rauque, tenant le visage de Danny qui paraissait si petit entre ses grandes mains. Tu sens ça ? demanda-t-il en apposant la paume du blond sur son coeur.

Deux moitiés d’un même être, le coeur battant de concert. Une larme roula sur la joue de Danny et mû par une pulsion incontrôlable, il grimpa sur les genoux de Steve. Il n’avait pas assez de mains pour le toucher. Pas assez de contact et trop de vêtements.

— Je te veux, avoua-t-il essoufflé, fais-moi l’amour ! Prouve-moi que tu es enfin rentré. Que tu es bien là, renifla-t-il, ses lèvres effleurant celle du Seal, leurs souffles se mélangeant.

Les mains agrippées aux fesses de Danny, il les fit basculer d’un coup de hanches.

— … ! … !

Son corps émergea plus vite que son esprit. D’une main, il bloqua la menace et de l’autre chercha son arme. Son arme ? Cette dernière était sagement rangée dans son paquetage, se souvint-il. Cette information le fit ouvrir les yeux.

— Désolé, Commandant, nous avons atterri, se justifia le soldat d’un air désolé.

Steve prit plusieurs inspirations pour tenter de calmer les battements de son coeur et retrouver un souffle régulier. Il sentait encore les lèvres de Danny sur les siennes, ses mains sur son corps, son…

Arrêtes ! s’ordonna-t-il.

Il pouvait aussi sentir la preuve flagrante de son rêve étirer le tissus de son sous-vêtement et la peine qui écrasait son coeur, le mettant au supplice. Il se mit à réciter la philosophie des Navy SEALs, s’obligeant à faire le vide dans sa tête.

— Repos, Sergent, intima Steve en approchant de la voiture qui devait le conduire au cimetière, une douloureuse impression de déjà vu. Pouvez-vous me conduire à l’USS Missouri ? demanda-t-il derechef.

— Bien sûr, Commandant !

McGarrett aurait pu traverser la base les yeux fermés, il aurait dû. Se retrouvé dans cette voiture…mais il avait peur de ne pas être revenu à temps. Les bases de Pearl Harbor et Hickam réunies ça faisait un sacré bout de chemin à parcourir. Il n’était que peu rentré depuis qu’il avait repris contact avec son père, mais il était régulièrement passé par ici, entre deux opérations.

La douce brise qui caressa son visage à travers la fenêtre ouverte lui indiqua qu’ils approchaient de son but.

Là, face à lui se dressait majestueusement l’USS Missouri.

— C’est bon, arrêtez-vous là. J’en ai que pour quelques minutes.

Il s’approcha humblement du cuirassé qui désormais reposait en cale sèche sur la base navale, relégué au rang de musée. C’est avec révérence qu’il admirait le vieux héros de guerre. Steve ferma les yeux et huma l’air, comme le ferait un drogué en manque. Ç’en était presque risible, mais il avait été privé de l’océan depuis si longtemps.

Quand il rouvrit enfin les yeux, ces derniers se posèrent au loin, sur le mémorial construit au-dessus de l’épave de l’USS Arizona. Navire sur lequel était mort son grand-père le 7 décembre 1941 lors de l’attaque de Pearl Harbor.

Steve resta plusieurs minutes à se gaver de toutes les émotions que lui renvoyait cet endroit. La fierté, la reconnaissance, l’union et l’appartenance. De tous les recoins de l’archipel, c’était celui-ci qui lui signifiait qu’il était rentré à la maison. Il était temps pour lui d’aller rendre hommage à un autre héros, son père. Il remonta dans le véhicule et sans dire un mot, se laissa conduire jusqu’au cimetière.

Mary l’avait prévenu qu’elle ne viendrait pas.

— La dernière fois que l’on s’est vus c’était à l’aéroport, juste après l’enterrement de maman, c’est hors de question qu’on se retrouve à l’enterrement de papa, avait-elle proclamé en reniflant. C’est malsain, même pour une famille comme la nôtre.

— Mare, souffla Steve, on a déjà eu cette conversation.

Durant 10 ans, John McGarrett avait été obsédé par la mort de sa femme. Persuadé que ce n’était pas un accident. Il avait préféré éloigner ses enfants pour les protéger. Les années qui suivirent leur départ n’avaient été consacrées qu’à la recherche de la vérité. Beaucoup avait mis cette obsession sur le compte du chagrin. Le pauvre homme avait sans doute besoin de trouver une raison pour surmonter cette perte. Quand son enquête fut enfin bouclée et sa famille en sécurité, il fut temps de dire la vérité à ses enfants. Sa soeur refusant ostensiblement de parler à leur père, c’est Steve qui dut s’en charger.

Peu importait que John eut eu raison ou non, du haut de ses 7 ans, la petite Mary-Ann ne l’avait pas vu ainsi et ne le verrai jamais ainsi. Steve en avait pleinement conscience et même s’il aurait aimé avoir sa soeur près de lui en ce jour, il comprenait.

Le reste de la journée se passa dans un flou relatif. Comme partagé en trois, son esprit n’était pas pleinement là. Une partie était déjà aux trousses de Victor Hesse, l’autre était restée dans cette voiture, avec le corps de Danny collé au sien. Quant à la dernière, elle était coincée dans la réalité. Elle voyait, vivait et retenait tout, mais ne ressentait rien.

C’est seul qu’il s’assit sur la première chaise de la première rangée. Il était encore tôt, les sièges autour étaient vides, mais le cercueil, lui, était déjà en place. Steve ne saurait dire combien de temps il resta les yeux rivés sur ces quatre planches de bois qui lui dissimulaient la dépouille de son père. Les gens arrivaient, le nombres de chaises vides diminuaient à vue d’oeil, mais il ne distinguait rien. Le Navy Seal n’aimait pas qu’on s’approche trop près, encore moins qu’on le touche, alors quand une personne prit place sur la chaise accolée à la sienne et qu’une main se posa sur son genou, la réaction fut immédiate. D’un geste vif, il attrapa l’importune et la tint fermement tout en pivotant vers son propriétaire. Dire que Steve fut surpris par l’identité de son voisin serait un euphémisme. Et en même temps, qui d’autre se serait permis un tel geste.

— Comment vas-tu, mon garçon ?

— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda Steve ne se souciant peu d’être impoli.

— Je viens rendre hommage à un vieil ami et soutenir son fils que je considère un peu comme le mien, répondit Joe. Aurais-tu l’amabilité d’épargner ma main, s’il te plaît ?

Steve lâcha cette dernière sans attendre. Il s’en voulu de manquer de retenu, mais qui mieux que son ancien commandant pouvait comprendre ses réactions. Il était en position de faiblesse et tous ses sens étaient en alerte. Encore fallait-il pénétrer dans son espace personnel, parce que tout ce qui se trouvait en dehors ne l’atteignait pas. C’est dans cette inconscience bienvenue que se déroula la cérémonie. Steve n’avait nullement besoin de regarder pour savoir.

À combien de cérémonies avait-il déjà assisté ? Plusieurs personnes se succédèrent devant Steve pour présenter leurs condoléances. Machinalement, il serrait leurs mains tendues, les yeux dans le vague.

— Allez, viens, fiston, lui dit doucement, Joe.

C’est la main posée prudemment sur son épaule qui le fit revenir. Ses pupilles examinèrent le visage familier et il acquiesça. Le commandant ne s’y méprenait pas, il savait où l’esprit de Steve était. Il l’avait formé. Il le connaissait sans doute mieux que personne. Son ancien élève était déjà en train d’échafauder un plan pour se venger. De ça, il était sûr.

— Commandant McGarrett !

Alors qu’ils remontaient l’allée, au centre des chaises, pour retourner à leurs voitures, Steve fut interpelé par une voix inconnue appartenant à une femme vêtue d’un tailleur noir. Elle était grande, la silhouette élancée, suivie par deux agents de sécurité.

— Bonjour…

— Mme la Gouverneur, termina-t-il pour elle.

— La dernière fois que nous nous sommes vus, vous étiez jeune, dit-elle d’un ton amical, l’air pensive. Je tenais à vous présenter toutes mes condoléances. Votre père était un très bon ami.

— Je sais, Madame ! Merci, mais sauf votre respect, vous ne vous êtes pas attardée si longtemps juste pour me dire ça ?

— Vous êtes perspicace, sourit-elle. Je ne peux pas et ne veux pas laisser le meurtre d’un de mes policiers, impuni. Tout comme vous, je veux savoir qui a fait ça, affirma-t-elle avec détermination.

Steve soupira. Il hésita sur la conduite à adopter. Devait-il lui parler franchement ?

— Je sais qui a tué mon père. Il me reste à savoir où il se trouve et qui sont ses complices.

Pour un peu qu’on le connaisse, on pouvait voir derrière ce calme apparent, les flammes qui couvaient. Ça confirma ce que Joe pensait. Steve n’était pas en état de choc, son esprit était déjà en mode combat. Il planifiait sa prochaine opération.

— J’ai lu votre dossier. Vos états de services sont exemplaires. Major de promotion à l’Académie Navale et chez les Navy SEALs. Vos supérieurs ne tarissent pas d’éloges sur vous. Vous êtes l’un des meilleurs éléments qu’ils aient eu l’honneur de former. Par dessus tout, Steve, je vous connais…

— Je vous arrêtes tout de suite. Je n’ai que faire de vos compliments. Je n’ai pas de temps à perdre, alors je vous prierais d’aller droit au but, la prévint-il d’un ton autoritaire.

— Ça ne me plaît pas de savoir que des terroristes internationaux puissent venir sur mon île et abattre mes citoyens sans être inquiétés. Les membres du département de police d’Honolulu ne sont pas formés ni entrainés pour ce genre de “mission”., déclara-t-elle d’un ton assuré.

Le gouverneur Jameson inspira, pesant ses prochains mots. Trop consciente de la corde raide sur laquelle elle avançait.

 

— Écoutez, Steve ! J’aimais beaucoup votre père et j’en fais une affaire personnelle. Je veux monter une unité d’élite et je vous veux à sa tête.

— Vous n’en savez pas plus que les policiers dont vous parlez, lui signifia-t-il, j’ai traqué les frères Hesse pendant 5 ans. Dès que Victor Hesse aura trouvé le moyen de partir de l’île en sécurité, il disparaitra. J’avais à peine le temps d’assister aux obsèques de mon père que je vais devoir repartir.

— Vous aurez l’immunité totale et tous les moyens dont vous aurez besoin à votre disposition. Vous aurez les pleins pouvoirs et vous serez sous ma protection, promit-elle.

— Les élections approchent et vous avez peur de ne pas être réélue, devina-t-il.

Elle choisit le repli stratégique. Sortant une carte de sa poche intérieure, elle la tandis à Steve.

— Voici ma ligne personnelle. Si vous changez d’avis, n’hésitez pas, conclut-elle avec un hochement de tête.

Sur ses derniers mots, elle tourna les talons et se dirigea vers sa voiture. Steve fixait la carte entre ses doigts. Des moyens illimités serait un plus, mais il devrait agir proprement. Jusqu’où pourrait-elle le couvrir ? Ça faisait bien longtemps qu’il faisait les choses à sa manière, puisqu’opérant dans le noir, il ne rendait de compte à personne. Du moment que le boulot était fait. Revers de la médaille, si un jour certaines informations étaient rendues publique, c’est sa tête qui tomberait, mais il en était pleinement conscient.

La main de Joe se posa sur son épaule, ramenant, encore une fois, Steve à la réalité.

Il glissa la carte à l’intérieur de sa veste et reprit sa route. Il ne fit que deux pas avant de se stopper net, comme paralysé. Il l’avait tant redouté, ce moment où il devrait faire face à son passé. Tel qu’on se l’imagine au crépuscule de sa vie, Steve vit les dix-sept premières années de son existence défiler devant lui.

— Stevie, souffla Clara, émue.

Elle n’était pas étonnée de le voir, c’est le contraire qui eut été choquant, mais surprise par l’apparence de l’homme qui se tenait devant elle. Ils se fixèrent un long moment.

Stevie

On ne l’avait plus appelé ainsi depuis si longtemps. Ce nom, à lui seul, le replongeait au coeur d’une époque révolue. Une époque où il fut heureux et insouciant. Où il n’eut à s’inquiéter de rien puisqu’il était entouré et choyé. Une époque où il ignorait la noirceur qui gangrénait ce monde. Aussi fugaces fussent-elles, les larmes de Steve n’échappèrent pas à la matriarche. Soudain, il fut écrasé dans l’étreinte maternelle. C’est légèrement mal à l’aise qu’il attendit que Clara le relâche.

Ses émotions. Voilà quelque chose qu’il avait appris à refouler il y a bien longtemps, mais un mot avait suffit pour fissurer son armure et les traîtresses s’étaient engouffrées dans la brèche. Le moment fut éphémère et quand Clara se recula, elle examina le grand brun qui lui faisait face. L’instant était passé et il ne restait rien du petit garçon qu’elle avait perdu jadis. Un homme ou plutôt un soldat avait pris sa place. De nombreuses décorations habillaient sa veste. Elle était si fière de lui, mais son coeur saigna face à ce regard.

Quel genre d’horreurs faut-il affronter pour voir le monde avec ces yeux ?

— Madame Williams, la salua-t-il.

À peine les mots fussent-ils prononcés qu’il s’en voulu. Après toutes les épreuves qu’il avait affrontées, comment pouvait-il se sentir si incertain et désarmé ?

— Tu plaisantes, j’espère ? gronda la blonde.

Steve eut la décence de baisser la tête, honteux. Il avait parfois l’impression d’avoir perdu les notions communes à la vie civile. Non. Il en était certain. Le Seal fut tenté de s’excuser, mais il n’en eut pas le temps. En aurait-il été capable, au demeurant ?

— Bonjour ! Clara Williams ! se présenta-t-elle en tendant la main à l’inconnu.

— Pardon, s’excusa le Seal, Joe White, mon ancien commandant. Joe, voici Clara. C’était la meilleure amie de ma mère, ajouta-t-il d’un ton détaché.

— Enchanté, Madame, Joe s’inclina face à Clara.

Cette dernière rit de l’attitude du commandant, mais son sourire n’atteignit pas ses yeux. Steve de son côté, roula des yeux devant les manières de l’ancien.

— Elle est mariée, ne put-il s’empêcher d’ajouter.

— Pour qui tu me prends ?

Une fois n’est pas coutume, Joe n’ajouta rien devant l’expression de Steve. Il le connaissait trop bien et ses multiples mariages lui donnaient raison. McGarrett sourit doucement à l’air renfrogné de Joe.

Oh oui ! Définitivement, il savait trop de choses pour que Joe ose argumenter sur le sujet. C’était plus sage d’en rester là ! Repli stratégique, Joe, pensa Steve amusé.

— Je suis si contente de te voir, reprit Clara en posant une main affectueuse sur la joue de son second fils. Tu nous as tellement manqué. Je déplore juste que ce soit dans de telles circonstances, souffla-t-elle un pincement au coeur.

— Moi aussi, rétorqua-t-il simplement.

Clara fronça les sourcils, mais laissa passer. Elle aurait tant voulu lire dans ses pensées à cet instant. Elle n’allait pas se laisser décourager par la froideur de Steve, mais pour arriver à l’atteindre, elle avait besoin d’en savoir plus sur l’homme qui se tenait droit devant elle. Qui la toisait de toute sa hauteur. Rien de menaçant dans le regard, juste un tel détachement qu’il faisait frissonner la blonde.

— Tu viens manger à la maison ce soir, décida-t-elle.

— Merci, mais je ne pense…

— Est-ce que ça avait l’air d’une question ? le coupa-t-elle derechef. 19h !

Steve hocha la tête, comme s’il s’apprêtait à exécuter un ordre. En quelques sortes, c’était le cas. Ses yeux regardèrent furtivement par-dessus l’épaule de Clara et firent le tour du périmètre.

— Il a dû partir, répondit Clara, à qui rien n’échappait — elle lui fit penser à sa mère —, mais il sera à la maison ce soir.

Steve déglutit, pas assez fort pour que quelqu’un le remarque. Était-il prêt à le revoir ? Comment Danny allait-il l’accueillir ? Il eut peur tout à coup. Sa tête s’emplit d’une multitude de questions et de possibilités en un quart de seconde.

— Tu crois qu’il veut me voir ? demanda-t-il finalement.

Clara sourit franchement, les yeux toujours humides, mais ils n’entachaient en rien sa joie. Il était là, bien caché certes, mais toujours là, le petit garçon qu’elle avait tant aimé. Pour le reste, elle n’avait pas de réponse. Seul l’avenir leur dirait. Elle aurait souhaité pouvoir le rassurer, mais ne le pouvait pas. Son fils pouvait se montrer imprévisible, surtout quand il s’agissait de Steve. Loin d’être naïve, il était clair que quelque chose s’était passé entre ces deux-là, leur amitié si belle soit-elle, ne pouvait expliquer toutes les réactions de son aîné. Cette rancune qu’il nourrissait et attisait à mesure que les mois passaient. Cette infinie douleur qu’il tentait de cacher par ses excès de colère.

À cet instant, elle voyait le reflet de cette souffrance, mêlé de culpabilité, hanter le regard de Steve. Leur famille avait fait face à bien des épreuves, en commençant par la perte de Doris puis le départ de Mary et Steve. La fuite de Danny sur le continent, les problèmes de Matty et maintenant la mort de John… Quoi qu’il ait pu se passer entre Steve et Danny, elle allait tout faire pour réunir ce qui lui restait de famille.

Notes:

Merci pour vos commentaires !
Merci de vivre leurs aventures avec moi ;)

Chapter 8: Chapitre 8

Notes:

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Chapitre 8

 

         Dire que Steve était nerveux était un euphémisme.

En quittant le cimetière avec Joe, Steve s’était dirigé vers la maison de son enfance. Son ancien instructeur l’observait avec attention. Essayant de déceler un quelconque signe de choc, de contrecoup. Sans surprise, il n’en détecta aucun. Steve était sans aucun doute l’élève le plus fort et le plus dur qu’il ait formé. Bien sûr, il était un combattant hors pair avec des aptitudes rares, mais pas unique. Chez Steve, c’était son mental qui faisait toute la différence. Si bien que Joe avait eu peur pendant sa formation à BUD/s.

Lors de simulation d’interrogatoire, ils s’étaient acharnés durant des heures à essayer de le faire parler, de le briser. Toutes les méthodes de torture habituelles avaient été testées : la noyade, l’asphyxie, la privation sensorielle ; additionnées au manque de sommeil et de nourriture. Ils n’avaient jamais rien obtenu. Si bien qu’ils étaient obligés d’abandonner sous peine de mettre réellement sa vie en danger.

Les exercices d’entraînement étaient aussi vrais qu’ils puissent l’être. Son équipe avait été lâchée aux abords d’une petite île, à l’Est de la Corée du Nord, en territoire hostile. Ils avaient pour mission le sauvetage d’un journaliste détenu par un groupe de rebelles. Parachutés en pleine mer, ils avaient dû rejoindre la côte à la nage. Ils devaient ensuite déterminer leur position et ainsi repérer la cible. La végétation y était dense et le taux d’humidité écrasant, ce qui rendait leur marche difficile. S’ils ne se trompaient pas de chemin, ils en avaient pour une bonne journée et demie de marche. Ç’allait nécessiter un temps de repos dans un endroit sécurisé et des tours de garde. Même si chacun ne dormirait que d’une oreille.

Ils repartirent avant l’aube, profitant ainsi de la pénombre pour avancer plus vite sans se faire repérer. Steve divisa ses hommes en trois groupes et déclama ses ordres. Une fois en place, ils triangulèrent le périmètre pour déterminer la position exacte de la cible, le nombre d’ennemi, leurs mouvements, répétitifs ou non et leur puissance de feu. Chacun faisant son rapport au lieutenant McGarrett. Une stratégie fut mise en place en moins de 3 minutes et tous savaient ce qu’ils devaient faire ; en groupe et individuellement.

L’examen portait sur le repérage, le chemin choisi, le lieu de campement désigné ; mais également la façon de penser, l’attitude, les ordres donnés. Venait ensuite le sauvetage en lui-même : la tactique d’approche, la discrétion, le nombre de victime, les prisonniers potentiels. Et pour terminer, l’extraction. Rien n’était épargné.

Leurs supérieurs suivaient l’avancé grâce aux transmissions radios et à la surveillance aérienne. Joe observait avec attention les mouvements de Steve ; ses choix. Il visualisait sans mal la stratégie adoptée et sa poitrine se gonfla de fierté. Il espérait bien remporter le pari. Son sourcil se leva alors qu’il regardait avec un sourire goguenard le reste des officiers présents.

— Ça sent pas bon pour vous, déclara-t-il, se retenant d’éclater de rire face à leurs mines contrariées.

Oh, oui ! Il s’y voyait déjà. En congé, au bord de la plage, dans un hôtel 4 étoiles. Tous frais payés.

— Nous verrons bien. Ce n’est pas encore terminé, avait renchéri Jefferson.

Pour Joe, les jeux étaient fait. Ils savaient tous que quelque chose pouvait encore mal tourner à ce stade, mais les décisions de Steve ne pourraient être mises en cause. De ça, il était sûr. Les soldats attendirent que le soleil se soit couché avant de prendre d’assaut le camp. Ils se mirent en formation. Steve en premier, Freddie juste derrière et les autres n’avaient qu’à suivre ; Taylor et Billy fermant la marche. Il avait pris soin de poster Mike à 800 mètres à l’Ouest. Sur une colline avec vue dégagée. Le sniper avait pour ordre de tirer au moindre dérapage.

— Personne ne bouge avant mon signal, prévint Steve en chuchotant dans son oreillette.

Il n’avait pas besoin de voir ses hommes pour savoir que l’ordre serait entendu et suivi. Enfin, en théorie. Il commença à avancer lentement à pas feutrés, restant à couvert. Il fit signe au groupe de se scinder en deux et de se positionner plus à droite, pour couvrir les deux sorties. Silence radio. Ils patientaient jusqu’à la relève. Steve perçu un mouvement à 10h. L’importun devrait passer sans les voir. Il donna l’ordre de ne pas bouger, mais avant même qu’il est terminé sa phrase, il entendit la détonation.

Bien trop proche à son goût. Ils allaient être repérés. Taylor avait abattu l’homme. Les autres restèrent en place. Un second rebelle s’avança derrière Taylor, fusil en main, prêt à tirer. Steve dû prendre une décision en moins d’une seconde. Tant pis pour la mission, il ferait autrement, mais ils rentreraient tous. Steve se mit à découvert et exécuta le second d’une seule balle dans la tête. Tout s’enchaîna avec précipitation. Ils n’avaient plus le choix.

Tant pis pour la discrétion. Les tires fusèrent et un projectile frôla l’épaule de Freddie, qu’il attrapa par la poignet de son gilet tac. Le sortant de la trajectoire de justesse. Ils avancèrent rapidement, éliminant tout sur leur passage. La mission n’était pas de démanteler le groupe et d’annihiler le camp. Disons que c’était le plan B.

Le paquet fut sécurisé et ils repartirent sans plus de cérémonie jusqu’au point d’extraction. C’était le point du jour et la faible lumière jouait en leur faveur. Aussi discret que possible après le carnage qu’ils venaient de faire. Le retour se fit en silence. Steve se contenta de faire un débrief rapide des blessures de son équipe, superficielles dans l’ensemble.

Il s’occupa du journaliste ; vérifiant son état général, désinfectant certaines plaies, lui donnant à boire et à manger. Il serait interrogé plus tard. À peine le pied posé sur le sol de la base, Steve remit le paquet au sergent désigné et slaloma parmi les hommes avec un seul objectif. Semblant savoir ce qui l’animait, ils se décalèrent tous sur son passage. Steve ne fit attention à rien, ses yeux verrouillés sur sa cible. De ses deux mains, il poussa brutalement Taylor qui se retrouva à terre.

— Jamais tu ne prends d’initiative sous mes ordres, persifla Steve, sa voix rauque emplit de rage.

Taylor se releva rapidement et se rua sur son supérieur. Il n’eut l’occasion de le frapper qu’une seule fois avant que le point de Steve rencontre violemment sa mâchoire. Il vacilla sous le choc et recula de quelques pas. Le temps qu’il reprenne l’équilibre pour s’élancer de nouveau, il se retrouva nez à nez avec le canon d’un SIG.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il blême.

— La même chose que toi. En mission, chaque décision prise a des conséquences. Pourquoi attendre la prochaine OP pour te faire tuer et nous avec ? Autant en finir maintenant.

— Attends, Steve ! Je suis désolé, ok ! s’excusa l’autre d‘une voix mal assurée. Les mains levées en signe de reddition.

— J’en ai rien a foutre que tu sois désolé, rugit McGarrett. C’est pas la première fois. Il me semble t’avoir prévenu. À genoux, ordonna-t-il.

Taylor regarda autour de lui, espérant que quelqu’un intervienne. Mais personne ne broncha. Face à son immobilité, Steve le gifla du revers de la main, comme pour le réveiller.

— À genoux, j’ai dit, répéta-t-il d’une voix sombre, en détachant chaque syllabe.

Leurs yeux s’accrochèrent et Taylor finit par baisser la tête et obtempérer. Maintenant à genoux sur le sol, il avait perdu son air condescendant. Steve attendit quelques minutes, appréciant voir l’autre se ratatiner à mesure que le temps défilait. Il finit par lui faire relever la tête.

— Tu remets une seule fois la vie de mes hommes en danger, je te bute. Est-ce que tu as compris ?

Taylor hocha la tête, ce qui ne sembla pas convenir à son supérieur.

Steve sentit une main hésitante se poser sur son épaule. Il prit quelques secondes pour examiner ses options. Il pourrait proprement et simplement se débarrasser de l’importun, mais il avait une conscience accrue de son état actuel. Ses idées étaient embrouillées par la colère. Plusieurs respirations furent nécessaire pour faire redescendre à un niveau acceptable, son agressivité.

— Quoi ? aboya-t-il.

— Steve, tu dois aller à l’infirmerie, lui suggéra calmement Freddie. Qui d’autre aurait osé le toucher ou même l’approcher ? Steve fronça les sourcils et tourna la tête. Suffisamment pour voir Freddie et garder un oeil sur Taylor.

— Pourquoi je devrais y aller ?

— Parce que tu saignes, mon pote, l’avisa Freddie avec une pointe d’ironie dans la voix. Je pense que tu as été touché à l’épaule.

Steve soupira. Tout à sa colère, il ne l’avait pas senti. Ce n’était pas la première fois, néanmoins. Il visualisa avec une clarté étonnante, le projectile foncer droit sur Freddie. Hé bien, à priori, il avait été assez rapide pour écarter son ami, mais pas lui. Avec la même clarté, la douleur se manifesta. Il hocha la tête, signifiant qu’il avait enregistré l’information, mais qu’il n’avait pas fini.

Se retournant vers son subordonné, il répéta sa question.

— Réponds !

— Oui.

— Oui, quoi ?

— Oui, j’ai compris, affirma l’autre.

— Qui prend les décisions ?

— Toi.

— Pardon ?

— Vous, mon lieutenant, rectifia-t-il avec empressement.

— Qu’est-ce que tu es sensé faire lors d’une OP ?

— Suivre les ordres.

— Et fermer ta gueule, ajouta Steve. J’espère que c’est assez clair cette fois. Ne t’avise plus jamais de me désobéir.

Sur ces derniers mots, il rangea son SIG et partit en direction de l’infirmerie.

Plus tard dans la soirée, alors qu’il avait fait son rapport, prit une douche et rangé ses affaires, Joe vint le voir. Steve était en train de grignoter une ration de combat quand son commandant entra dans sa chambre. Il se leva derechef et se mit au garde à vous.

— Repos, sourit Joe, je ne suis pas là en qualité de commandant, Steve.

— Alors qu’est-ce que tu veux ? Joe ne releva pas le ton employé, il savait que ce n’était pas personnel.

Apparemment la colère n’était pas encore totalement retombée. Il comprenait pourquoi Steve avait évité le mess.

— Qu’est-ce qui s’est passé tout à l’heure, fiston ?

Steve lâcha sa cuillère dans son plat et reposa le tout sur son bureau.

— S’il te plait, épargnes-moi tes questions rhétoriques. Tu sais déjà tout ça ; pendant la mission et après, affirma-t-il sarcastiquement.

Ils se scrutèrent de longues secondes. Leurs regards empli de compréhension mutuelle. Un sourire de connivence étira leurs lèvres. Comme à son habitude, Steve avait vidé le chargeur et la chambre de son SIG avant de fouler le sol de la base. Son arme prête à être nettoyée.

— Il n’était pas chargé, clarifia Steve.

— Tu m’en vois ravi, sourit plus largement son instructeur.

Joe pouvait dire qu’il était fier de Steve, de l’homme qu’il était devenu. Il avait continué d’apprendre. Devenant plus conciliant avec ses hommes. Il n’était pas totalement différent cependant. Ce qu’il attendait d’eux, il en exigeait dix fois plus de lui-même. Toujours prêt à tout pour remplir la mission et ramener tout le monde en vie. Sauf lui. Il était le seul dommage collatérale qu’il s’autorisait, au grand dam de Joe.

En tant qu’instructeur, Joe avait été si fier de Steve, à de nombreuses reprises. En tant que tuteur et père de substitution, il avait été terrifié. À force d’acharnement, Steve avait fini par comprendre et avait appris à faire plus attention à lui. Enfin, autant que faire ce peut. Parce que sa tête arrivait toujours à convaincre son corps qu’il pouvait continuer.

C’est toutes ces choses qui en faisait un soldat et un homme hors du commun. Bien entendu, Joe était totalement impartial…ou pas.

— Détends-toi, rit Joe, tu as surmonté des situations bien plus périlleuses.

— Ça c’est toi qui le dis, s’exclama Steve.

Mais son ancien commandant n’était pas dupe. Premièrement, Steve avait laissé un adolescent de 17 ans, il ne savait rien de la personne qu’il allait retrouver. Et puis d’aussi loin qu’il pouvait se souvenir, il n’avait jamais vue Steve avoir peur de qui ou de quoi que ce soit. Dernièrement, pourquoi son ami lui en voudrait ? Définitivement, l’attitude de Steve lui confirmait qu’il n’avait pas toutes les données.

Par chance, il avait été invité à se joindre aux festivités de ce soir, il espérait y trouver un début de réponse.

Après de longues tergiversations, Steve avait finalement opté pour la simplicité. Un pantalon noir assez près du corps et une chemise bleue marine. Ils avaient fait un détour pour acheter une bonne bouteille de Whisky et une pâtisserie.

— Tu crois pas qu’un bouquet de fleurs serait plus indiqué, suggéra Joe quand il remonta dans la voiture.

— À Hawaii, lors d’un repas, il est de coutume d’emmener de la nourriture comme présent, expliqua le natif en lui jetant un regard las, mais l’ébauche d’un sourire moqueur souleva un côté de ses lèvres.

Quand ils arrivèrent devant la demeure de la famille Williams, le coeur de Steve battait si vite qu’il se demandait si on pouvait le voir de l’extérieur, marteler ses côtes. Il n’avait jamais été aussi incertain de toute sa vie.

Comment Danny allait-il l’accueillir ? Que devait-il dire ? Est-ce que Danny le détestait ? Mais par-dessus tout, il avait peur des réactions de son propre corps. Qu’allait-il ressentir en le revoyant ?

Il dut faire appelle à la moindre once de courage et de détermination qu’il possédait pour sortir de l’espace sécurisé de sa voiture. Le voilà lâché en territoire ennemi sans soutien ni sauvegarde. Même pas un plan d’extraction en cas de pépin.

La routine, quoi !

Steve n’eut pas le temps de frapper à la porte que cette dernière s’ouvrit brusquement et il fut percuté par une tornade blonde aux cheveux courts.

Notes:

J'espère que vous n'êtes pas trop déçues. Ne vous inquiétez pas, la rencontre approche ;)

J'attends vos retours.

Bonne St Valentin !

Chapter 9: Chapitre 9

Notes:

C'est le moment tant attendu ;)

Enjoy !

(See the end of the chapter for more notes.)

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Chapitre 9

 

 

— Steve, souffla la jeune femme cachée dans son cou.

— Bridget, l’accueillit-il en refermant ses bras autour d’elle.

La petite fille qu’il avait quitté était devenue une jeune femme et il prit ses années d’absences de plein fouet.

Tous les membres de la famille présents, les observaient avec les yeux brillants. Son coeur s’emplit d’un sentiment oublié. Celui de rentrer à la maison. D’être aimé et attendu. D’être important pour quelqu’un. Ça faisait si longtemps qu’il n’avait pas ressentit ça.

— Allez ! Pousse-toi, t’es pas la seule qui veut un câlin, râla Stella avec humour.

Elle s’avança vers le grand brun, un lei à la main. Elle leva les bras et se mit sur la pointe des pieds.

— Tu voudrais pas m’aider, rit-elle. Steve s’inclina de bonne grâce devant-elle, feignant une révérence.

Alors qu’elle plaçait le lei sur ses épaules, elle en profita pour l’enlacer.

— Bienvenu à la maison ! Tu m’as manquée, murmura la jeune femme à son oreille.

— Toi aussi.

Clara s’avança à son tour, ne pouvant résister à l’appel d’une seconde étreinte. Quand se vide laissé par l’absence du jeune homme serait-il comblé ? Eddie fut moins expansif, mais on pouvait lire l’émotion dans ses yeux.

— Bienvenu chez toi, mon grand, s’exclama-t-il en mettant fin à l’accolade.

— Merci, sourit Steve, ému.

Il regarda autour de lui. La maison n’avait pas vraiment changé. Très semblable à celle de ses parents, elles paraissaient figées dans une autre époque. Steve trouvait ça rassurant. Comme enveloppé dans une douce couverture. Au chaud et en sécurité. Un sentiment inconnu chez le Seal.

Les présentations d’usage entre Joe et la famille Williams terminées, leurs hôtes commencèrent à servir l’apéritif. Steve n’était pas tranquille, malgré son sourire qui démontrait le contraire. Il écoutait sans entendre, les conversations tout autour, qui semblaient animer l’espace. Mais pas de Danny ni de Matty en vue.

Il a refusé de venir, conclut-il hâtivement. Le redoutait-il ou l’espérait-il ?

— Il est dans le jardin, lui souffla Clara, répondant à la réflexion muette.

Elle lui donna sa bière avec un sourire entendu et lui serra brièvement l’épaule. Steve la fixa, cherchant…quoi ? Il ne savait pas lui-même ce qu’il attendait. Des réponses à ses incertitudes ? Peut-être une trace de rancune. Elle aussi, elle pourrait lui en vouloir d’avoir disparu sans dire au revoir, de n’être jamais revenu. Un sourire rassurant et un amour inconditionnel, c’est tout ce que cette femme lui renvoyait.

— Et Matty ? demanda-t-il, essayant de gagner encore un peu de temps.

Repousser l’échéance, seulement quelques secondes.

— Je te promets qu’on en parlera, mais pas ce soir, lui demanda Clara, un voile de tristesse assombrissant son regard.

— Il est toujours dans le New Jersey, normalement, ajouta son mari, qui n’avait pas loupé leur échange.

Le ton employé par Eddie l’étonna. Au delà de son “normalement” qui signifiait qu’ils ne s’étaient pas parlés depuis un certain temps, ce fut quelque chose dans le timbre de sa voix qui alerta Steve. Accédant à la requête de Clara, il ne releva pas et préféra ranger l’information dans un coin de sa tête. Steve vit les autres commencer à s’asseoir. Toujours indécis quant à sa prochaine manoeuvre.

À bien y réfléchir, si ça devait mal se passer, ne valait-il pas mieux que ce soit à l’écart ? Sur cette dernière pensée, il se dirigea vers la porte-fenêtre qui donnait sur l’extérieur.

Le vent chaud d’Hawaii vint lui caresser la peau et il eut l’impression de respirer plus aisément. Ses yeux se posèrent derechef sur la silhouette qui lui tournait le dos. Danny ne paraissait pas avoir grandi, mais il voyait sa chemise tendue sur ses larges épaules. Une image fugace d’un Danny plus jeune et nu lui apparut, se superposant à cette version. Incapable de gérer le torrent de sentiments qui l’assaillaient.

Il était enfin là, à porté de mains…pourtant si loin. Une envie de le toucher, d’une telle violence, qu’il choisit de tout museler. Des bribes de souvenirs d’une époque où il était libre d’enlacer ce corps, le submergèrent. Il fit abstraction de son coeur qui tambourinait à ses oreilles.

— Non, il n’y aura pas d’imprévus. Je serai là, à 15 h tapante, je te le promets, affirma Danny d’une voix affectueuse.

Malgré toute la douceur qui emplissait sa voix, Steve pouvait entendre la différence de timbre. Il était moins lisse, moins aigu. Sans être vraiment grave, sa voix était plus affirmée. Pour autant, Steve aurait pu la reconnaître entre mille.

— Bonne nuit, mon p’tit chat. Danno t’aime.

L’air quitta ses poumons. Entendre ce nom fut comme une gifle.

C’était lui qui lui avait donné ce diminutif.

Danny raccrocha et, sans faire de bruit, Steve s’avança un peu plus. Il aurait été si aisé de faire encore un pas, de l’emprisonner entre ses bras. Lui dire qu’il l’aimait encore, qu’il l’avait toujours aimé, qu’il n’avait jamais aimé que lui. Probablement qu’il l’aurait fait à 17 ans, mais plus aujourd’hui. Quand bien même il l’aurait voulu, il s’en savait incapable. Il ne savait comment l’aborder.

Il y allait sans parachute, sans plan B. Sans plan A non plus, d’ailleurs.

— Bonsoir, Danny, souffla-t-il d’une voix rauque, ne voulant pas l’effrayer.

Son ami, son “ancien” ami —Steve ne savait même pas comment le qualifier. Ça paraissait si dérisoire comme appellation— pouvait-il percevoir à quel point il était nerveux ?

Deux mots et le monde de Danny s’écroula.

Les poils sur sa nuque se dressèrent et un frisson courut le long de sa colonne. Comment avait-il pu croire qu’il était prêt à lui faire face ? Mais qui avait-il essayé de berner ? Inutile de se mentir, il l’avait à peine aperçu au cimetière qu’il avait fui. Prétextant une urgence au boulot.

Quelle lâcheté !

Debout, au milieu des rangées de stèles, à quelques mètres de lui. Magnifique dans son uniforme de cérémonie. Si beau, si…grand. Danny l’avait trouvé impressionnant…intimidant…excitant. Ce fut ce dernier sentiment qui l’obligea à partir. Toutes ces années passées à nourrir sa rancoeur, pour ne pas souffrir, pour atténuer la sensation de manque, tout ça pour rien. Son corps semblait être programmé pour répondre à sa proximité.

 

— Comment ça, tu l’as invité ? avait-il braillé un peu plus tard, face à sa mère.

— Daniel Williams, avait-elle grondé à son tour en se levant face à son fils, tu vas commencer par baisser d’un ton, n’oublies pas à qui tu t’adresses.

— Excuse-moi, maman, avait-il soufflé en se laissant tomber sur sa chaise.

Clara l’obligea à relever la tête, bien à l’abris derrière ses paumes. Il ne pouvait soutenir son regard. Elle avait toujours vu ce que personne d’autre ne voyait. Et ça le terrifiait.

— Danny, parle-moi !

Que pouvait-il répondre ? La vérité ? Face au regard tendre, mais déterminé de sa mère, il flancha.

— Maman, je…je n’ai jamais trouvé le bon moment et puis après son départ, ça n’avait plus vraiment d’importance. Qu’est-ce que ça m’aurait apporté, à part remuer le couteau dans la plaie. Alors, j’ai préféré garder ça pour moi. C’était mieux pour tout le monde et j’ai rencontré Rachel…

— Danny, le rappela sa mère alors qu’il se perdait dans un de ses monologues.

— Je l’aimais, Maman. Je ne saurais pas dire quand c’est arrivé, mais il était devenu bien plus que mon meilleur ami ou mon frère d’une autre mère. Il était tout, murmura-t-il, la gorge serrée et la vision brouillée.

Sa mère vint l’enlacer et il se laissa aller au chagrin.

— Il m’a abandonné. Il est parti sans se retourner, sanglota-t-il.

Ils restèrent de longues minutes ainsi. Danny se libérant enfin de ce poids, en sécurité, serré tout contre sa mère. Cette dernière attendit patiemment que les larmes se tarissent avant de reprendre la parole.

— Je le savais, mon chéri, s’exclama-t-elle, Doris et moi, l’avons toujours su. Je comprends ce que tu ressens et ça me brise le coeur de savoir que tu as souffert pendant si longtemps, tout seul. Tu aurais dû m’en parler ! Mais aujourd’hui, je vais me faire l’avocat du diable. Tu ne crois pas qu’il mérite une chance de s’expliquer ?

— Tu prends sa défense, hoqueta-t-il en se dégageant de ses bras.

— Je t’aime, tu le sais, mais y a des fois…, souffla-t-elle. T’es-tu seulement demandé ce qu’il avait ressenti ?

— Ce qu’il a ressenti ? Mais c’est lui qui est parti, pas moi, rappela-t-il obstinément.

Ils parlèrent longuement à la manière des Williams, donc ils criaient, et Danny pensa que sa mère avait loupé sa vocation. Elle aurait peut-être dû faire du droit. Son plaidoyer était convaincant. Il savait qu’elle avait raison. Ce n’est pas lui qu’on avait arraché à sa maison, à ses racines et à sa famille. Pas lui qui s’était retrouvé dans un endroit inconnu, tout seul. À l’âge où on pense à sortir, à profiter de la vie. Où l’on veut faire des expériences, tomber amoureux, Steve avait plongé dans un monde fait de guerres et de morts.

 

Il rangea ses mains dans ses poches pour cacher les tremblements qui, soudain, agitaient ses membres.

Cette voix…

Il n’était pas prêt. Encore quelques minutes, quelques heures ou même quelques jours. Il n’était pas prêt à l’affronter. Ne le serait-il jamais ? Il finit par se retourner et le regretta immédiatement. Il était encore plus beau qu’au cimetière. Plus prêt surtout.

Danny avait tellement envie de le toucher. De sentir sa peau. Non, pas envie, besoin. Un besoin encore plus douloureux que le manque. Son corps brûlait de sentir ses mains. C’était physique, ça lui tordait les entrailles. Il le désirait à en crever. Alors qu’enfin, il était là, face à lui, ses yeux ne pouvaient se détacher de cet homme. Il avait tant de fois rêvé ce jour et ce désir n’avait jamais été aussi violent.

Comment pouvait-on désirer quelqu’un à ce point ? Mais il ne pouvait s’y résoudre. Peu importait à quel point son corps réclamait le sien.

Fierté à la con !

Le souffle court, le coeur battant à tout rompre, il voulait s’enfuir, se cacher sous sa couette et pleurer. Au lieu de quoi, il prit enfin la parole.

— Bonsoir, répondit-il d’un air détaché, un sourire quelque peu forcé étirait ses lèvres.

— Je suis…

— Je suis…, commencèrent-ils de concert et d’un signe de main, Steve invita Danny à poursuivre.

— Je suis désolé pour ton père, reprit-il, on était tous à l’enterrement, mais j’ai eu une urgence et je devais ramener mes soeurs, se justifia-t-il.

Steve le remercia simplement, avec gratitude. Danny feignait la nonchalance. Un détachement protecteur. Il ne pouvait pas laisser Steve voir qu’il avait le coeur aux bords des lèvres. Ne pas lui donner le pouvoir de le blesser à nouveau. Mais il ne put empêcher ses yeux de parcourir discrètement, il l’espérait, le corps du soldat.

Foutu connard !

Il avait prié, avec peu d’espoir, qu’il ait grossi ; qu’il soit atteint de calvitie ; vieilli de façon précoce. Sans certitude de ne pas le trouver beau au demeurant, mais il n’était rien de tout ça. Sous ses vêtements, il devinait sa musculature recouverte d’une peau hâlée. Une cicatrice barrait sa joue gauche, mais loin de le défigurer, celle-ci accentuait son côté sexy. Pourquoi le trouvait-il si “intimidant” ?

Danny n’osait pas s’attarder sur son visage. Il pouvait résister à son corps, non sans mal, mais son visage…

— T’as fait bon voyage ?

Danny, t’es un génie !

Ce dernier se gifla mentalement. Pour impressionner l’enfant prodige de retour au bercail, il ne trouvait pas mieux que des banalités. Il allait passer la soirée à débiter des lieux communs, il le sentait. Il ferait peut-être mieux de se taire.

— Oui, sourit Steve, tu étais au téléphone avec…

— Ma fille, Grace, le coupa Danny.

— C’est une fille, acquiesça le Seal, digérant la nouvelle. Ça lui fait quel âge ?

— Elle a 6 ans, bientôt 7, précisa-t-il. Pour la première fois depuis l’apparition de Steve, il eut un vrai sourire en pensant à son p’tit singe. Il pouvait l’entendre râler d’ici “J’ai presque 7 ans, Danno !” et Steve perçut la différence.

— Elle a beaucoup de chance…

Steve s’interrompit et Danny vit sa posture changer en un quart de seconde. Les sens du Seal se mirent en alerte. Il entendit un bruit feutré, non identifiable. La tête légèrement de profile, gardant un oeil sur ce qui se trouvait devant lui alors que son ouïe se focalisa sur les sons provenant de derrière. La brise qui traversait la maison transporta un parfum, puis le bruit devint des pas. De grandes enjambés un peu sautillantes. Il relâcha la tension dans ses muscles et soupira.

Stella s’approcha de Steve, l’enlaça en se collant à son dos. Elle le sentit se raidir quelque peu, mais ne releva pas.

— Les gars ! Désolée de vous déranger, mais on vous attend, les coupa-t-elle.

Danny observa Steve encore quelques secondes. Dire qu’il fut surpris —faute d’un autre mot— serait un euphémisme. L’homme semblait avoir entendu sa soeur arriver bien avant lui. Comme s’il était en état d’alerte constant. Il n’était pas prêt à lui pardonner, mais il se mentirait s’il disait ne pas être intrigué par cet homme dont il ne savait rien.

Steve fit un petit sourire contrit à Stella et se laissa entrainer à l’intérieur sans un mot.

La soirée se passa bien, dans l’ensemble. Les souvenirs fusèrent et les filles animèrent la discussion, faisant rire Joe. Ce dernier s’attira quelques regards noirs de son ancienne recrue. Clara ne fut pas avare d’anecdotes concernant les deux jeunes hommes.

— Tu te souviens de la première fois où Danny a voulu aller surfer avec Steve ? se mit à rire la mère de famille en s’adressant à son mari.

— C’est inoubliable, sourit Eddie, il avait tellement peur de l’eau, qu’il s’est mit à paniquer, criant qu’il était en train de se noyer. Il a fallu que Steve revienne vers lui et lui prouve qu’il avait pied pour qu’il se calme. De toute façon, il n’écoutait personne d’autre, ajouta l’homme avec un sourire attendri.

Toute l’assemblé rigolait à gorge déployée, imaginant le petit blond se débattre dans 30 cm d’eau. Steve se joignit aux rires, mais la dernière phrase d’Eddie terni quelque peu le souvenir. Quant au principal intéressé, il se renfrogna et les rires redoublèrent devant son air boudeur. Steve préféra se retenir de tout commentaire, mais fut rassuré par cette moue familière.

— Dis nous en plus, commença Bridget, t’as fait quoi ? T’as été où ? On t’a envoyé en Afghanistan ?

— Bridget ! la coupa sa mère, arrêtes d’embêter Steve, la réprimanda-t-elle.

— Mais Maman !

Steve sentait les regards de l’assemblée pesait sur lui. Il comprenait cette curiosité. Quoi de plus normal que de vouloir savoir ce qu’il avait fait. Il n’avait pas vraiment envie d’en parler, mais n’était-ce pas ce que les gens faisaient quand ils se revoyaient : raconter leurs souvenirs.

— Hé bien, j’ai été dans beaucoup de pays, avoua-t-il d’un ton mesuré, penché vers la jeune fille, comme s’il lui faisait une confidence.

— Quels pays as-tu visités ? Demanda à son tour, Stella, de manière plus posée, mais pas moins curieuse d’en savoir plus. — Pour la majorité, ces informations sont classifiées, mais je peux dire que je ne suis pas loin d’avoir fait le tour du monde, sourit-il.

— Tu ne peux pas dire où tu as été ?

— Non, Bridget, je ne peux pas. Quand je suis envoyé quelque part, c’est pour une mission, la plupart du temps secrète. Même après mon passage, il serait dangereux que l’on sache que j’étais là-bas.

— À part quand c’est une guerre officielle, compris Stella. Alors c’est ça ton boulot, les opérations secrètes ?

— En partie. Disons que j’ai fait plein de choses, mais que ces dernières années, j’ai surtout fait ça, précisa-t-il.

— Qu’est-ce qui n’est pas top secret ? Qu’est-ce qu’on a le droit de savoir ? demanda la plus jeune.

— Techniquement, tout ce qui me concerne est classifié...

— Oh, Captain America joue les Anonymous, s’exclama Danny d’un ton sarcastique.

Il reçu un regard noir de ses parents et un froncement de sourcils de Joe, mais Danny prit soin de ne pas regarder Steve.

— Ça sert à me protéger, reprit le Seal, mais pour répondre à une de tes questions, oui, j’ai été envoyé en Afghanistan, admit-il, ce n’est pas aussi excitant qu’il n’y paraît. J’ai rarement l’occasion de visiter, mais je prends toujours le temps de goûter l’alcool et la cuisine locale, sourit-il pour détendre l’atmosphère.

Bridget se leva brusquement et vint l’enlacer. La jeune fille n’avait pas beaucoup de souvenir avec se “grand frère” partie défendre le pays. Sa mère parlait beaucoup de lui, mais pas devant Danny, elle évitait également devant John. Elle aurait aimé naître avant et connaître cette époque que sa mère évoquait souvent.

Steve ne comprenait pas cet élan soudain, mais referma ses bras autour d’elle.

— Ça va, Bridget ?

Un documentaire sur les guerres du 20ème et du début du 21ème siècle avait été diffusé à la télévision. Toutes ces horreurs. Ces corps ensanglantés, en charpie. Les dégâts que faisaient certains types d’armes, images à l’appui. Ils n’avaient épargné aucun détail. Le but étant de réveiller les consciences. Les journalistes avaient mentionné les massacres de civiles innocents par ceux qui étaient sensé les protéger. Mais aussi dans quel état revenaient certains soldats, après un ou plusieurs déploiements. Victimes du syndrome de stress post-traumatique, une partie d’eux restait sur le front. Steve n’avait pas été envoyé une ou deux fois. Il avait passé presque la moitié de sa vie dans des endroits comme ça. Cette révélation la frappa de plein fouet et son coeur se serra.

Elle ressentit une admiration sans bornes pour l’homme qui la tenait dans ses bras, mais préféra taire ses pensées.

— Je suis juste contente que tu sois là.

Danny resta silencieux durant tout l’échange. Non pas qu’il n’avait rien à dire, mais rien de sympathique. Il ne comprenait pas lui-même pourquoi il agissait comme ça, mais ne pouvait s’en empêcher. Les paroles de sa mère tournaient en boucle dans sa tête. Est-ce qu’elle aurait pensé la même chose s’il lui avait dit qu’avant de partir comme un voleur, Steve l’avait baisé ? Ça n’aurait sûrement rien changé. Il avait conscience que ce n’était pas juste, que ça ne s’était pas passé ainsi.

Steve et Joe prirent congé tard dans la soirée, mais pas sans que Clara leur fasse promettre de revenir les voir. Danny et Steve ne s’était que peu adressé la parole. Steve était sûr d’avoir senti des regards furtifs ; il avait perçu les soupirs ; Danny n’était pas aussi indifférent qu’il voulait le faire croire. Néanmoins, il s’interdisait d’en tirer une quelconque conclusion. La journée avait été longue et il avait besoin de mettre son cerveau en pause, autant que faire se peut.

La journée ? sourit-il amèrement. Si ça n’était que celle-ci… À cet instant, il se sentait las.

 

— Ça va, mon chéri ? demanda doucement Clara, en rejoignant son mari dans le jardin.

— Hmm !

— Dis-moi, insista-t-elle.

— Qu’est-ce que tu veux que je te dise, se renfrogna-t-il.

Elle lui fit un sourire tendre, mais qui signifiait également “pas à moi” et lui caressa la joue.

— J’ai voulu poser des questions sur ce qu’il avait fait, mais je crois que je ne voulais pas vraiment savoir, soupira Eddie. Je suis heureux de retrouver un de mes fils. C’est un héros, tu te rends comptes !? Mais quand je le regarde, je ne peux m’empêcher d’être en colère. Je…

— Vas-y, dis-le, le poussa sa femme.

— Qu’est-ce qu’ils lui ont fait ? Il est si froid, si…je ne trouve pas les bons mots. Oh, bien sûr, il donne le change, mais je n’suis pas aveugle, se plaignit-il.

— Je sais ce que tu veux dire, mais crois-moi, il y a plus que ce qu’il montre. Je l’ai perçu au cimetière, le rassura-t-elle en venant l’enlacer. En tout cas, il sait te faire parler comme personne, il y a longtemps que je ne t’avais pas vu si loquace, le taquina-t-elle.

Il se joint à son hilarité. Comme toujours, sa femme avait raison, Steve venait juste de rentrer et pas pour de bonnes raisons, il avait certainement besoin de temps.

— Comment tu as trouvé, Danny ? demanda-t-il en rompant le silence apaisant qui s’était installé.

— Je te trouve bien perspicace. Qu’avez-vous fait de mon mari ? rit-elle avant de l’embrasser.

Danny, bien caché dans la cuisine, à l’abri des regards, n’avait rien loupé de la conversation.

Notes:

J'espère qu'il vous a plu.
J'attends vos avis avec impatience !

Chapter 10: Chapitre 10

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

 

Chapitre 10

 

       Steve laissa l’eau de la douche délasser ses muscles, espérant aussi effacer les dernières traces de cette journée. Il avait imaginé une multitude de scénarios concernant cette soirée. Des embrassades, quelques anecdotes. Ç’avait été chaleureux et affectueux. Faisant naître en lui des sentiments oubliés. Tant d’émotions contradictoires, qu’il était incapable d’en attraper une et de la ressentir pleinement.

Steve s’y était préparé, aux embrassades, mais ne les avait juste pas imaginées si affectueuses. Il était parti depuis si longtemps…Qui comprendrait que tous ces gestes, qui leur paraissaient naturels, ne l’étaient plus pour lui. Être touché, enlacé.

La sécurité d’un foyer.

Les dix dernières années se résumaient à être parachuté d’une zone de guerre à une autre. D’endroit où, officiellement, il n’est jamais allé. C’était tellement étrange d’être là, parmi eux. Scène de vie tout à fait banale, mais tellement en décalage avec la sienne. Parmi tout ça, une gêne palpable. L’impression de ne pas être à sa place.

Et que dire de l’indifférence entre Danny et lui. Indifférence qui dissimulait tant bien que mal cette tension qu’il ressentait.

Danny la ressentait-il également ? Était-elle perceptible ?

Joe lui avait jeté quelques regards en biais sur le chemin du retour, mais n’avait pas essayé d’en savoir plus. Avait-il perçu que se n’était pas le moment ? Ils n’avaient pas abordé le sujet depuis ce soir-là. Les jours passèrent et Steve se plongea dans son enquête. Évitant, de ce fait, d’être obsédé par des questions dont il n’avait pas les réponses. Il devait contrôler quelque chose.

Après avoir minutieusement examiné chaque pièce de la maison et récolté les quelques indices et preuves laissées par Victor Hesse, il entreprit un grand ménage. Il avait fait appelle à certains de ses contacts. Leur donnant pour mission de garder l’oeil ouvert et de l’avertir au moindre mouvement de Hesse.

— Il l’a gardée ! s’exclama Joe en pénétrant dans le garage.

Steve sursauta et releva la tête de sous le capot, enlevant ses écouteurs.

— Tu m’as surpris, sourit-il.

— C’est assez rare pour être souligné. Tu te ramolli déjà, se moqua Joe.

— Sûrement, répondit-il avec humour. Alors, qu’ont-ils dit ?

— Comme d’habitude, pas grand chose. Tu as carte blanche pour éliminer Hesse. Ils préféreraient l’avoir vivant pour l’interroger, mais ils se contenteront de sa tête si tu ne peux pas faire autrement. Bien entendu, ils n’ont jamais dit ça, énonça Joe comme une évidence.

— Évidemment, renchérit le Seal.

— Que fais-tu ? demanda Joe. Se penchant à son tour au-dessus du moteur de la Mercury Marquis.

— Ça ne se voit pas ? Je la répare, s’exclama-t-il en roulant des yeux.

— Tu essaies, rectifia Joe, c’était déjà un tas de ferraille à l’époque où ton père l’a acheté. Tu en a conscience ?

Devant le regard exaspéré de Steve, il leva les mains et quitta le garage aussitôt.

Entre l’enquête sur la mort de son père, la rénovation de la maison, ses exercices matinaux et la réparation de la voiture, les journées de Steve étaient chargées et c’est exactement ce dont il avait besoin. Il trouva quand même le temps d’appeler Mary pour discuter, mais n’avait plus abordé le sujet de sa visite à Hawaii. Steve ne pouvait pas la blâmer pour ça. Elle reviendrait quand elle serait prête, même si ça signifiait que lui serait peut-être reparti. Il avait toujours la possibilité d’aller passer quelques jours à Los Angeles, comme se plaisait à lui rappeler sa tante. Il poserait des congés une fois Victor Hesse éliminé.

Alors qu’il revenait de son jogging et s’apprêtait à se changer pour aller nager, son téléphone vibra contre son biceps. Quand il décrocha, la voix d’Anthony Kiedis qui retentissait dans ses écouteurs, fut remplacée par celle de Clara.

— Bonjour, mon grand, le salua-t-elle avec un sourire, comment vas-tu ?

— Ça va, répondit-il brièvement, et toi ?

— Je suis contente de savoir que tu es toujours vivant, déclara-t-elle d’un ton moins enjoué.

Steve hésita avant de répondre. Il sentait bien qu’il y avait une raison derrière ce reproche à peine déguisé, mais celle-ci lui échappait. Tous les compartiments de son cerveau étaient déjà affectés à une tâche. Ça laisser peu de place pour le reste. Qu’avait-il bien pu faire ? Ou ne pas faire ? D’instinct, il pencha plus pour cette dernière.

— Allez, je te donne un indice, le coupa-t-elle dans ses réflexions, tu veux que je te redonne l’adresse de la maison ? demanda-t-elle d’une voix neutre, mais un sourire attendri étira ses lèvres.

Merde, chuchota Steve en se frottant la nuque.

— Excuse-moi, j’ai été pas mal occupé et je n’ai pas vu le temps passer, le remord perceptible dans sa voix.

— Pour te faire pardonner, tu vas venir goûter avec nous cette après-midi.

— Avec plaisir, sourit-il, 15 h, c’est bon ?

— Parfait ! À tout à l’heure, mon chéri.

Il était à peine 7 h et Steve se demandait comment Clara avait-elle su qu’il serait réveillé à une heure si matinale ?! Il balaya la question d’un revers de main et reprit le cour de sa routine.

Il s’imprégna de la force tranquille de l’océan, de la régularité apaisante de ses mouvements. Il nagea pour se débarrasser de ce trop plein d’énergie qui surchargeait son corps. Ne s’arrêtant que quand il ressentit la sensation familière d’engourdissement qui enveloppait ses muscles.

— Ça va, fiston ? lui demanda Joe qui l’attendait sur la plage. Tranquillement assit sur une des chaises de jardin.

— Tu fais quoi après, l’interrogea Steve, en ignorant la question.

Une serviette entre les mains, le Seal s’essuya sommairement, frottant ses cheveux plus vigoureusement, peut-être trop, avant de prendre place à côté de Joe.

— Je dois aller à la base, répondit simplement ce dernier.

— Tu veux que je t’emmène ? Je dois y aller aussi.

— Si tu veux, accepta Joe, avant de se tourner vers le jeune homme pour l’observer. Tu as l’air un peu tendu ?!

Steve prit le temps de s’analyser. La tension dans ses muscles, son pouls, les réactions de son corps…

— Un peu, apparemment, rit-il. Je suis attendu pour 15 h chez Clara, précisa-t-il face au regard interrogateur de Joe.

— Je vois !

Steve laissa passer la remarque et se focalisa sur le ressac des vagues. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Il devait être aux alentours de 9 h, le temps de prendre une douche, de petit déjeuner et il serait temps de se mettre en route.

— Allez, commença-t-il en se levant pour bousculer gentiment le plus âgé, je me change et je te paye le petit déj’, sourit-il avant de partir aux pas de course en direction de la maison.

Steve choisit un café sur le chemin de la base. Il avait l’habitude de venir ici quand il passait par Hawaii. Il y avait déjà emmené Catherine et Freddie. Les meilleurs Malasadas de l’île, qu’il disait. Faut dire que l’établissement était idéalement placé : près de Pearl et suffisamment loin de chez son père pour qu’il ne risque pas de le croiser.

Le déjeuner fut meublé par leurs discussions sur tout et n’importe quoi. C’était leur truc, un sujet au hasard et ils partaient sur un débat ponctué d’éclats de voix et de rires. Cette petite parenthèse dans son quotidien routinier, permit à Steve de se détendre et, l’espace de quelques instants, de ne penser à rien d’autre que démonter les arguments de son vis à vis.

— Je croyais que tu préférais le football, s’exclama Joe avec suspicion.

— C’est exact, mais il fallait bien que je sois contre toi. Autrement, quel est l’intérêt ?

Steve haussa les épaules avec désinvolture sans pour autant se départir de son sourire moqueur. Son attitude enfantine fit rire Joe, heureux de retrouver cette part du jeune homme qu’il croyait éteinte pour de bon cette fois. Ça faisait partie de ces petites choses que Joe ne voulait pas voir disparaitre. Ce paradoxe qui cohabitait chez Steve. Un soldat impitoyable qui a traversé l’enfer et cette part d’innocence qui lui permettait de rire comme seul un enfant sait le faire. Mais même avec ce sourire qui éclairait ses traits, résidait dans ses pupilles cette lueur commune à tous ceux qui ont vu la lie de l’humanité. Ceux qui ont côtoyé la mort de trop près ; trop souvent.

Arrivé à la base de Pearl, Steve déposa Joe devant le bâtiment principal et partit en direction du quartier résidentiel d’Hickam. Le soleil chauffait sa peau à travers le pare-brise et les rayons qui s’infiltraient par delà les feuilles des arbres, coloraient le paysage de nuances complexes. La légère brise qui s’insinuait dans l’habitacle de la Mustang, par les vitres ouvertes, avait l’odeur de la liberté. Toutes ces choses s’accordaient et participaient à charger l’atmosphère d’espoir ; enveloppant ses plaies d’un baume apaisant. Ce ne serait que de courte durée et il avait bien l’intention d’en profiter ; de s’en gaver. Il vissa ses lunettes de soleil sur son nez et poussa le volume au maximum, laissant la batterie emplir l’espace autour de lui et emporter ses dernières pensées.

Sans baisser le volume de la musique, il passa plusieurs postes de sécurité. Se contentant d’ouvrir sa carte face aux gardes de service. Ces derniers se mettaient immédiatement au garde à vous et faisaient derechef lever les barrières. En les voyant agir de la sorte, Steve ne pouvait cacher son sourire. En tant que jeunes recrues, avaient-ils été aussi prompt à se soumettre à la hiérarchie ?

Il réduisit considérablement sa vitesse en approchant des habitations familiales. Ses yeux détaillaient les environs. Les routes étaient impeccables, les pelouses tondues au millimètre près, les façades des maisons paraissaient fraichement peintes et un drapeau trônait sur chaque porche. Peu importe les efforts fournis pour lui donner des airs de zone rurale classique, pas de doute possible, vous étiez bien sur une base militaire. Tout avait été étudié au carré.

Arrivé à destination, Steve se gara un peu plus loin pour ne pas se faire remarquer. Aucun signe de vie à l’avant de la maison. Il fit le tour discrètement, se baissant pour éviter les fenêtres. Plaçant sa main sur la poignet du portillon, il pria pour que cette dernière ne grince pas en l’abaissant. Le battant s’ouvrit sans bruit et il la vit en train de dépendre le linge que le vent faisait voler dans tous les sens.

À pas feutrés, il s’avança, ne s’arrêtant qu’une fois à portée de voix.

— Excusez-moi, mademoiselle, seriez-vous disposée à aider un homme égaré ? murmura-t-il, son sourire clairement perceptible.

La femme dont la crinière virevoltait autour de son visage se retourna brusquement au son de cette voix.

— Je suis toujours prête à rendre service, Soldat ! Et puis, avec cette gueule là, qui pourrait résister ? répondit-elle d’un ton neutre.

Avant qu’un immense sourire, qui fit lever ses pommettes, ne mette en avant ses tâches de rousseur. Sans attendre, elle se jeta sur le Seal et l’étreignit avec force.

Steve et Alice s’était rencontrés à Annapolis. Alors que lui faisant ses études à l’académie, elle y était pour suivre l’entrainement des Marines. Ils s’étaient tout de suite liés d’amitié. Elle était son exact opposé. Petite, mince, la peau pâle, de longs cheveux roux et des yeux verts pétillants, mais une force qui l’avait toujours surpris.

— On ne t’attendait plus, lui reprocha-t-elle en lui frappant l’épaule.

— J’ai été assez occupé, sourit-il en se frottant la nuque.

Elle le fixa durant quelques secondes et ne demanda pas plus d’explications. Du moins, pas tout de suite.

— Il est là ? demanda Steve en relâchant la jeune femme.

— Dans la maison, répondit-elle avec un signe de tête.

Steve se pencha pour lui déposer un baiser sur la joue avant de se diriger vers la porte arrière. Il pénétra dans la demeure tout aussi discrètement et s’arrêta sur le pas de la porte en voyant son ami nettoyer la cuisine.

— Sergent Sanchez, beugla-il d’un ton autoritaire et l’intéressé sursauta.

— Putain, s’écria l’autre en faisant volteface, la main posée sur son coeur.

— Je sais que tu es content de me voir, rit Steve, allez, viens me faire un bisou.

— Va te faire foutre, McGarrett, persifla Sanchez avec humour, avant de venir saluer l’importun.

Ils avaient rencontré Sanchez, pilote dans l’armée de l’air, durant l’une de leur première mission. L’homme, d’origine espagnole, avait rapidement trouvé sa place entre les deux amis et quelques années plus tard, alors que Steve partait pour sa première mission en tant que Seal, ils s’étaient mariés. Quand Alice est tombée enceinte de leur premier enfant, Sanchez a décidé de se faire embaucher sur la base d’Hickam afin d’avoir une vie plus stable. Il avait fait le choix de rester à terre pour sa famille et ainsi, Alice avait pu poursuivre sa carrière militaire. Steve avait toujours admiré leur couple.

Ils passèrent les heures suivantes à parler de leurs vies. Il regarda leurs albums de familles avec joie. Leur parla ensuite de la mort de Freddie et des raisons de son retour à Hawaii. Steve fut heureux de pouvoir parler de sa rencontre avec Danny. Alice et Sanchez étaient les seuls à connaître l’existence de son meilleur ami et leur véritable lien. Il resta déjeuner avec eux.

Alors qu’ils buvaient un café sous le porche avant, Steve se lança.

— Je suis venu parce que j’avais vraiment envie de vous voir, précisa-t-il avant de poursuivre, mais je vais être honnête. J’espérais également que tu puisses m’aider, avoua-t-il en regardant Sanchez.

— De quoi as-tu besoin ?

— De ravitaillement.

Le sergent n’avait pas besoin d’excuses. Ils avaient vécu tellement de choses tous les trois. Se sauvant à tour de rôle de situations bien merdiques. Steve n’avait pas à justifier auprès d’eux. Steve embrassa son amie avant de quitter la maison familiale accompagné par Sanchez. Les deux hommes partirent en direction du hangar A10, où était stocké le matériel, avant de faire escale à l’armurerie. Même si son train de vie actuel lui disait le contraire, il était toujours en mission et il n’allait pas partir à la poursuite de Hesse à poils.

— Merci.

— Ne dis rien, répondit Sanchez, en balayant la remarque d’un geste de la main. Fais attention à toi et reviens vite, souffla-t-il avant de lui taper dans le dos et de le relâcher.

Steve acquiesça et quitta la base. Il était temps d’aller affronter, pour la seconde fois, sa famille. Est-ce qu’un jour il cesserait d’appréhender leur rencontre ? À 15 h tapante, il garait la Mustang devant la demeure des Williams. Alors qu’il se dirigeait vers la porte d’entrée, une petite fille l’ouvrit à la volée, se plantant sur le seuil. Steve vit Clara le regarder de l’intérieur, avec un sourire maternel.

— Tu dois être Grace, s’exclama-t-il en se baissant pour être à la hauteur de l’enfant.

— Et toi, tu es mon oncle Steve, renchérit-elle toute fière d’en savoir autant.

— C’est exact !

Il avança sa main et attendit que Grace en fasse de même. Le Seal fut surpris quand la petite fille s’élança pour lui offrir un câlin. Il se reprit et se prépara à la réceptionner. Il allait devoir s’habituer à ce genre de gestes. Ils s’étaient tous donné le mot ? On l’avait plus enlacé depuis son retour sur l’île que dans toute sa vie.

— Enchanté de faire votre connaissance, Mademoiselle, déclama Steve, avec emphase, en reposant Grace sur ses pieds.

La petite hocha la tête, signifiant qu’elle aussi. Steve vit ses joues se teinter d’une légère nuance de rose qui lui rappela son père. Elle attrapa la main du Seal et l’entraina à l’intérieur.

— Bonjour, mon grand, le salua Clara, en l’embrassant.

Ils s’installèrent dans la cuisine, où reposaient les pâtisseries. Grace n’était pas avare de questions. Elle voulait tout savoir sur l’enfance de son père et de Steve.

— Quoi ? s’écria la petite fille, Danno sait surfer ?

— Disons qu’il se débrouillait, rigola sa grand-mère.

— Pourquoi il refuse toujours que j’apprenne ? Tonton, tu sais encore surfer ? demanda-t-elle d’une voix suppliante.

— Euh…oui, répondit Steve, méfiant.

Face à la moue de l’enfant, Steve eut une idée, sans être sûr qu’elle soit bonne. Après tout, que risquait-il ? Que Danny lui en veuille ? Ça fera juste une raison de plus.

— Si mamie est d’accord, on emballe le goûter, on passe chez moi pour prendre du matériel et je t’offre ta première leçon de surf, proposa-t-il en dirigeant son regard sur Clara qui suivait leur échange avec affection.

C’est ainsi qu’une heure plus tard, Clara, tranquillement installée sur sa serviette, observait sa petite fille qui riait aux éclats sur le dos de Steve. Son coeur de maman se gonfla face aux sourires de son fils. Finalement, les deux plus jeunes jouaient plus qu’ils ne surfaient. C’est la sonnerie de son téléphone qui la sortie de sa contemplation.

— Ça va, mon chéri ?

— Maman, vous êtes où ? J’ai essayé d’appeler à la maison, mais personne ne décroche, se plaignit Danny.

— Tu as déjà fini ? questionna la mère avec surprise.

— Il est 16h30 !

Elle regarda sa montre avec surprise et mécontentement. Semblant la rendre responsable du fait.

— Nous sommes à Pupukea au niveau de Banzaï Pipeline. Tu viens nous rejoindre ?

— Mais qu’est-ce que vous faites là-bas ?

— À ton avis, Daniel, que fait-on sur une plage ? le questionna-t-elle avec sarcasme, avant de raccrocher, ne lui laissant pas le temps de répondre.

Danny observa son téléphone, surpris par le comportement de sa mère. Il venait de finir sa journée de travail et il avait envie de tout sauf d’aller se cramer les pieds à la plage et finir avec du sable dans des endroits improbables. Il lui fallut plus de 45 minutes pour rejoindre Pupukea. C’était la pire heure pour traverser O’ahu. Et durant tout ce temps, Danny ne cessa de s’interroger sur les raisons pour lesquelles sa mère avait décidé d’emmener Grace à ce spot. D’ordinaire, elles n’allaient pas si loin pour aller nager.

Une fois sur place, il se résigna à se délester de ses chaussures ainsi que de ses chaussettes, avant de remonter les jambes de son pantalon. Il ne mit pas longtemps à apercevoir sa mère allongée, seule, entourée d’affaires qui n’étaient clairement pas toutes à elle. Deux planches de surf, une petite serviette, des vêtements et plusieurs sacs.

— Maman, la héla-t-il en approchant.

— Ah ! Tu es venu, lui sourit-elle, contente de le voir.

Arrivé à son niveau, Danny l’embrassa avant de se tourner à la recherche de sa fille. Ses yeux scannant la plage face à eux. Il avait beau regarder partout, aucune trace d’elle.

— Maman, où est Grace ? demanda-t-il légèrement paniqué.

— Dans l’eau, le rassura Clara.

Et avant qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit. Ils virent Steve émerger, portant une Grace hilare, aux creux de ses bras.

Comme au ralenti, Danny le vit se mouvoir, l’eau reculant derrière lui et dévoilant ainsi, de plus en plus de peau, de muscles et de tatouages. Steve ne semblait pas avoir remarqué sa présence et continuait de chahuter avec la petite fille. Danny gifla sa fierté et se permit, l’espace de quelques minutes, de se délecter de la vue. Celle qu’offrait le corps parfait du soldat, mais aussi le sourire éblouissant qui éclairait tout le visage de sa fille, qui paraissait minuscule dans les bras de l’homme aux mensurations hors normes.

Notes:

Alors, ce chapitre ? Tous les avis sont bons à prendre !

Un grand merci à celles qui me suivent et prennent le temps de me laisser un p'tit mot à chaque chapitre ;)

Chapter 11: Chapitre 11

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Chapitre 11

 

 

— T’aurais dû voir ça, Danno ! Tonton il a prit une vague gigantesque, s’exclama-t-elle en faisant de grands gestes.

— Je suis content que ça t’ait plu, Monkey, répondit Danny, avec bienveillance.

— Il a plongé aussi ! Il nage super vite et même qu’il peut retenir sa respiration super longtemps ! Et…

Voilà 15 minutes qu’ils étaient tous les deux en voiture et Grace ne tarissait pas d’éloges sur son oncle Steve. Pas que ça dérangeait vraiment son père, mais il ne savait quoi répondre. Il était heureux de voir sa fille aussi excitée. Son visage s’illuminait à chaque fois qu’elle se souvenait d’un détail qu’elle n’avait pas encore partagé. Il n’avait pas envie de gâcher son humeur, alors il écoutait et acquiesçait de temps en temps.

— Et t’as vu quand il m’a mit sur ses épaules. J’ai jamais vue aussi loin. C’est haut ! J’avais presque le vertige, rigola-t-elle, entrainant son père avec elle.

— J’imagine, sourit Danny.

— Si tu veux essayer, tu peux lui demander. Il est super fort, tu sais. J’suis sûre qu’il peut te porter sur ses épaules, toi aussi, lui expliqua Grace, très sérieusement.

Danny manqua de s’étouffer avec sa salive. Il fut prit d’une violente quinte de toux. C’est bien la première fois qu’il était content d’être bloqué dans les embouteillages. La petite fille ne dit plus rien, attendant que son père reprenne sa respiration.

— Je n’en doute pas, mon p’tit chat. On verra, éluda-t-il en se raclant la gorge.

La route se dégagea enfin et ils purent reprendre leur chemin. Danny détestait le moment où la maison de son ex-femme apparaissait au loin et signait la fin de son temps avec sa fille. Les choses avaient été compliquées entre Rachel et lui, mais depuis quelques semaines, les tensions s’étaient apaisées. Rachel était plus conciliante et lui permettait de voir Grace plus souvent. Ou, comme ce jour, laissait la petite fille passer l’après-midi avec sa grand-mère.

— Danno ?

— Mmmh !

— Pourquoi t’aimes pas tonton ? Danny jeta un regard à sa fille, essayant de comprendre d’où sortait cette question.

Que pouvait-il répondre ? Il avait toujours mis un point d’honneur à ne pas lui mentir, mais là…

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

— Je sais pas, haussa-t-elle les épaules, comment tu réagissais quand mamie parlait de lui.

— Ton oncle et moi, nous étions très proches avant qu’il ne parte. Dès fois, quand on reste longtemps sans voir quelqu’un, on s’éloigne et on ne sait plus comment agir avec l’autre personne, essaya-t-il de lui expliquer, tu comprends ?

— C’est pour ça que tu as l’air triste quand tu le regardes, conclut Grace.

Danny resta sans voix face aux paroles de sa fille. Quand bien même ce fut vrai, comment une enfant de cet âge pouvait percevoir ça ? La dernière chose qu’il souhaitait c’était qu’elle s’inquiète pour lui. C’était son rôle, pas celui de Grace.

— Tu es beaucoup trop intelligente, tu le sais, sourit-il en venant embrasser son front. Je te promets que tout va bien, d’accord ?

La petite fille acquiesça avant de dire au revoir à son père et de courir en direction de sa mère qui l’attendait devant la porte d’entrée. Rachel et Danny se firent signe et ce dernier quitta la propriété l’esprit en ébullition.

Avait-il vraiment l’air triste face à Steve ? Cette question allait le hanter durant des jours.

Depuis que Steve était réapparu dans sa vie, Morphée semblait se rire de lui. Son sommeil était ponctué de rêves mettant en scène le Seal. Tantôt dans des fantasmes d’une réalité dérangeante, tantôt dans des cauchemars où Danny apprenait la mort du jeune homme.

Le manque de sommeil le rendait irritable, mais il s’entêtait à fuir ostensiblement son lit. Finissant généralement par s’assoupir, affalé sur son canapé, devant la télévision. Épuisé par une vaine bataille contre ce besoin élémentaire. Pour se réveiller quelques minutes ou quelques heures plus tard en sueur, le coeur affolé. Dans ces instants, une envie incontrôlable de rejoindre son ancien meilleur ami, le rongeait de l’antérieur. Juste vérifier qu’il était bien vivant, se blottir contre lui et l’entendre lui dire qu’il était là, que tout irait bien…juste ça.

Il gémit en repensant à ce jour sur la plage.

Alors que ses yeux ne pouvaient quitter le corps en mouvement du soldat qui arrivait au pas de course avec sa fille sur les épaules. C’est la voix de cette dernière qui le sortit de sa transe.

— Danno ! cria-t-elle en riant aux larmes.

— Hey, mon p’tit singe, l’accueillit-il avec joie.

Danny se recula pour admirer l’enfant, sans se rompre le cou. Une main placée au-dessus de ses yeux pour s’abriter du soleil.

Y a pas idée d’être si grand !

— Mais tu es immense, s’exclama-t-il avec humour.

La petite fille sourit avec fierté. Ses petites jambes pendantes de chaque côté du visage de Steve, alors que ses mains étaient fermement accrochées sous son menton. Le jeune homme, quant à lui, avait les bras levés et ses grandes mains apposées dans le dos de Grace, sécurisant sa position. Danny eu un pincement au coeur devant cette image qui le narguait. Comme une piqûre de rappel de ce qu’il aurait pu avoir, si les choses avaient été différentes. C’était à la fois émouvant et déchirant. Il ne souhaitait que fuir cette plage. Partir aussi loin que possible de ses souvenirs, de ses rêves brisés et de ce soldat qui hantait ses pensées. Au lieu de ça, pour ne pas décevoir sa fille, il accepta de goûter quelques pâtisseries et ainsi prolonger son après-midi.

Il ne put s’empêcher de jeter quelques regards à la dérobé. C’était difficile de rester concentré quand l’objet de tous vos fantasmes, depuis votre adolescence, avait décidé que les t-shirts ne servaient à rien. Danny voyait ses tatouages bouger au gré de ses mouvements. Assis à seulement quelques centimètres de lui, il avait l’impression que Steve allait le toucher à chaque fois qu’il bougeait un bras. Que ce soit pour embêter Grace ou simplement prendre une part de gâteau.

Ce fut quand Steve prit sa bouteille d’eau et se mit à boire à même le goulot que Danny se décida à mettre fin à son calvaire. Hypnotisé par cette putain de goutte d’eau qui roula, telle une caresse, de la commissure de ses lèvres, le long de son menton et de sa gorge ne semblant pas vouloir arrêter sa lente descente. Comme connectée à ses pensées, la saloperie dévala le torse de l’homme, passant entre les pectoraux alléchants, serpentant les abdominaux développés.

Danny avait chaud. Vraiment chaud. Il avala sa salive avec difficulté et fut douloureusement ramené à la réalité par sa mère.

— Daniel, tu m’écoutes ?

— Pardon, quoi ?

— Tu manges à la maison, ce soir ?

— Non, je suis fatigué, je ne vais pas me coucher tard. D’ailleurs, en parlant de ça, tu t’habilles ma princesse, il est l’heure que je te ramène chez maman, ajouta-t-il à l’adresse de sa fille. Soulagé d’avoir une bonne raison de partir.

Grace fit promettre à Steve de recommencer bientôt et c’est avec un câlin qu’elle le quitta.

Dire que Danny fut surpris par le comportement de sa fille serait un euphémisme. Elle était un tas de choses : souriante, marrante, brillante, curieuse, mais certainement pas tactile ni démonstrative, encore moins avec les étrangers. Alors la voir si ouverte et accueillante avec son “oncle”…

Danny n’était pas dupe, bien sûr qu’il aimait encore Steve et oui, il pouvait se l’avouer, il était irrésistiblement attiré par lui, mais ça ne changeait rien. Il ne comprenait pas lui-même d’où venait cette rancune intarissable. Pourquoi était-il si difficile pour lui de pardonner et de passer à autre chose ? Il se faisait l’effet d’un vieil homme aigri. Quand était-il devenu comme ça ?

Il ne l’avait pas revu depuis ce jour-là. Il avait même évité le domicile familial, craignant d’être de nouveau piégé par sa mère. Les journées se passaient bien, trop occupé pour penser à lui, mais quand arrivait le soir, le même schéma se répétait inlassablement.

Cette journée avait commencé comme toutes les autres à une exception près, il avait dû emmener sa voiture au garage. Cette dernière faisait du bruit depuis quelques temps et par prudence il avait préféré prendre rendez-vous avec son mécanicien. Au regard de ses maigres capacités en la matière, il valait mieux éviter de tomber en panne au bord de la route. Donc, il s’était rendu à son travail en transport en commun et s’était arrangé avec un de ses collègues pour le soir.

La matinée passa assez rapidement. Pas d’incident notable, ce qui était reposant compte tenu de son manque de sommeil croissant. Au déjeuner, son collègue l’informa qu’il avait un empêchement, qu’il était vraiment désolé, mais qu’il était dans l’incapacité de le reconduire chez lui. Par dépit et par facilité, Danny se résigna à demander à sa mère, qui accepta avec joie. Il avait un mauvais pressentiment, mais décida d’en faire abstraction. Il n’aurait pas dû.

— Je vais vous offrir un peu de recul. Vous en aurez besoin pour comprendre l'économie d'aujourd'hui. De façon synthétique, nous allons revoir les principaux faits qui ont marqué le 20e siècle, expliqua Danny en commençant à noter les dates à connaitre. Le cours montre les principes de la puissance économique et les facteurs qui peuvent l'affaiblir ou l'encourager. Seront ainsi évoquées, les crises économiques comme les conflits armés qui ont marqués le siècle dernier, à travers une comparaison entre les pays développés. Etats-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne et Union soviétique seront ainsi abordés. À la fin de ce semestre, vous disposerez d'une culture économique et historique solide, termina-t-il.

La craie grinçait contre la surface du tableau et un silence inhabituel s’installa dans l’amphithéâtre. La sensation d’être observé le fit se tendre et un frisson remonta le long de sa colonne. Sans vraiment comprendre pourquoi, une certaine appréhension paralysa ses membres et c’est non sans mal, qu’il se retourna.

La plupart de ses élèves étaient tournés vers la porte tout en haut de l’amphithéâtre et Danny suivit leurs regards. Son souffle se coupa et il s’appuya à son bureau alors que ses jambes l’abandonnaient.

Steve se tenait en haut des marches. Les épaules carrées, les jambes légèrement écartées, les pieds ancrés au sol. Ses deux mains jointes devant lui, autour de ce que Danny devinait être une casquette. Il ne l’avait vu qu’une fois en treillis, sur une photo chez John. Le voir en vrai était bien différent.

Beau, c’était indéniable, d’ailleurs certains de ses élèves semblaient être en accord avec ce fait, mais aussi terriblement intimidant. Danny secoua la tête pour se débarrasser des images qui envahissaient son esprit : Les sièges étaient vides et Steve dévalait les marches, ne prononçant pas un mot alors qu’il venait l’embrasser brutalement, le couchant sur son bureau en bois vernis.

Putain d’imagination !

Danny pouvait presque sentir la surface froide contre son dos. Il se racla la gorge et regarda sa montre.

— C’est tout pour aujourd’hui, s’exclama-t-il la voix mal assurée. Nous commencerons lundi par la Belle époque de 1900 à 1914. Deux économies vieillissantes : la Grande-Bretagne et la France. Est-ce utile que je vous rappel que j’apprécie les recherches faites en amont ?

Les élèves prirent leurs affaires en silence et se dirigèrent vers la sortie. Ils passèrent tous au ralenti à côté de Steve qui récolta des regards emplis de convoitise, de crainte et/ou de curiosité. Il offrit quelques sourires par politesse, mais ses yeux ne quittèrent pas Danny.

— Je peux t’aider, Alyson ? demanda le professeur, exaspéré.

La jeune femme, embarrassée de s’être fait prendre, baissa la tête et détala sans demander son reste.

Pendant plusieurs secondes, les deux hommes se fixèrent en maintenant leur position. Puis Steve bougea le premier. Alors qu’il descendait tranquillement, Danny ne put s’empêcher de revoir les images de son fantasme. La gêne colora ses joues et cette rougeur familière fit sourire Steve. Ce dernier s’appuya sur le bord du bureau près de Danny. Trop près.

— Tu m’expliques ce que tu fais là ? commença le Seal.

— C’est à moi de te poser cette question, se renfrogna-t-il.

— Ne fait pas semblant de ne pas comprendre, grinça Steve.

Danny souffla, vaincu et se laissa tomber dans sa chaise. Il devrait toujours écouter son instinct. Ce pressentiment qu’il avait ressenti après l’appel passé à sa mère…il aurait dû se méfier. Le voilà de nouveau pris au piège. Il pouvait toujours refuser de répondre et lui demander de partir, il se débrouillerait pour rentrer, mais il se sentait las. Plus tard, il blâmerait le manque de sommeil.

— Après mon divorce, j’ai repris mes études. J’espérais reconquérir Rachel. Si je n’étais plus flic peut-être que…c’était avant d’apprendre qu’elle était enceinte de son amant qui, depuis, est devenu son mari. Quand je suis revenu ici, j’ai pris contact avec mon ancien professeur d’économie. L’occasion s’est présentée quand ils ont eu besoin d’un remplaçant, je l’ai saisie, expliqua-t-il succinctement.

— C’est tout ? Maintenant que tu sais qu’elle ne reviendra pas, tu ne comptes pas reprendre du service ?

— Pour être honnête, je n’y ai pas réfléchi. J’aime bien ce que je fais et mes horaires coïncident avec ceux de Grace. C’est pratique, conclut-il avec un haussement d’épaules.

Steve percevait une résignation qui ne lui plaisait guère. Danny avait l’air de faire des choix par défaut. Pourquoi ? N’attendait-il plus rien de la vie ? C’était un peu jeune pour ne plus faire de projet, pour ne plus rêver. N’ayant pas l’intention de provoquer une dispute, il garda ses réflexions pour lui. À la place, un sourire se dessina sur ses lèvres.

— Je peux savoir ce qu’il y a de drôle ? demanda Danny, les sourcils froncés.

— Tu m’as parlé !

Williams voulu sortir une réplique cinglante, mais referma la bouche sans piper mot. C’était vrai. Steve lui a posé une question et tout naturellement, il lui a répondu. Que pouvait-il dire pour changer ce fait ? Rien. Préférant ne pas donner plus d’arme au soldat, il choisit, une fois n’est pas coutume, de se taire.

Le trajet jusqu’à la maison de la famille Williams se passa dans un calme tranquille, pas gênant comme Danny l’avait craint. Il ne sortit de son mutisme que quand Steve se gara devant chez ses parents.

— Tu ne m’as pas dit pourquoi c’est toi qui est venu me chercher. Et pourquoi t’es habillé comme ça ?

— J’avais des obligations à remplir. J’étais encore à la base quand Clara m’a appelé pour me demander si je pouvais aller te chercher. Inutile de te dire que j’ai été surpris quand elle m’a indiqué l’Université d’O’ahu.

Quand ils entrèrent dans la maison, Clara vint les embrasser chacun leur tour. Comme elle l’avait tant fait dans une autre vie. Steve et Danny eurent le sentiment d’avoir 10 ans à nouveau.

— J’ai fait du café et j’ai été chercher des Malasadas, sourit la blonde.

Danny lui jeta un regard qui signifiait “Merci, mais ça ne te sauvera pas”. Pendant que Steve, en deux enjambés, était déjà en train de piocher dans le plat. Les deux Williams ne purent retenir un sourire en voyant le Seal, les joues gonflées et du sucre glace tout autour de la bouche.

— Mais t’as quel âge ? On t’a lavé le cerveau à l’armée ? Tu ne sais plus manger ? se moqua gentiment Danny.

— La Navy, râla Steve, la bouche pleine.

Clara, restée un peu en retrait, regardait la scène avec des yeux brillants. Ses deux garçons étaient là, dans la cuisine, en train de se chamailler. Jamais elle n’aurait cru revoir ça. Son coeur se gonfla d’espoir. Elle finit par se joindre à eux, les réprimandants avec joie. Ils furent interrompu par la sonnerie du téléphone de Steve.

— McGarrett, s’exclama ce dernier, en décrochant.

Son visage changea en une fraction de seconde et le jeune homme rieur laissa place au Commandant. L’ambiance légère et joviale fut engloutie par une atmosphère chargée d’électricité.

— Honki desu ka ?

Danny et Clara le fixèrent étonnés.

— À qui parle-t-il ?

— Comment tu veux que je le sache, Daniel ?

— Je m’interrogeais à voix haute, répondit-il en roulant des yeux. Je pense que c’est du Japonais.

Steve parlait en faisant les cent pas à travers le salon. En revenant vers eux, il fut surpris de les voir debout à l’entrée de la cuisine en train de l’observer. Il leva un sourcil et pour faire bonne figure, les deux compères revêtirent leurs mines de coupables repentis.

— Du papier, s’il vous plaît, demanda-t-il aux curieux.

Il se mit à écrire tellement vite que les deux autres n’arrivaient pas à suivre. Quand Steve enleva sa main de la feuille, ils ne virent que des symboles. La blonde regarda son fils espérant que ce dernier ait des réponses.

— Tu crois que je sais lire ça, moi ? chuchota-t-il.

— Ce sont des Kanjis, souffla Steve, qui ne les trouvait pas si discrets.

 

— Doko ?

— Shōsai o okutte kudasai. Arigatō gozaimasu !

La mère et le fils allaient pour interroger le soldat, quand se dernier sortit un autre téléphone d’une de ses trop nombreuses poches. Il leva son index, indiquant aux deux autres de se taire.

— C’est moi ! Je vais finalement prendre ces congés que tu m’as proposé. Oui bien sûr. Ça ne te dérange pas de surveiller la maison pendant mon absence ? J’ai pas eu le temps d’installer le système de sécurité. Merci, dit-il avec une gratitude non feinte. Est-ce que tu pourrais passer…

L’esprit de Danny se ferma. Il n’écouta pas la fin de la conversation. Il n’avait pas besoin de plus de détails pour flairer le danger. Un mystérieux interlocuteur au Japon, un appel étrange à Joe. Il mettrait sa main à couper qu’ils parlaient en langage codé.

— Tu repars, s’exclama-t-il, la gorge serrée et les yeux perdus dans le vide.

Notes:

Je n'ose pas vous demander ce que vous pensez de cette suite... XD
Suis-je sadique ? Oui, clairement ;)

Chapter 12: Chapitre 12

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Chapitre 12

 

— Tu repars, répéta-t-il plus fort, les yeux maintenant rivés sur Steve.

N’attendant pas de réponse, Danny se leva brusquement, faisant tomber sa chaise. Ses lèvres étaient pincées, formant une ligne mince et tout son corps transpirait la colère. Ses poings étaient serrés le long de son corps.

— Danny, soupira Steve.

Mais ce dernier n’était pas prêt à l’entendre. Il leva la main, coupant court à toute discussion et sortit de la maison en trombe.

Ça faisait bien 5 minutes que Steve le voyait arpenter le jardin comme un lion en cage. Il ne pouvait pas le laisser comme ça, il devait essayer de lui parler. Peu importe qu’il comprenne ou non, mais il ne referait pas la même erreur. Il manquait cruellement de temps et même s’il savait que rien de ce qu’il pourrait dire ne saurait apaiser sa colère, il se devait d’essayer. Il refusait de partir sur des non-dits.

— Alors c’est vrai, tu vas partir ? demanda Clara, d’une voix légèrement tremblante.

Tout à ses délibérations concernant Danny, il avait oublié où il était. Ses yeux quittèrent la fenêtre pour se poser sur sa…sur Clara. Il s’en voulait de lui faire revivre ça. Il repensa à Matty et fut tenté de lui demander une explication, mais le moment était mal choisi.

— Je dois le faire, répondit-il simplement.
— Je sais. Vas-tu dire au revoir aux filles et à Eddie ? l’interrogea-t-elle sans jugement, mais Steve entendait la supplique non formulée.
— Je dois rentrer pour prendre mes affaires, je repasserai après, la rassura-t-il, avant de se pencher vers elle et de déposer un baiser sur sa joue.

 

Quand Joe arriva chez Steve, ce dernier avait déjà bouclé son paquetage. Il avait réservé sa place sur un avion-cargo qui décollait d’Hickam à 23 heure 00.

— Kaïto a retrouvé sa trace à Osaka, il y a trois jours.
— Pourquoi il ne t’appelle que maintenant ? demanda Joe, surpris.
— Il attendait d’en savoir plus. Ils ont pu remonter sa piste jusqu’à Honolulu. Il serait parti à bord d’un chalutier japonais. Il a débarqué à Yokohama et s’est dirigé directement vers Osaka. De là, il a prit un vol pour l’Europe, sous une fausse identité, résuma-t-il.

— En Europe ? Je croyais qu’il n’était plus le bienvenu en Ireland, que l’IRA ne voulait plus en entendre parler, lui rappela Joe, perplexe.
— Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais quelque choses a changé, indéniablement, confirma Steve, qui était arrivé aux mêmes conclusions. Kaïto se chargera des contacts de Hesse au Japon, j’aimerais que tu…
— On va s’occuper de ses complices sur l’Archipel, confirma le plus vieux, devançant Steve.

 

Il était 20 h quand ils arrivèrent chez les Williams. Steve ne savait pas vraiment à quoi s’attendre et c’est avec une certaine appréhension qu’il frappa à la porte. C’est Clara qui vint lui ouvrir. Ils se regardèrent quelques secondes avant qu’elle ne referme derrière eux.

C’est un calme étrange qui les accueillit. Les deux filles étaient assises l’une à côté de l’autre sur le canapé et le fixaient sans dire un mot. Eddie avait pris place dans le fauteuil qui faisait face à la porte et comme ses deux filles, il le fixait en silence.

Le regard de Steve naviguait d’une personne à l’autre. Il était doué pour évaluer une situation ou cerner les gens, mais pour la première fois depuis longtemps, il était incapable de déchiffrer leurs expressions. Il percevait tout de même de la colère et de l’inquiétude.
Personne ne semblait vouloir mettre fin à cet échange de regards et au silence gênant qui emplissait l’espace. Steve estimait avoir perdu assez de temps et se résigna à y mettre un terme.

— Je suis désolé ! J’ai conscience d’être réapparu dans votre vie aussi soudainement que je l’ai quittée il y a presque 15 ans, continua-t-il sans laisser à quiconque l’opportunité d’intervenir, et me voilà déjà sur le départ. Vous êtes en droit de m’en vouloir, mais peu importe à quel point je souhaite rester et à quel point je suis désolé pour…tout, je dois le faire. Pour mon père, mais aussi parce que c’est mon travail. C’est ce que je suis…

Clara le coupa en saisissant son visage en coupe.

— Steve, regarde-moi, lui demanda-t-elle gentiment, mais fermement, tu es notre fils, tu comprends ? Tu pourrais bien partir 30 ans que ça n’y changerait rien. Je t’aime, mon chéri, déclara-t-elle en le serrant dans ses bras.

Sa vue se troubla légèrement alors que ses yeux le piquaient. Il se ressaisit en enveloppant le corps frêle contre le sien.

— Je t’aime aussi, maman, lui murmura-t-il à l’oreille et il sentit les larmes de Clara mouiller son cou, mais cette dernière se reprit. Elle aurait tout le temps de laisser libre cours à son chagrin et à sa peur quand son fils serait parti.

Une main un peu rugueuse se posa sur celle de Steve, lui faisant relever la tête et son regard rencontra les yeux d’Eddie, aussi rougis que les siens. Le patriarche se rapprocha, se mêlant ainsi à l’étreinte.

— On comprend, mon grand. Tu fais ce que tu as à faire et on en attend pas moins de toi. On ne pourrait pas être plus fier. Promet-nous juste de faire attention à toi, lui demanda-t-il la voix tremblante.

Ils restèrent quelques minutes dans cette bulle qui était la leur, coupés du reste du monde et de cette réalité qui les rattraperait bien trop vite. Steve n’était pas habitué à dire au revoir. Plus depuis qu’il avait était arraché à son île. Une partie, non négligeable de lui, voulait rester ici et mener une vie plus “classique”, mais l’autre partie, la plus importante, ne pouvait et ne voulait pas. C’était inscrit dans son ADN.

Le temps lui manquait est il ne partirait pas sans avoir vu Danny.

Il mit fin à l’étreinte et se tourna vers Stella et Bridget qui n’avaient pas bougé du canapé, mais dont les yeux embués ne le quittaient pas. Il leur fit un sourire contrit et un signe de tête comme une promesse silencieuse qu’elles auraient droit à leur câlin avant son départ. Alors qu’il se dirigeait vers le jardin extérieur, il pouvait sentir les regards peser sur son dos.

Assis tranquillement sur une chaise longue, les coudes posés sur ses genoux, rien ne trahissait le calme apparent de Danny, hormis les petits mouvements répétés qui animaient ses jambes. Steve s’approcha doucement et se planta devant lui.

Il attendit patiemment que Danny relève la tête et le regarde.

— Ça y est, t’es sur le départ ? demanda le blond, bon voyage ! ajouta-t-il avec sarcasme.

Son ton neutre ne cachait rien de sa rancoeur et Steve compris qu’ils allaient se disputer en guise d’au revoir.

— Vas-y Danny, dis ce que tu as à dire. Crache le morceau !
— Je n’ais rien à te dire, déclara-t-il d’un air suffisant.
— Oh ! Alors maintenant tu mens, se moqua Steve.
— Moi ? Nan, ça c’est ta spécialité, renifla-t-il. Comment j’ai pu être aussi con ? Bien sûr que tu repartirais, tu ne sais faire que ça. Je suis plutôt surpris que tu prennes le temps de prévenir cette fois-ci, débita le blond, sans même reprendre son souffle.

Il s’était levé pour faire face à Steve. Ses paroles étaient emplies d’aigreur. Son corps était agité par une colère bien trop grande pour lui. Steve allait riposter, quand l’autre reparti dans son monologue.

— Tu reviens, tu nous fais croire que tu es désolé et nous on tombe dans le panneau, persifla-t-il. Tu reprends ta place et on pense que tu vas rester. C’est au moment où on baisse sa garde que tu décides de t’enfuir. J’ai au moins la satisfaction de ne pas mettre fait baiser deux fo…

Il n’eut pas le temps de finir qu’en une enjambée, Steve avait envahi son espace. Le toisant de toute sa hauteur. Le Seal reflétait cette colère qui le rongeait. Auraient-ils dû arrêter là, avant de se faire du mal ? Peut-être, mais peut-être pas. Ils avaient rarement eu besoin d’en arriver à se balancer des horreurs pour communiquer, mais la situation était bien différente ; tout comme eux.

— Tu veux jouer à ça ? Mais de qui te moques-tu ? N’est-ce pas ce que tu voulais, que je te baise ? Je t’ai juste donné ce que tu voulais avant de partir, gronda Steve.
— Espèce d’enfoiré ! Que tu n’en ai rien à foutre de moi, c’est une chose, mais t’aurais au moins pu dire au revoir à mes parents. Mais non, monsieur avait mieux à faire. Pas une putain de lettre durant toutes ces années. T’étais tranquille. T’allais pas te faire chier avec nous. Quand je pense à Mary…
— Fais attention Danny, le prévint Steve d’une voix sombre, je peux passer sur tes conneries, mais fais bien attention à tes prochaines paroles.

Danny resta comme paralysé face au regard menaçant qui le clouait sur place. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il allait dire. Il se connaissait suffisamment pour savoir qu’il aurait fini par franchir un point de non-retour.

— Je sais que tu me détestes, reprit Steve, mais tu ne pourras jamais m’en vouloir autant que je m’en veux. Tu as tous les droits de ne pas vouloir de moi dans ta vie et je ne ferais rien contre. Mais t’es un putain de gamin pourri gâté ! Quand je t’écoute remettre en question absolument tout ce qu’il y a pu avoir entre nous. Toutes ces années d’amitié…t’es un privilégier, Danny, t’en as conscience ? Tes caprices à la con. Ta façon de réagir dès que quelque chose ne va pas dans ton sens. T’as une fâcheuse tendance à modifier les souvenirs comme ça t’arrange, les mots venaient sans qu’il ne puisse les arrêter. T’oses me dire que j’étais tranquille ?! dit-il incrédule. Tu n’as la moindre putain d’idée de ce dont tu parles. J’ai bien compris que tu n’avais aucun respect pour moi n’y pour ce que je fais, mais c’est grâce à des types qui sacrifient leur vie pour assurer ta sécurité, que tu peux faire toute une montagne de petit rien, sans te soucier de choses beaucoup plus grave, termina Steve légèrement essoufflé.

Il n’avait pas parlé autant depuis bien longtemps. Ses mains tremblaient de colère et il serra les poings pour se calmer. Où était passé son foutu contrôle ?

Danny le fixait, surpris. Il avait rarement vu Steve en colère, mais jamais cette colère n’avait été dirigée contre lui. Pourtant, il savait à cet instant qu’il l’avait cherché. Il avait besoin de ce sentiment, d’être submergé par lui pour ne pas faire face aux autres. Il était peut-être temps d’arrêter de se cacher derrière cette rancune. Steve allait partir et la possibilité de ne jamais le revoir fit céder ses barrières. Une larme roula silencieusement sur sa joue.

— Je suis désolé, dit-il le coeur au bord des lèvres, la voix tremblante.
— Moi aussi, souffla Steve, après quelques secondes.

S’asseyant sur une chaise, il expira bruyamment, se sentant las. Il n’avait pas imaginé rompre la glace de cette façon et encore juste avant son départ, mais on choisit rarement comment se déroulent les évènements. Il y a bien longtemps qu’il avait appris cette leçon : la vie ne fait que ce qu’elle veut.

— Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire, mais ce n’est pas le bon moment, avoua-t-il incertain, craignant que Danny reparte au quart de tour.

C’était la dernière chose qu’il souhaitait, partir sur une dispute. S’il ne revenait pas, ce serait le dernier souvenir que Danny aurait de lui et ça le terrifiait.

— Si j’avais été moins lâche, on aurait eu cette conversation bien avant, avoua à son tour Danny, en se rasseyant.
— Si j’avais été moins lâche, commença Steve, en reprenant ses mots, nous n’aurions jamais eu besoin d’avoir cette conversation. Je tiens à éclaircir un point avant de partir, continua-t-il tant qu’il en avait le courage. Ce soir là…rien de ce qui s’est passé n’était prémédité. Je suis venu te voir parce que j’étais perdu et que tu étais la seule personne dont j’avais besoin. Je t’ai regardé dormir toute la nuit en me demandant comment allait être ma vie loin d’Hawaii et…de toi, murmura-t-il, Quand le jour s’est levé signifiant qu’il était temps que je parte, t’avais l’air si heureux que je n’ai pas eu le courage de te réveiller. Je ne savais pas comment … non. J’étais incapable de te dire au revoir. Ça rendait mon cauchemar trop réel. Je ne voyais pas l’utilité d’être deux à souffrir. J’étais noyé par tellement de sentiments, que je n’ai pas pensé une seule seconde à ce que tu allais ressentir en te réveillant, expliqua-t-il, mal à l’aise.

Ce n’était pas dans son tempérament de parler de ce genre de choses. Étaler ses sentiments sans filtre.

Danny ne savait quoi répondre. Il y avait encore tant de choses à dire. Son coeur se serra à l’idée qu’ils n’auraient peut-être jamais l’occasion de finir ce qu’ils venaient de commencer. La seule pensée qu’il puisse ne jamais revoir Steve lui donna envie de se rouler en boule et de pleurer.

— Je n’ai pensé qu’à moi, débuta Danny, se sentant obligé de le dire tant qu’il le pouvait, je t’en ai tellement voulu. Il était plus facile de te détester que de m’inquiéter pour toi. Je ne pouvais pas penser à toi, t’imaginer seul là-bas ou sur un champ de bataille. L’hypothèse même que tu pourrais déjà être mort et que je ne le saurai jamais…

Danny essaya d’inspirer pour se calmer, mais sa respiration était laborieuse. Il se racla la gorge pour se débarrasser du noeud qui s’était formé et se frotta les yeux, mais c’était trop tard. Les larmes se mirent à couler de plus en plus vite.
Steve n’hésita qu’une seconde avant de s’approcher. Il fit lever Danny et l’enveloppa de ses bras.

Ils se retrouvèrent englouties par un flot d’émotions qui les submergea. Ils s’imprégnèrent de l’odeur de l’autre, de sa chaleur. C’était comme pouvoir de nouveau respirer. Comme retrouver le chemin de la maison après s’être perdu. Un long frisson les fit tressaillir et Steve resserra inconsciemment son étreinte. Le bonheur se mêla au doute et à la peur. Leurs coeurs battant la chamade, se faisaient l’écho de l’autre.

— Je te promets de faire mon possible pour revenir m’engueuler avec toi, murmura Steve avec humour, cachant son appréhension.
— T’as intérêt, souffla Danny, la tête enfouie dans son torse.

Le coeur serré et la gorge nouée, ils finirent par se séparer. Il était temps pour le Navy Seal de lever le camp. Il vérifia sa montre et grimaça.

— Il est l’heure. Je ne te promets pas de t’appeler, mais j’essaierai.

Sur ces derniers mots, il tourna les talons et repartit à l’intérieur. Comme il l’avait promis, il enlaça les deux soeurs, chacune sous un bras.

— Tout ira bien. On se revoit bientôt, promit-il en leur déposant un baiser sur la tête.

Après un long délibéré, Danny avait fini par le suivre à l’intérieur pour lui prouver qu’il était là, qu’il l’attendrait.

— Une dernière chose, déclara Steve, j’ai demandé à Joe de rester pour veiller sur vous, et alors qu’il vit Danny prêt à intervenir, tu n’es pas suffisamment informé ni suffisamment entraîné pour faire face à ce genre de menace, lui signifia-t-il. Et je n’argumenterai pas sur ce point, dit-il plus sévère. Vous n’êtes pas en danger, c’est plus pour ma tranquillité d’esprit. Si Joe vous dit de faire quelque chose, peu importe ce que c’est, vous ne posez pas de questions et vous le faites, insista-t-il en les fixant tour à tour, s’attardant plus que nécessaire sur Danny.

Il jeta son baluchon sur son épaule, fit une accolade à son ancien commandant et, la main sur la poignet de la porte, se retourna une dernière fois. Gravant ainsi, l’image de sa famille. Il eut une pensée pour ses frères d’armes qui devaient dire au revoir à leurs proches avant chaque départ. Pour la première fois, il se retrouvait à leur place et mon dieu que c’était difficile.

Il espérait juste avoir la chance de les revoir un jour.

Le trajet jusqu’à la base lui permit de faire le vide. Dans quelques minutes, il n’y aurait plus de famille, de Danny ou de sentiments, il ne resterait que lui et sa mission. Pour le bien de tous, il était temps de laisser tout ça derrière lui et de redevenir le Commandant McGarrett.

Notes:

Merci de continuer à me suivre.
Et n'hésitez pas à partager votre avis.
À la semaine prochaine !

Chapter 13: Chapitre 13

Notes:

J'espère que vous avez passé une bonne semaine :)

Ce chapitre est exceptionnellement plus long, suite à une promesse faite à une de mes lectrices, alors profitez-en ;)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

 

 

Chapitre 13

 

Cette routine, autrefois confortable, lui était devenue insupportable. Danny se levait à 7 h, tel un automate. Prenait son petit déjeuner et partait pour l’université. Les heures de cours se suivaient et se ressemblaient. Rien ne réussissait à capter réellement son attention.

Il se surprenait à ronger ses ongles quand un élève le sortait de sa rêverie. Plusieurs de ses collègues lui avait fait la réflexion.

— T’as l’air ailleurs depuis plusieurs jours !
— On a l’impression que tu ne nous écoutes pas, quand on te parle !
— T’as fini la cafetière et t’as encore oublier de refaire du café !

Ça n’arrêtait pas, pourtant il n’en faisait que peu de cas. Il acquiesçait et s’excusait, mais le lendemain rien n’avait changé.

— Je suis désolé, je dors mal en ce moment, avait-il pris l’habitude de répondre.

Ce qui, en soi, n’était pas vraiment un mensonge. Ça faisait deux semaines que Steve était parti et depuis, silence radio. Pas un appel ni même un message. Certes, il n’avait fait aucune promesse, mais Danny avait espéré. Cette attente allait le rendre fou.

Les nuits, seul dans son minuscule appartement, étaient devenues un cauchemar. Il avait l’impression d’étouffer. Les pires scénarios se jouaient inlassablement dans sa tête. À la fin de la première semaine, ses yeux avaient simplement refusé de se fermer. Il tenait grâce aux litres de café qu’il ingurgitait et aux quelques heures de sommeil qu’il glanait, ça et là, quand il sombrait d’épuisement. Pour finir par se réveiller le coeur battant et le souffle court. Une peur irrationnelle que son sommeil pourrait, d’une façon ou d’une autre, influer sur le cours des évènements.

Le week-end arriva, bien trop vite, et n’ayant pas Grace — sa seule bouffée d’oxygène — il lui fallait trouver quelque chose à faire. N’importe quoi pourvu qu’il sorte de cet appartement. Il envisagea un moment de rendre visite à ses parents, mais se ravisa. Il n’osait imaginer ce qu’ils penseraient en le voyant dans cet état. Et puis, il devait bien admettre qu’il n’avait envie de voir personne. Pas envie de faire le moindre effort pour donner le change.

Il eut une pensée pour la maison de John, sa plage privée et son jardin qui enfermaient tant de ses souvenirs. Il n’avait pas remis les pieds là-bas depuis la mort de ce dernier et il avait un peu peur d’y retourner, mais il ne doutait pas que Steve avait dû effacer toute trace de… il avait dû nettoyer.

La propriété lui avait toujours donné le sentiment d’être coupé du monde et cette perspective lui paraissait alléchante. Il espérait secrètement se sentir aussi plus proche de Steve, entouré d’objets qui portaient la mémoire de leurs jeux d’enfant ; de leurs années d’insouciance. Il refusait que cet endroit ne se résume qu’aux drames qui les avaient frappé.

Fort de cette nouvelle résolution qui lui donnait un but, il se prépara rapidement et claqua la porte derrière lui, sans demander son reste.

Ce qui avait semblé être une bonne idée de prime à bord, ne l’était peut-être pas, après réflexion. Il avait pensé que venir ici, lui ferait du bien, mais…et si c’était l’inverse ? Et puis, que penserait Steve, s’il le découvrait ?
Ça faisait 5 bonnes minutes qu’il était assis dans sa voiture, à peser le pour et le contre en fixant la maison devant lui.

— C’est stupide ! souffla-t-il exaspéré.

Il fit le tour de la maison et chercha, en vain, la clé de secours sous les jardinières. Steve avait dû l’enlever.

— Saleté de G.I Joe parano ! râla-t-il, avant de se raviser, et c’est qui l’abruti qui est planté devant la porte de derrière et qui essai de rentrer chez lui, s’agaça-t-il. Brillant, Williams, vraiment ! C’est un hasard, il ne peut pas l’avoir deviné, s’exclama-t-il. Je ne suis pas aussi prévisible…est-ce que je le suis ?

Exaspéré de parler tout seul et espérant ne pas être venu pour rien, il s’avança vers la porte et par acquis de conscience, tenta sa chance. Cette dernière s’ouvrit sans opposer de résistance.

Il n’y avait aucune chance que Steve soit parti en laissant ouvert.

Danny aurait tout donné pour avoir son arme de service à ce moment-là. C’est peut-être bien la première fois qu’il regrettait vraiment son choix de reconversion.

En toute conscience, il ne pouvait plus partir maintenant, pas sans avoir vérifié. C’est avec une certaine appréhension qu’il pénétra à l’intérieur. Essayant d’être le plus silencieux possible, il progressa dans la cuisine et hésita quelques secondes, face au plan de travail. Il avisa à deux reprises le porte couteaux. Il aurait préféré quelque chose de moins mortelle, comme une batte de baseball. Il savait qu’il y en avait une quelques part dans la maison, mais où ?

Par prudence, il prit tout de même l’un des couteaux. Se sentant un peu plus rassuré avec l’objet en main. Tout en restant caché par la cloison de la cuisine, il se pencha avec précaution pour vérifier le salon. Aucune trace d’une quelconque présence. Rien ne semblait avoir était déplacé.

Il fit toutes les pièces du Rez-de-chaussée, une par une, avant de monter à l’étage. Commençant par la première chambre, celle de John. En ouvrant la porte, il fut surpris. Le lit n’était plus à sa place. Les meubles avaient été remplacés et les affaires qui trônaient dans la pièce ainsi que dans la salle de bain attenante, n’étaient clairement pas les siennes.

Il passa ensuite par la chambre de Mary pour finir par la porte au bout du couloir. Il hésita un instant avant de tourner la poignet. Il ne savait pas à quoi s’attendre, mais quand finalement il poussa le battant, il fut assailli par un sentiment de nostalgie. L’ancienne chambre de Steve semblait figée dans le temps. Tel un sanctuaire, seul les caisses déposées sur le planché, trahissait la profanation du lieu.
Les étagères étaient pleines des trophées poussiéreux de Steve. Les murs étaient tapissés de ses photos. Même ses vieux posters étaient intacts.

L’énigme de la porte arrière laissée ouverte, fut bien vite oubliée. Danny posa le couteau sur le bureau et son regard s’accrocha aux clichés qui le narguaient. En y regardant de plus près, il put distinguer des photos plus récentes. L’une d’elle représentait Steve, lors de sa remise de diplôme à l’académie. Si cette vision fit naitre un sourire sur les lèvres de Danny, celle d’à côté lui noua la gorge. Steve, torse nu, une cigarette à la bouche, souriait à l’objectif. Il était méconnaissable. La moitié de son visage était mangé par une grosse barbe et l’autre moitié dissimulée par des lunettes de soleil. Ils étaient plusieurs, assis autour d’une table de fortune, sous une tente ouverte, et semblaient en pleine partie de cartes. On pouvait distinguer, en arrière plan, d’autres tentes, des véhicules, des gens traversant le terrain et un petit groupe de soldats jouant au football.

L’image lui fit l’effet d’une affiche de propagande pour la guerre en Afghanistan. Danny n’était pas dupe et leurs sourires ne cachaient rien de leurs yeux éteints. Des yeux qui avaient vu trop d’horreurs.

Il ne pouvait empêcher son regard de naviguer à travers la pièce et la nostalgie de l’envahir un peu plus à chaque seconde. Se sentant soudain las, il se laissa choir sur le lit. Alors qu’il tentait de faire le vide dans ses pensées, il crut entendre Steve l’appeler. Il pouvait même le voir, appuyé contre le chambranle de la porte, un sourire goguenard soulevant ses pommettes.

 

— Danno ?
— Quoi ? râla le petit blond en levant la tête de son livre, quand un flash l’aveugla. Steve, non ! cria-t-il en protégeant ses yeux.

Mary et Stella étaient rentrées de l’école avec des poux et par prudence leurs mères avaient décidé d’éradiquer la menace avant qu’ils ne prolifèrent. Alors que Steve avait choisi de se faire raser la tête, Danny avait catégoriquement refusé. Il se retrouvait la tignasse poisseuse, imbibée d’un remède naturel et recouverte d’un collant de Clara.

— Ça te va tellement bien, ce s’rait con de ne pas garder un souvenir, t’es pas d’accord ?
— Steve, donne-moi ce Polaroïd !
— Nan, sourit le brun.
— McGarrett ! Ne m’oblige pas à venir le chercher, menaça-t-il.
— J’aimerais voir ça, rigola Steve, tu comptes demander de l’aide à Mar ?

 

Danny pouvait encore entendre le rire de Steve et le bruit de leurs pas dévalant les escaliers. Il le revoyait assis sur le rebord de la fenêtre, sa guitare sur les genoux, grattant pensivement les cordes. Comme une mémoire résiduelle, prisonnière de ces quatre murs, il visualisait les deux petits garçons, couchés face à face dans un lit d’enfant. L’un en pyjamas Scooby-Doo tandis que l’autre arborait un ensemble à l’effigie de Denver, le dernier Dinosaure. Alors qu’ils pouvaient entendre leurs parents parler et rire à l’étage inférieur, ils sombraient paisiblement dans le sommeil. Bercés par la mélodie que jouait la veilleuse, tout en projetant des formes lumineuses sur les murs et le plafond.

Steve avait commencé à suçoter son majeur et son annulaire, signe qu’il n’allait pas tarder à partir au pays des songes, et Danny caressait le bout de son nez avec son doudou.

— T’es mon meilleur ami, avait soufflé le petit blond, en regardant son vis à vis, de ses yeux à demi-clos.
— On rest’ra toujours ensemble, avait confirmé le jeune McGarrett, d’une voix ensommeillée.

Et c’est sur cette promesse qu’ils s’étaient endormis.

 

Ce souvenir, plus que n’importe quel autre, serra le coeur de Danny. Faisant naitre un sourire attendri face au jeune, Steve. Déjà à l’époque, il ne pouvait lui résister et le temps n’avait rien fait contre ça.

Désireux de mettre en sourdine ses vieilles rengaines, Danny commença à fouiller les caisses qui jonchaient le sol. Elles étaient remplies de souvenirs : des masques africains, des poupées russes richement décorées. Une grande tenture représentant un paysage japonais où se dressait fièrement une maison traditionnelle, au milieu d’un luxurieux jardin arboré de cerisiers en fleurs ainsi que des écritures que Danny était incapable de déchiffrer.

Avec une certaine déférence, il ouvrit de petites boîtes qu’il savait contenir des médailles. Ses doigts caressèrent doucement le métal froid, avant de les remettre à leur place. Dans la dernière caisse, il trouva des photos et des papiers. Alors qu’il s’apprêtait à dérouler les clichés, son regard fut happé par des piles de lettres. Chaque paquet était attaché par un élastique.

L’un contenait des enveloppes portant le nom de Steve ainsi que l’adresse de l’académie. En les retournant, il vit qu’elles venaient de John et que certaines n’avaient jamais été ouvertes. Dans un autre paquet, les lettres lui étaient adressées. Finalement, il jeta son dévolu sur une enveloppe qui avait été laissée à l’écart des autres.

Steve s’excusait et lui expliquait, en partie, le pourquoi de ses choix. Danny n’en était qu’au début, mais il comprit rapidement que c’était une lettre d’adieux.

 

“Cette lettre, comme toutes celles que j’ai pu t’écrire auparavant, ne te sera jamais envoyée. Si tu lis ces mots, c’est que je ne suis plus là pour te dire à quel point je suis désolé.”

 

Il n’eut pas le temps d’en lire plus. Un raclement de gorge le fit sursauter et il posa une main sur son coeur en voyant Joe sur le pas de la porte.

— Je peux savoir ce que tu fais ici, mon garçon ?
— Et vous, rétorqua Danny, piqué au vif d’être pris en flagrant délit.
— Steve m’a demandé de surveiller la maison. Et toi ?

Devant le regard de Joe, Danny soupira de défaite.

— Écoutez, je ne voulais pas rester chez moi et venir passer l’après-midi ici, m’a semblé être une bonne idée, souffla-t-il.

Face au comportement de l’intrus, Joe se détendit et vint s’asseoir sur le lit.

— Steve va bien.
— Vous avez des nouvelles ? rétorqua Danny, avec espoir.
— Non, mais je le sais.
— Grâce à votre boule de cristal ? ironisa-t-il agacé.
— Je le connais, je l’ai formé, lui rappela Joe, et j’ai confiance en lui. Si je devais confier ma vie à quelqu’un…hé bien, il m’a déjà sorti de situations bien merdiques, rigola-t-il.

Ils parlèrent plusieurs minutes. Danny aurait aimé poser plus de questions, mais il savait qu’elles resteraient sans réponse, alors il se contenta de prendre ce qu’on lui donnait. Il buvait les paroles de Joe. Des anecdotes sur les premiers mois de Steve à l’académie, sur ses débuts à Coronado. Son coeur se gonflait de fierté. Il se surpris à rire de bon coeur à certains passages, allégeant l’angoisse qui lui nouait la gorge.

Une bonne heure s’était écoulée, quand Danny se décida à rejoindre le Rez-de-chaussée pour aller profiter de la plage. Il s’apprêtait à quitter la pièce quand la voix de Joe l’arrêta.

— Par contre, ça, dit-il en désignant le paquet de lettres, ça reste ici ! s’exclama Joe, l’air amusé.

Danny le regarda d’un air innocent, jeta un oeil à sa main, avant de retourner son attention sur lui.

— Ça ? Ce sont des papiers à moi.

Joe se contenta d’expirer, l’air ennuyé et Danny capitula. Il revint sur ses pieds, remit les lettres dans la caisse et la referma.

— Content ?! s’exclama-t-il avec sarcasme avant de tourner les talons.

L’après-midi avait été chaude et ensoleillée, comme la plupart du temps à Hawaii. Le calme avait fait son office et Danny était rentré chez lui le coeur apaisé, mais des questions plein la tête.

Les jours suivants, il s’accrocha aussi fort qu’il le pouvait, aux mots de Joe. Steve allait bien. Il rentrerait bientôt et il aurait l’occasion de lui dire ce qu’il ressentait. Il devait y croire. Le week-end d’après passa bien trop vite, comme à chaque fois qu’il avait Grace. Leur temps père-fille fut peuplé de jeux et de rires. Ils firent de la pâtisserie, commandèrent une pizza et mangèrent des cochonneries devant des dessins-animés.

C’est le coeur lourd qu’il la ramena chez Rachel le dimanche soir. De nouveau seul dans son appartement, l’inquiétude ne tarda pas à pointer le bout de son nez. Il avait beau se les répéter comme un mantra, les mots du commandant White commençaient à s’estomper. Plus les jours passaient et moins ils avaient de poids sur ses angoisses. Les secondes s’égrainaient comme des heures. Il avait l’impression d’attendre depuis une éternité.

Et s’il ne le revoyait jamais ? Il aurait dû lui dire qu’il l’aimait ; que ça ne signifiait pas que tout était réglé, mais que malgré tout…il l’aimait encore. Qu’il l’avait toujours aimé. Il ne pouvait se sortir de la tête, la vision de ses lèvres. Il les avait fixées avec envie pendant que Steve lui parlait. Il aurait dû l’embrasser. Si ç’avait été sa dernière chance de le faire ?

Il avait envie de s’arracher les cheveux, de se taper la tête contre un mur pour arrêter de penser.

 

Danny fut réveillé par la sonnerie de son téléphone. Il se leva en sursaut, le coeur battant à tout rompre. Même l’esprit enveloppé par les brumes du sommeil, il sentit son corps s’animer sous l’effet de l’adrénaline, induite par la peur.

— Steve ! appela-t-il avec appréhension en prenant l’appel.
— C’est Joe. Prépare-toi, je serai en bas dans 5 minutes, le prévint-il avant de raccrocher.

Quand il monta dans le pick-up, il fut accueilli par un gobelet de café. Il l’accepta avec un sourire, plus un rictus, et en prit une gorgée avant de prendre la parole.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il derechef.
— Nous avons eu des nouvelles de Steve, l’informa Joe, sans attendre et Danny lui en était reconnaissant. Il a toutes les informations dont il avait besoin. L’opération est pour cette nuit, j’ai pensé que tu voudrais voir ça, expliqua-t-il avec un sourire confiant.

Le reste du trajet se fit en silence. Danny ne savait pas quoi en penser. Dire qu’il était soulagé était un euphémisme, mais rien n’était encore gagné. Un scénario des plus macabres prit forme dans son esprit, qu’il chassa immédiatement. Il ne pouvait pas se laisser aller en présence de Joe, encore moins avoir une crise d’angoisse entouré de militaires.

 

La base était un vrai labyrinthe. Ils parcouraient rapidement le dédale de couloirs. La différence de taille obligeant Danny à presque courir derrière Joe. Passant une multitude de portes sécurisées et gardées par des soldats armés. Il mentirait en disant qu’il était à l’aise, mais il fit bonne figure.

Leur course effrénée, surtout pour Danny, prit fin quand ils entrèrent dans une pièce assez sombre, aménagée en descente, comme un petit amphithéâtre. Chaque pallié était représenté par une rangée d’ordinateur. Danny étudia les tables remplies de boutons. Il avait l’impression d’être dans un film.

Le mur devant lui était tapissé d’écrans tandis que celui derrière lui était habillé de vitres qui laissaient voir d’autres opérateurs.

— Grâce aux renseignements recueilli au cours de son infiltration, le commandant McGarrett a pu localiser la cible, Victor Hesse. Il se cachait chez un de ses contacts, en Irlande du Nord, un dénommé Richard O’Neil, un membre de l’IRA véritable, commença à énoncer l’officier de liaison, l’unité a établi un contact visuel à 21 h 00. Ils ont passé le périmètre de sécurité et nettoyé la zone.

Au son de la voix, Danny reporta son attention sur le seul autre homme debout. Il suivit son regard et fut surpris de voir que les écrans, encore noirs il y a quelques secondes, diffusaient des images filmées en direct avec une caméra à vision nocturne. Il distinguait un groupe d’homme en espèce de treillis, différent de celui que portait Steve, la dernière fois. Tout était trop sombre et trop rapide pour qu’il en saisir davantage.

— Ils se mettent en place pour investir le QG et éliminer la cible.

Alors que ses yeux ne lâchaient pas les écrans, il se concentra sur les commentaires de l’homme.

Il y eu des grésillements et la transmission changea. Danny reconnu la voix de Steve qui prit toute la place dans l’espace restreint de la salle de commandement.

— Unité Alpha, en avant, ordonna-t-il, les autres avec moi.

La formation se mit à bouger. Sans échanger le moindre mot, les mouvements étaient synchronisés. Danny avait l’impression qu’ils étaient tous liés par la pensée. L’un bougeait, les autres aussi. Chacun savait où il devait se placer et quoi faire en fonction des déplacements des autres.

— Tireur à 10h !

Il sursauta légèrement au premier tire.

— Tireur neutralisé !

Ils avançaient rapidement. Les images étaient brouillées par des sortes d’étincelles émises par les tires croisés. Si les suivre avait été difficile au début, ça lui semblait impossible maintenant. Malgré tout, il était happé par les images, comme hypnotisés par le ballet qui se jouait devant lui.

— Steve est celui à la tête de la formation de gauche, lui indiqua Joe en se penchant vers lui.

Et Danny replongea dans sa contemplation avec une nouvelle détermination : ne pas perdre Steve de vue.

— On avance, résonna la voix tranchante de McGarrett. On lance ! Une brèche dans l’enceinte. Allez ! Allez ! Allez !

Les ennemies sortaient de nulle part. Danny avait l’impression que plus ils en tuaient, plus il y en avait. Comme si c’était possible, les choses s’accélérèrent encore.

— Les étages, prévint Steve avant que plusieurs coup de feu ne viennent de ces derniers. Tireur embusqué à 2 h !
— Éliminé, cria une autre voix. À 3 h, prévint-il.
— Éliminé !

Quand un ordre était donné, il était exécuté dans l’instant. Pareil aux premières minutes, ils agissaient par habitudes. Tous leurs gestes étaient devenus des automatismes. Pour autant, aucun ne baissait sa garde.

— On entre et on nettoie le bâtiment pièce par pièce, rapporta, Steve, à l’intention de ses hommes ainsi qu’à celle de la salle de contrôle.

— Fusil mitrailleur à 15 h !

Danny vit un homme se baisser dans la seconde et un autre abattre le tireur par-dessus son dos. La scène ne dura que quelques secondes.

— Cible en vue, cria Steve.

Et il put enfin le distinguer du reste des hommes. Plusieurs tires leur parvinrent et l’image devint noir.

— Qu’est-ce qui se passe, demanda Danny, qui sentait la panique monter.
— Rétablissez-moi la connexion, vite, gronda le militaire et la pièce sembla se rétrécir sous son ordre.

Les écrans restaient désespérément noirs et un bruit blanc insupportable remplaçait la voix de Steve. Un silence mortifère régnait dans la pièce, seulement brisé par la respiration rapide de Danny. Soudain, ses pires craintes prirent vie. Si Steve ne revenait pas de cette mission, le dernier souvenir qu’il garderait de l’homme serait une dispute.

— Ça va aller, le rassura Joe, rappelle-toi de ce que je t’ai dit. Ais confiance en lui.

Danny essayait, mais il ne connaissait rien du commandant McGarrett. Tout ce qu’il savait c’était que, sauf erreur de sa part, Steve était toujours humain et les humains meurent, aussi doué soit-il.
Une image brouillée commença à apparaitre. Il fallut plusieurs tentatives avant que la connexion soit à nouveau stable.

— Cible éliminée ! Je répète, cible éliminée ! On reste sur ses gardes et on vérifie que le périmètre est claire et la zone nettoyée, surgit des hauts parleurs, la voix tranchante de Steve.

Et Danny se remit à respirer. Un sourire lui mangea la moitié du visage et Joe lui offrit une tape dans le dos. Il fixa l’expression de ce dernier qui signifiait “Je te l’avais dit !” et l’ancien flic était heureux de lui concéder cette victoire.

— Beau boulot, les gars ! On rentre à la maison. Fin de transmission, annonça Steve en apparaissant face à la caméra avant que les écrans ne redeviennent noirs.

Il arborait une barbe similaire à celle de la photo sur le mur de son ancienne chambre. Danny garda l’information pour l’interroger ultérieurement sur ce point. Mais même comme ça et les yeux recouverts par des lunettes de visé nocturne, Danny aurait reconnu ce sourire entre mille. L’atmosphère s’allégea considérablement après ça. Pas d’effusions de joie, mais l’on pouvait voir un sourire orner le visage de chaque agent présent.
L’homme s’avança vers eux et tendit la main à Joe.

— Tu féliciteras le commandant McGarrett pour moi, lui dit-il en lui serrant la main.
— Je n’y manquerai pas.

Sur ces derniers mots, ils quittèrent la pièce. Danny étant un civil, il n’avait pas l’autorisation de s’attarder dans (sur) cette partie de la base.

Comme à l’allée, le retour se fit en silence. Danny était perdu dans ses pensées. Steve était vivant, il avait tué le terroriste responsable de la mort de John et il allait rentrer. Cette dernière information était sans aucun doute celle qui faisait battre son coeur un peu trop vite.

 

Arrivé en bas de chez lui, il se tourna finalement vers Joe.

— Merci, dit-il simplement.
— C’est normal, lui sourit le plus vieux.
— Vous n’étiez pas obligé. Je ne suis personne pour vous.
— Ce n’est pas tout à fait vrai. Tu fais partie de la vie de Steve, lui fit-il remarquer, et tu l’aimes.

Danny le regarda incertain. Ne sachant pas comment prendre son affirmation, il préféra ne rien dire. Il hésita à lui demander quand Steve rentrerait, mais se ravisa. Il n’était plus à quelques jours près. Avec un soupir, il quitta le véhicule, mais avant qu’il ne referme la porte, Joe l’appela.

— Je dois m’absenter quelques jours pour régler une affaire avant le retour de Steve. Est-ce que tu pourrais garder la maison ?
— Quand ?
— Je pars demain, l’informa Joe.
— Pas de soucis, lui confirma-t-il avec un hochement de tête.

Et comme convenu, Danny débarqua avec ses affaires le lendemain. Après avoir longuement tergiversé, il choisit d’investir le canapé. Grossière erreur. Sa première nuit fut une catastrophe. En plus de ne pas être confortable, le cuir était insupportable avec cette chaleur. Et il avait oublié à quel point l’océan pouvait être bruyant la nuit. Il mentirait en rejetant l’entièreté du problème sur son dos, mais quand même. Fait assez paradoxal, c’est au bord de celui-ci, allongé sur une chaise longue, alors que les premiers rayons du soleil coloraient le ciel, qu’il réussit enfin à fermer les yeux. Glanant quelques heures de sommeil. Heureusement qu’il n’avait cours que l’après-midi.

Il ne réitéra pas deux fois la même erreur. C’est donc dans le lit de Steve qu’il prit place pour cette seconde nuit. Au début, un peu gêné, il finit par prendre ses aises. Il regretta presque la senteur de lessive qui se dégageait des draps propres. Il avait secrètement espéré sentir l’odeur de Steve sur les oreillers.

 

Quand il rouvrit les yeux, il faisait sombre dans la chambre, seulement éclairée par la lueur de la Lune. Danny se demanda ce qui l’avait réveillé, avant de sentir qu’on lui caressaient doucement la joue. Il lui fallut quelques secondes pour que ses yeux s’habituent à la pénombre et que son cerveau se remette en marche.

Il était là, il était rentré.

Steve lui faisait face, appuyé sur un coude, allongé grossièrement au-dessus des couvertures.

— Joe avait une affaire à régler avant ton retour, alors il m’a demandé de garder la maison, répéta-t-il bêtement pour justifier sa présence.
— Je sais, sourit Steve.

Danny regrettait le manque de clarté. Il aurait aimé voir ses yeux. Steve continuait à caresser sa joue de ses phalanges, puis son pouce vint frôler sa lèvre inférieur. Son souffle resta coincé dans sa gorge et il ne put retenir le frisson qui agita son corps. Au petit rire qui parvint à ses oreilles, ça n’avait pas échappé au Seal.

L’atmosphère rendait la scène d’une intimité que le blond n’avait pas connu depuis longtemps. Il avait le sentiment d’être mis à nu. Même avec Rachel, il n’avait pas connu ça.

Le poids se déplaça légèrement, faisant bouger le matelas et instinctivement il ferma les yeux. Bientôt le pouce de Steve fut remplacé par ses lèvres. Ce fut comme la caresse d’une plume. C’était doux et lent. C’était parfait. Danny gémit et il sentit le sourire de son vis à vis contre ses lèvres.

C’était étrange de sentir la moustache de Steve frôler sa bouche ou encore sa barbe caresser son menton. Étrange et excitant. Même sous toute cette tendresse, il émanait du jeune homme une force qui avait manqué à Danny.

Est-ce que le baiser était différent parce que c’était un homme ou parce que c’était Steve et qu’il l’aimait à en crever ?

— Tu peux pas savoir comme j’ai regretté de ne pas avoir fait ça avant de partir, avoua Steve, le souffle court. Reste ! Je sais ce que tu vas dire et tu as raison, mais reste avec moi, cette nuit.
— D’accord, accepta-t-il immédiatement.

Il n’avait pas une seule seconde, pensé à partir.

— Je vais prendre une douche, je reviens, lui souffla Steve, avant de sentir son poids quitter le lit.

Alors qu’il allumait la lumière de la salle de bain attenante, Danny le vit enfin. Il était toujours en treillis et il put apercevoir cette barbe qui l’obsédait depuis plusieurs jours.

La douche de Steve fut rapide. Le temps réglementaire. Moins par habitude que par crainte de trouver un lit vide en revenant dans sa chambre. Il était bien trop fatigué pour réfléchir ce soir. Il aurait tout le temps d’analyser les choses plus tard.

Il fut rassuré de constater que Danny n’avait pas bougé. Ils se regardèrent un instant, avant qu’il n’éteigne la lumière de la salle de bain. Il se faufila sous le draps et s’allongea face à Danny. Durant une fraction de seconde, ils étaient de retour dans le passé.

Il aurait tellement aimé que les choses soient comme avant. Danny se rapprocha doucement, incertain. Comprenant la demande silencieuse, Steve ouvrit ses bras sans hésiter et il s’y glissa derechef. Tout comme le soir de son départ, Steve avait retrouvé sa place. Les images de ces dernières semaines furent éclipsées par Danny. Il ne restait rien, à part eux.

Dans un geste inconscient, Danny se mit à jouer avec les poils de sa barbe, heureux qu’il ne se soit pas rasé et Steve soupira d’aise.

— Dors, Danno, lui souffla-t-il en caressant les cernes creusés.
— Qu’est-ce que Joe t’a dit ? l’interrogea-t-il.
— Il ne m’a rien dit, mais je ne suis pas aveugle, rigola doucement Steve, sans perturber le calme ambiant.
— T’as vu ça dans le noir, ironisa l’autre. Saleté de Ninja, lança-t-il avec bonne humeur en enfouissant sa tête sous le menton de Steve et caressant de son nez sa pomme d’Adam. S’imprégnant comme d’une drogue, de son odeur.

Ils auraient voulu profiter plus longtemps de ce moment hors du temps où il n’y avait qu’eux, se nourrir de ce sentiment d’euphorie. Prendre le temps de ressentir pleinement, mais la fatigue semblait en avoir décidé autrement.

 

...

 

Notes:

Qu'avez-vous pensé de ce petit rapprochement ?
Hâte de vous lire !

À la semaine prochaine ;)

Chapter 14: Chapitre 14

Notes:

Je sais, j'aurai dû publier la suite hier. Désolé de ce petit retard. Pour ma défense, je suis malade. J'ai eu un peu de mal à me concentrer, alors j'espère ne pas avoir laissé trop de fautes. Si c'est le cas, n'hésitez pas à me le dire en commentaire.

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Chapitre 14

 

Les tires et le bruit des corps qui chutent au sol résonnaient encore dans l’espace clos de la chambre, quand Danny se réveilla en sursaut. Le souffle court et le coeur martelant ses côtes, son poing se serra contre sa poitrine. Son regard affolé se heurta à l’obscurité et il referma les yeux, refusant de faire face à l’inéluctable. Il n’y avait personne d’autre dans la pièce, c’était bien là, sa seule certitude. Il revoyait le corps de Steve tomber sous l’impacte des balles. La scène se rejouait inlassablement, derrière ses paupières closes.

“Il n’est jamais rentré. Tu as rêvé tout ça, scandait sa conscience.”

Paralysé par une angoisse sourde, son corps se mit à trembler. Il perdait pied. Cette fois il ne s’en relèverai pas. Le visage de Grace s’imposa à lui, mais même elle, ne réussit pas à le sortir de sa terreur. Il n’arrivait pas à reprendre sa respiration et l’impression que son coeur allait s’arrêter n’arrangeait en rien sa panique.

Ses oreilles bourdonnaient si fort qu’il ne put percevoir le léger grincement que fit la porte de la salle de bain ni le bruissement des draps ou même l’affaissement du matelas sous le poids du nouvel arrivant.

— Hé ! Danny, calme-toi, l’apostropha doucement, Steve, mais sa voix ne parvint pas à percer la noirceur qui enveloppait son esprit.

D’une main, auparavant légère, sur son épaule, il le secoua un peu plus fermement. Il semblait tellement loin. Hors d’atteinte.

— Regarde-moi, Daniel ! lui ordonna-t-il d’un ton sans appel.

Les paupières s’ouvrirent instantanément sous la commande impétueuse, mais dans les prunelles acier, Steve ne vit que l’effroi et le désespoir. Il savait que Danny était sujet aux crises d’angoisses, tout comme il savait que cette fois-ci ses méthodes habituelles ne fonctionneraient pas.

— Je suis là ! Fais comme moi, lui rappela-t-il en inspirant par le nez et en expirant par la bouche, de façon plus appuyée que nécessaire.
— Je…j’ar…tenta Danny en suffoquant, j’arri…ve pas…à res…resp…
— J’ai compris, le coupa Steve, garde ton souffle !

Et sur ses mots, il le souleva sans prévenir, l’emmenant jusqu’à la salle de bain. Il les fit entrer tous les deux dans la douche, remit l’homme sur ses pieds et alluma l’eau froide. Dans un premier temps, le choc de température lui coupa la respiration, mais après quelques secondes, les inspirations toujours courtes, se firent plus efficaces.

Steve le tenait fermement contre lui, tout en les maintenant sous le jet d’eau. Il sentait le dos de Danny peser de plus en plus contre son torse. Il lâchait prise, se laissant aller entre ses bras. Bientôt, son corps fut secoué de spasmes. En tendant l’oreille, Steve perçut, à travers le bruit de l’eau qui s’écrasait brutalement contre les parois, de faibles sanglots. Il essaya de retourner Danny pour lui faire face, mais ce dernier résista.
— Non ! s’écria-t-il. S’il te plaît…c’est plus facile comme ça, bafouilla-t-il essoufflé.
— D’accord, souffla Steve en resserrant son étreinte.

Il posa délicatement sa joue sur le sommet de sa tête. Progressivement, il entreprit d’augmenter la température de l’eau et attendit patiemment. Avoir le corps de Danny collé au sien réveilla son désir et il se gifla mentalement. Le moment était vraiment mal choisi. C’est seulement au bout de plusieurs minutes, que Danny reprit la parole, le sortant de ses pensées.

— J’ai rêvé que tu étais mort, sanglota-t-il, et quand je me suis réveillé seul…j’ai cru que j’avais tout imaginé. Une putain d’impression de déjà vu. Sauf que cette fois…tu ne reviendrais jamais, avoua-t-il et ses pleurs se firent plus bruyant.

Steve garda le silence, se contentant de les bercer et d’attendre que Danny poursuive.

— Je ne peux pas vivre sans toi, balbutia Danny, je l’ai fait. J’ai tenu bon, mais tu es revenu et…je n’aurai pas la force de recommencer, gémit-il.

— Je ne peux pas effacer ce qui s’est passé et je n’aurai jamais assez d’une vie pour me racheter à tes yeux, mais je suis là, déclara le Seal avec une conviction qui fit frissonner Danny. Je t’aime ! Je te le répéterai autant de fois qu’il le faudra. Je t’aime, itéra-t-il en déposant un baiser sur le sommet de son crâne. Je t’aime depuis que j’ai 16 ans, peut-être même avant ça, dit-il en déposant un autre baiser sur sa tempe puis sur la peau sensible de son cou.

Avant qu’il ne puisse recommencer, Danny se retourna et le fit taire d’un baiser. En opposition à celui de la veille, il était fait d’urgence, de souffrance et d’espoir. L’eau ruisselant sur leurs visages, se mêlant à la caresse. Ils y mirent tous les sentiments qu’ils avaient l’un pour l’autre, toute la frustration, toute la douleur. Ils se jetèrent dans cette étreinte sans réserve.

Un simple baiser qui éveillait tant de choses. Réveillant la mémoire de leurs corps. Une unique étreinte charnelle qui les avait marqués au fer rouge. Une conscience commune. Deux bouts d’âmes abîmés qui, une fois réunies, étaient invincibles. Les petits garçons qu’ils étaient jadis, l’avaient compris, c’est pourquoi ils avaient tout affronté ensemble.

Ils s’étaient enfin retrouvés.

Front contre front, ils tentaient de reprendre leur souffle. C’était trop et pas assez. Ils n’étaient que contradictions. Euphoriques et angoissés ; animés d’un désir dévorant et de la crainte d’aller trop vite ; plus forts que jamais et affaiblis ; écrasés par la puissance de leurs émotions.

Mais ils n’étaient plus deux ados hésitants et inexpérimentés. Ils étaient deux hommes animés par un même désir trop longtemps inassouvi.

— J’ai envie de toi, grogna Steve en glissant ses mains sur les fesses de Danny, avant de les empoigner fermement et de le soulever.

Instinctivement, ce dernier enroula ses jambes autour de la taille mince et grogna quand son dos rencontra brutalement la surface en verre froide. Une autre barrière céda et c’est sans retenu que leurs bouches se retrouvaient, se dévoraient, leurs dents s’entrechoquants sous l’empressement.
Le blond agrippait avec force les cheveux à sa portée, comme pour se raccrocher à cette réalité qui pouvait lui glisser entre les doigts. Cette réalité où Steve était vivant, où il était là, tout contre lui. Il gémit quand leurs sexes se rencontrèrent à travers le tissu fin de son short.

N’y tenant plus, Steve coupa l‘eau et partit en direction de la chambre. En chemin, ils se débarrassèrent sans ménagement des vêtements et autre tissus, devenus gênants. La pièce était chichement éclairée par les premières lueurs de l’aube. Ils étaient là, l’un en face de l’autre, nu, se dévorant des yeux.

Le souffle de Danny resta coincé dans sa gorge et comme si c’était possible, les battements de son coeur accélérèrent encore. Steve le surplombant de toute sa hauteur, exhibant sa peau tannée par le soleil et tendue par les muscles. Voyant les yeux curieux de Danny posés sur lui, Steve prit l’une de ses mains et la posa sur son torse. Tout chez Steve transpirait la force.

Il n’avait toujours pas rasé la barbe qui lui mangeait les joues et durcissait ses traits. Les yeux de Danny furent happés par deux morceaux de métal qui se détachaient dans l’obscurité. Ses entrailles se tordants face aux plaques d’identité qui pendaient au cou du militaire. Il émanait, de Steve, une force qui fit tressaillir Danny. Ce sont des doigts tremblants que le brun sentit, juste en-dessous de sa clavicule.

— Des éclats d’obus, l’informa-t-il sans réfléchir.

Le coeur de Danny se serra. Ses doigts se promenèrent sur le torse inconnu, qui racontait l’histoire du commandant Steven McGarrett. Il traça les encres avec désir avant de repartir vers une cicatrice plus importante juste au-dessus de sa hanche gauche.

— Arme blanche, répondit Steve, à la question muette et à l’entente de la respiration plus lourde et plus rapide, le professeur sourit. Fier d’avoir pu troubler cet homme.

Incapable de rester séparé, ils se collèrent l’un à l’autre, s’enlacèrent. Leurs mains touchant la peau à leur portée. Ils tombèrent sur le lit et Steve entreprit de cartographier le corps Danny. Des mains impatientes, tirèrent sur ses cheveux pour le faire revenir auprès des lèvres tout aussi impatiente, mais Steve avait d’autres projets. Attrapant les vilaines audacieuses, il les plaqua d’une poigne ferme au-dessus de la tignasse blonde et repartit à l’assaut des tétons qu’il savait si sensibles.

Danny eut envie de protester, jusqu’à ce que des dents viennent taquiner la chair dressée et il ne put que gémir. C’est sans répit que Steve explora son torse, léchant et mordant ici et là.

À contre coeur, il fut obligé de lâcher ses prisonnières. Sous ses yeux, qui n’était que luxure, Danny se mit à rougir. C’est avec des gestes vifs et sûrs, qui ne trahissaient rien de l’appréhension qui se mêlait à l’envie, qu’il prit place entre les jambes écartées. Sa langue s’enroula autour du sexe érigé, faisant haleter Danny qui, par automatisme, retrouva les cheveux bruns.

Au-delà du plaisir que fit naître cette caresse, c’est le regard inflexible de Steve qui enflamma ses sens. Il aurait pu jouir juste comme ça. Un liquide froid entra en contact avec cette partie, trop longtemps oubliée, de son anatomie et il hoqueta de surprise.

C’est avec une lenteur calculée qu’un premier doigt pénétra son intimité. La sensation fut explosive et son dos se cambra sous l’intrusion. Ce n’était pas réellement douloureux, juste une petite gêne minime en comparaison du plaisir qui fit frissonner son épiderme.

— Si jamais tu veux que j’arrête, dis le moi, murmura Steve.

La douleur s’accentua un peu par la suite, mais bien vite éclipsée par les mains habilles de Steve. Son corps devenu hypersensible, la moindre caresse le faisait gémir sans retenu. Son sang, telle de la lave en fusion, bouillait dans ses veines.

Les sons étouffés devenaient de plus en plus bruyants et quand les doigts de Steve vinrent caresser la prostate de son amant, c’est un cri d’extase qui ébranla le calme de la demeure. Après quelques minutes de cette douce torture, Steve se recula afin de le laisser se redresser.

Danny joua distraitement avec l’érection déjà recouverte d’un préservatif et son attitude réveilla le Seal. Pour son plus grand plaisir, il découvrit un Steve plus brusque et plus exigeant. D’une poigne ferme, il attrapa ses hanches, ses doigts s’enfonçants dans la chair tendre, marquant la peau. Il le souleva légèrement pour le placer au-dessus de ses genoux. Sans attendre, il le fit descendre sur son sexe. La douleur mêlée au plaisir excitèrent Danny et, s’accrochant aux larges épaules, il se laissa tomber d’un seul coup, jusqu’à être assis sur les cuisses de Steve. Son sexe enterré au plus profond de lui.

— Han ! haletèrent-ils, la tête rejetée en arrière.

Tout se bousculait : leur amitié, leur amour naissant, leur première fois, la déchirure de la séparation et l’agonie de l’absence. Les yeux brillants d’émotions, ils se sourirent. En une larme, s’échappait une infime part de ces années d’éloignement, de la culpabilité de l’un et de la rancoeur de l’autre.

De son pouce, Steve essuya une trace humide sur la joue de son amant.

— Je sais, souffla-t-il sur les lèvres entrouvertes.

Les mots n’étaient pas nécessaires. Partageant la même souffrance, les mêmes regrets et ce sentiment écrasant d’amour inconditionnel.

Plus rien n’existait à part eux, sur ce lit, dans cette chambre. Le vent qui passait par la fenêtre ouverte, les vagues qui s’écrasaient sur les rochers, le chien de la voisine qui aboyait, plus rien ne parvenait à percer la bulle qui les enveloppait.

D’une main sur sa nuque, Danny rapprocha sans ménagement le visage de Steve pour reprendre possession de ses lèvres. Son bas ventre se contracta sous le toucher. Ce simple contact enflammèrent leurs sens.
Comme une réminiscence du passé, la scène était le reflet d’une nuit partagée, bien des années auparavant, dans une autre vie.

— Je me souviens de tout, souffla-t-il d’une voix rauque, dans un langoureux mouvement de hanches, récoltant un gémissement.

Ses longs bras s’enroulèrent autour du corps frissonnant de Danny, alors que ce dernier s’accrochait à son cou désespérément. Plus de doute, de peur ou de combat. Juste eux, s’abandonnant à ce désir insensé. Leurs coeurs battants de concert, leurs corps étroitement liés se déhanchants de plus en plus vite et leurs peaux s’embrasant au contact de l’autre.

Rien ne semblait suffisant pour apaiser le feu qui les consumait. Ce besoin de ne faire plus qu’un, rampant sous leurs peaux. Et soudain, cette pensée, si cruelle soit-elle, s’imposa à eux : ils n’avaient pas assez de main pour couvrir le corps de l’autre, pas assez de patience pour faire durer cette étreinte qu’ils souhaitaient ne jamais voir prendre fin, pas assez de retenue pour s’aimer lentement et tendrement. À l’image des sentiments violents qui les animaient, leurs mouvements se hâtèrent.

Leurs peaux en sueur claquaient l’une contre l’autre, les gémissements et halètements emplissaient l’espace, ricochant contre les murs de la chambre.

— Steve ! cria Danny, le souffle saccadé.

Son sexe hypersensible, prisonnier de la friction de leurs corps.

— Je suis là, grogna-t-il, tout aussi essoufflé. Viens pour moi, Danno, souffla-t-il à son oreille en le serrant plus fortement contre lui.

Le plaisir se fit plus grand, plus oppressant. Prenant toute la place. Les coups de reins impitoyables du Seal se firent plus brutaux. Telle une tornade, l’orgasme fut violent, dévastateur, soufflant tout sur son passage. Les laissants à bout de souffle et de force. Le coeur palpitant et le corps tremblant.

 

Une brise légère pénétrait par la fenêtre ouverte, faisant voleter les rideaux et venant délicatement apaiser leurs peaux surchauffées. Allongé sur le lit, les membres emmêlés, ils se fixaient.

Les mots étaient inutiles. Distraitement, la main de Danny se promenait sur la cuisse de Steve, remontant sur sa hanche et partant à la découverte de son dos. Alors que la pulpe de ses doigts suivaient le sillon de sa colonne vertébrale, il sentit des aspérités.

Curieux, le blond se releva et il se mordit la lèvre. Ses yeux voyagèrent des fesses sculptées dans le marbre, aux lignes noires qui recouvraient ses reins, en passant par les cicatrices, plus importantes, qui parsemaient sa peau.

— Danny, râla Steve avec un sourire.

Le blond reprit sa place sur le lit et étudia le visage de son amant.

— Ça te gêne que je te regarde ?
— Non, mais quand on t’étudie en silence pendant plusieurs minutes…
— Ça n’a pas duré aussi longtemps ! s’exclama Danny.

Le regard que lui jeta Steve était sans équivoque et il se sentit un peu honteux.

— Désolé, déclara-t-il d’une petite voix. C’est de ta faute aussi, ronchonna-t-il avec humour en désignant le corps de Steve, ce qui fit rire ce dernier. Tu me raconteras un jour ?
— Quoi ? demanda-t-il perplexe.
— T’es tatouages.

Steve acquiesça et attrapa Danny pour le rapprocher de lui. Il comptait bien le faire taire et peut-être grappiller encore quelques heures de sommeil.

 

Quand Danny ouvrit les yeux, pour la troisième fois, le soleil était déjà haut dans le ciel et la chaleur étouffante. Il était nu, sa peau moite et collante et une odeur ténue de sexe flottait dans l’air. Steve n’était peut-être pas dans le lit avec lui, mais aucun de doute sur le fait qu’il était bien rentré.

Un sourire naquît sur son visage aux souvenirs qui envahissaient ses pensées. Inconsciemment, il caressa ses lèvres, il pouvait encore sentir les baisers de son beau Seal. Il s’extirpa, non sans difficulté, des draps.

Danny pénétra dans la cuisine, un quart d’heure plus tard, après une longue douche salvatrice et fut accueilli par une bonne odeur de café et un énorme plat de Pancakes. Il en chipa un, qu’il mangea tout en remplissant une tasse du liquide encore fumant. Il en reprit un pour la route avant de sortir par la porte arrière, laissée ouverte.

Il avança d’un pas tranquille, pied nu dans l’herbe, sûr de voir Steve au bout du chemin. Et comme prévu, il le trouva assis sur le sable, le regard fixé vers l’horizon.

Danny s’arrêta à quelques mètres, hésitant. D’instinct, il avait eu envie de prendre place tout contre lui, mais le pouvait-il ? Devait-il s’asseoir sagement à une distance raisonnable ? Comme l’adolescent qu’il avait été, il ne savait plus comment agir. Et juste comme ça, l’expérience, la maturité et la confiance en soi acquit au cours des années, il ne restait plus rien.

Ce foutu brun avec sa taille démesurée et ses bras ridiculement épais, lui faisait perdre la tête.

— Tu comptes t’asseoir ou il faut que je vienne te chercher ? l’interrogea Steve sans se retourner, coupant court à ses pensées.
— T’as quoi ? Des oreilles bioniques ? grogna-t-il en avançant.
— Toujours pas du matin, hein ! plaisanta Steve en lui offrant un sourire éblouissant. Allez, viens là, l’invita-t-il en désignant l’espace entre ses genoux repliés.

Sans un mot, il s’installa entre les jambes écartées. Après une courte réticence, il se laissa aller, s’appuyant de tout son poids contre le torse solide et comme il l’avait espéré, les bras de Steve s’enroulèrent autour de lui.

Ils se laissèrent envahir par un silence confortable. Seulement troublé par le bruit apaisant des vagues qui venaient doucement rouler sur le sable. Sa tasse depuis longtemps oubliée dans le sable et la caféine ayant fait son office, le cerveau de Danny était enfin opérationnel.

— Quand les écrans sont devenus noirs, j’ai cru que…c’était fini, murmura-t-il la gorge serrée et la main crispée sur la cuisse de Steve.
— Je suis désolé.
— De quoi ? Tu n’y es pour rien.

Plusieurs secondes s’écoulèrent durant lesquelles Steve resta silencieux. Danny se demanda s’il n’avait pas fait une erreur en abordant le sujet. Mais alors qu’il allait reprendre la parole, la voix plus sérieuse et plus froide du brun, retentit.

— Il n’y a eu aucun problème de transmission, déclara-t-il.
— Tu vas me dire que c’était fait exprès ? Ils ne voulaient pas que je vois ce qui allait se passer ? Si c’était classé secret défense, pourquoi m’ont-ils autorisé à venir ?
— Rien de tout ça. C’est moi qui ai coupé la transmission. Ce secret n’appartient qu’à moi.

Danny était rongé par la curiosité. Il voulait l’interroger, savoir ce qui s’était passé, mais la dernière chose qu’il souhaitait c’était que Steve se braque.

— J’avait deux options, reprit Steve, le capturer ou l’abattre purement et simplement, mais aucune des deux n’était suffisante ou acceptable. Je voulais lui faire du mal, qu’il est le temps de voir la mort arriver, d’avoir peur. C’était entre lui et moi, ça ne concernait pas la Navy.

C’est la voix neutre et dénuée de toute émotion qui fit frissonner, Danny. C’était encore une facette de Steve qu’il ne connaissait pas.

— Tu repars quand ?
— T’en as déjà marre de moi ?

Il n’avait pas besoin de voir Steve pour savoir qu’il souriait.

— Sérieusement !
— En fait, j’ai quelques congés à prendre et j’ai pensé que c’était le bon moment pour le faire, annonça le brun en déposant ses lèvres sur la nuque sensible.

Chacun plongé dans ses pensées, ils laissèrent le silence reprendre ses droits.

— Merde, le boulot ! s’exclama Danny, brusquement. Il est quelle heure ? paniqua-t-il.
— J’ai déjà appelé, le rassura Steve, en le retenant. Devant le regard méfiant de Danny, il poursuivit. J’ai dit que j’appelais pour toi et comme je l’avais prévu, la secrétaire m’a coupé en m’indiquant que tu ne devrais pas tarder parce que ton premier cours commençait à 10 h. Ce qui m’a permis de rebondir en l’informant que justement, j’appelais pour les prévenir que tu étais malade et que tu ne viendrais pas aujourd’hui.

Danny ne savait pas comment réagir, mais ne voulant pas gâcher l’ambiance et reconnaissant de pouvoir profiter de cette journée de repos après les semaines faites d’insomnies et d’angoisses, il ne dit rien et reprit sa place, se prélassant contre le torse du brun.

— J’ai un peu parlé avec Joe, indiqua-t-il, en changeant de sujet.
— Ne crois pas un seul mot de ce que le vieil homme t’a dit, l’avertit Steve avec un sourire en coin.
— Oh ! Donc tu n’es pas courageux, loyal et têtu ? demanda Danny en feignant la déception.

Il fut surpris par l’éclat de rire qui résonna à ses oreilles et fit trembler la poitrine de Steve. Il se tourna légèrement pour porter un regard qu’il voulait sérieux, sur le Seal, mais face à l’image que ce dernier lui renvoya, il en fut incapable. Steve avait les yeux brillants de larmes, la tête rejetée en arrière et un sourire enfantin plaqué sur son visage.

Après ce qu’il avait vu dans la salle de contrôle, il était étonné par sa capacité à rire de manière insouciante. Il y avait à peine quelques jours, il menait une opération pour éliminer l’assassin de son père et maintenant il était là, avec lui, sur cette plage et il riait aux éclats. Danny l’admirait pour ça.

— Ouais, même pour ça, il a toujours eu une propension à l’exagération, sourit-il. Mise à part pour le côté têtu, admit-il avec humour.

Danny reconnu l’air taquin qu’arborait Steve et il sut à cet instant que, bien enfoui sous l’armure, avait survécu une petite part de l’enfant qu’il avait connu. Il espérait avoir le temps dans apprendre plus sur l’homme qu’il était devenu.

Notes:

Alors, je suis pardonnée ? ;)

Chapter 15: Chapitre 15

Notes:

Happy Easter ;)

Voici la suite ! Chapitre tout en douceur. Comme une parenthèse avant d'affronter la vie.

Sur ce, bonne lecture !

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Chapitre 15

 

Il avait encore du mal à y croire. Après tout ce qu’ils avaient vécu, sans parler de ces dernières semaines. La mort de John, le retour de Steve, ses sentiments qui lui revenaient en pleine figure et le départ du Seal pour il ne savait où. Les nerfs de Danny avaient été mis à rude épreuve, mais à cet instant, la seule chose qui comptait c’était le regard de Steve sur lui.

Ils étaient à table, à l’abri du soleil sous le lanai, où seul le bruissement des feuilles et la houle venaient agrémenter le calme confortable de leur repas. Ils se jetaient des oeillades et des sourires complices. L’image même de deux adolescents fiers d’avoir fait une bêtise et de ne pas s’être fait prendre.

— Arrêtes de me regarder comme ça, râla Danny.
— Comment “comme ça” ?
— Tu sais très bien de quel regard je parle !
— Je n’en reviens pas que tu ne sois pas allé te baigner depuis ton retour, répéta Steve, levant les mains avec incompréhension.

Il s’était écoulé plusieurs minutes depuis l’aveu du blond, mais Steve ne s’en remettait pas.

— On est pas tous comme toi.
— N’importe quoi ! On a passé notre enfance et notre adolescence le cul dans l’eau, renchérit Steve, sans se départir de son sourire.
— Alors peut-être que c’était une de ces innombrables choses qui me rappelaient de mauvais souvenirs, se renfrogna Danny.

Le coeur de Steve se serra, mais il refusa de laisser ces mots gâcher cet instant. S’ils devaient tout recommencer pour effacer le voile qui recouvrait leurs souvenirs d’enfance, qu’à cela ne tienne, c’est ce qu’il allait faire sans attendre. Il se leva brusquement et sans prévenir, il attrapa le professeur. C’est avec un Danny récalcitrant dans les bras, qu’il traversa le jardin à grandes enjambées.

— Je te jure, Steven…, commença le blond, alors que Steve s’enfonçait de plus en plus dans les eaux claires.

Le Seal le bâillonna de ses lèvres alors qu’ils se retrouvaient trempés, immergés jusqu’à la poitrine dans les flots. Danny rouspéta pour la forme, mais il se retrouva vite impuissant face au sourire rayonnant de Steve. L’évidence s’imposa à lui, il était malléable entre les grandes mains rugueuses. Il aurait dû paniquer face à cette révélation, mais il entoura simplement son cou et l’embrassa à pleine bouche.

Ils chahutèrent comme deux enfants. Se jetant l’un sur l’autre, s’éclaboussant sans vergogne, mais n’oubliant pas de se câliner entre deux batailles.

— Tu triches, avait ronchonné Danny, alors que Steve n’avait pas refait surface depuis au moins deux minutes.

Ses mouvements étaient trop rapides et Danny n’arrivait pas à le suivre.

— Oh ! Je ne savais pas que des règles avaient été établies, lui souffla Steve à l’oreille, en émergeant derrière lui.

Son souffle sur sa nuque et la proximité de son corps, firent frissonner le blond.

— T’as pas le droit de te servir de tes trucs de Ninja, geint-il, d’un geste de la main qui englobait Steve dans son intégralité.
— Mes trucs de Ninja ? Je serais curieux que tu m’expliques, déclara-t-il d’un air goguenard.
— Il se pourrait que j’ai lu quelques livres, confessa Danny.

Steve l’attrapa par la taille pour le coller un peu plus à son corps. Le blond avait pensé l’information comme un moyen de faire taire son adversaire, mais dès que les mots avaient quitté sa bouche, il compris son erreur. Lui qui avait joué les blasés, comme s’il ne s’était pas intéressé à la vie du brun depuis son départ, venait de lui avouer le contraire.

Steve ne dit rien. Contre toute attente, il ne fanfaronna pas, mais ses yeux parlèrent pour lui. Savoir que toutes ces années, il n’avait pas été aussi seul qu’il le pensait, le remplit de satisfaction et un sourire plus brillant encore, étira ses lèvres.

Ils restèrent enlacés un long moment. S’imprégnant de cette paix qui s’immisçait lentement dans leurs coeurs. Ce calme tranquille. Quand ils sortirent enfin de l’eau, toujours enveloppés par cette euphorie, ils rangèrent le déjeuner délaissé. Steve en profita pour ranger ses affaires, lancer une machine et remettre ses armes à leur place. Pendant que Danny se chargeait de nettoyer la cuisine et de faire la vaisselle.

— Steve, l’appela-t-il alors que retentissait la troisième sonnerie du téléphone fixe.

N’obtenant aucune réponse, il n’hésita pas longtemps. Et si c’était important ? Il s’essuya rapidement les mains et se précipita sur le combiné. Ce fut un homme avec un léger accent que Danny n’arrivait pas bien à situer, qui lui répondit.

— Je suis bien chez Steve McGarrett ? demanda l’homme, incertain.
— Oui ! Que puis-je faire pour vous ?
— Est-ce que le tombeur est là ? le questionna l’inconnu, avec bonne humeur.
— Euh…Oui, mais je ne sais pas où, commença Danny, vous voulez que je le cherche ou il peut vous rappeler plus tard ?
— Tu es Danny ! s’exclama son interlocuteur avec bonne humeur.
— Et vous êtes…, rétorqua-t-il sur la défensive.
— Je suis un ami, le rassura-t-il. Alors, ça y est ? demanda-t-il de manière suggestive et Danny pouvait presque deviner son haussement de sourcils.

Il n’eut pas le temps de répondre qu’il entendit une seconde voix en arrière plan. Elle était étouffée, lointaine, il ne distinguait pas la teneur des mots, mais perçut la réprimande. Un bruit de froissement se fit entendre avant qu’il ne distingue un “Aïe” sonore.

— Danny ? demanda l’autre voix.
— Oui ?!
— Bonjour, je m’appelle Alice. Excuse mon mari, c’est un idiot, dit-elle d’un ton appuyé, sûrement à l’adresse dudit mari. On voulait juste prendre de ses nouvelles. Il nous a contactés quand il est arrivé sur la base, mais il était pressé de rentrer.

Elle ne le dit pas, mais Danny put presque entendre le “je comprends pourquoi, maintenant” et lui fut reconnaissant de ne pas insister. Il ne savait pas ce qu’il pouvait ou ne pouvait pas dire. Même s’ils n’en parlaient pas, une part de lui n’oubliait pas que Steve était dans l’armée et qu’à ce titre, être en couple avec un homme n’était pas une information à ébruiter. Il fit abstraction du pincement qui accompagna cette pensée.

— Je lui ferai la commission, promit-il.
— Merci, mais je connais cette tête de mule. Il dira toujours que tout va bien, même si ce n’est pas le cas, renifla-t-elle avec conviction. Alors, comment va-t-il ?
— Bien, répondit-il derechef. Écoutez, je ne crois pas être la bonne personne pour répondre à vos questions et puis, j’ai l’impression de parler derrière son dos, l’informa-t-il, mais il va bien, vraiment, ajouta-t-il.
— Je ne t’en demande pas plus, affirma-t-elle. Oh ! Une dernière chose, le héla-t-elle avant qu’il ne mette fin à l’appel, est-ce qu’il s’est rasé ?

Danny fut surpris par la question. Il ne comprenait pas bien l’intérêt de cette information, mais la réponse lui sembla inoffensive.

— Non. Pourquoi ? ajouta-t-il, poussé par sa curiosité.
— Tu pourras lui dire de nous rappeler ? Merci, Danny ! J’espère avoir l’occasion de te rencontrer bientôt.

Et sur ces derniers mots, elle mit fin à la communication. Danny remit le combiné sur son socle et repartit dans la cuisine pour finir la vaisselle, l’esprit dans le vague. Sa conversation avec les “amis” de Steve le laissa pensif. Qui étaient-ils ? Que savaient-ils exactement sur lui ? Cette question étrange, posée par la femme. Et brusquement, les premiers mots de cette dernière lui revint. Steve les avait appelé en arrivant à la base. Danny se gifla mentalement. Il n’avait même pas pensé à téléphoner à sa famille pour les informer du retour de son retour. Tellement absorber dans leur bulle, qu’il en avait oublié tout le reste. Devait-il le faire ou en parler avec Steve avant ?

Ne voulant pas prendre cette décision à la place du brun, il préféra terminer de nettoyer, ranger la cuisine et partit prendre une douche. Il était plus que temps qu’il se débarrasse de ce foutu sable et du sel qui commençait à lui gratter la peau.

Steve finissait de ranger ses affaires dans le garage, mettant ses armes et papiers sous clé. Il allait quitter le bâtiment quand son téléphone portable vibra dans sa poche.

— Bonjour, Joe !
— Comment vas-tu ?
— Bien, répondit Steve.

Ils savaient tous les deux que ce n’était qu’une demi vérité, tout comme le plus âgé savait qu’il n’obtiendrait rien de plus.
— Je t’appelais pour te dire que Kaïto a fini de nettoyer. Les ordures ont été sorties, prêtes à être ramassées, termina-t-il avec un sourire.
— C’est parfait ! Et toi ? Tu en es où de ton côté ?
— J’ai trouvé des choses intéressantes au marché, mais j’ai un doute sur une breloque. Je vais t’envoyer ça par message, l’informa-t-il, tu me diras ce que tu en penses.
— Pas de souci, répondit-il avec désinvolture, alors qu’il pénétrait en trombe à l’intérieur de la maison.

Il monta les escaliers en courant, marqua une pause devant la porte de son ancienne chambre en découvrant que le témoin qu’il avait placé avant son départ n’y était plus. Une fois à l’intérieur, il déverrouilla l’une des caisses, en sortit une mallette contenant un terminal sécurisé, qu’il ouvrit avec l’empreinte de son pouce.

— C’est bon, je l’ai, déclara-t-il simplement en regardant le téléchargement s’effectuer.
— Bien. Embrasse Danny pour moi, sourit Joe, avant de raccrocher.
— Très drôle, marmonna Steve face à l’écran d’accueil de son téléphone.

Il perçut le bruit de la douche et ce dit qu’il aurai le temps d’y revenir plus tard. Le téléchargement terminé, il referma la mallette et prit la direction de la salle de bain. C’est avec un sourire qu’il se déshabilla, abandonnant ses fripes en tas sur le sol, rejoignant celles de Danny. La buée qui régnait en maître dans la pièce et qui recouvrait les parois de verre, lui gâchait quelque peu la vue. Il se laissa envahir par la chaleur environnante qui commença à délasser ses muscles.

Sans faire de bruit, il pénétra dans la douche et resta un instant immobile, profitant de la vision offerte par l’occupant des lieux. Danny lui tournait le dos. Les avant-bras appuyés contre le mur, la tête baissée et le dos cambré. Il suivit les gouttes qui dévalaient sa colonne vertébrale et poursuivaient leur route sur les fesses rebondies inclinées vers l’arrière. Une invitation pour Steve, qui ne put rester impassible.

Il s’approcha jusqu’à coller son bassin à celui de Danny. Plus dans le bas de son dos de par leur différence de taille. Le blond sursauta en poussant un petit couinement. Puis passa un de ses bras vers l’arrière pour caresser tantôt la hanche de Steve, tantôt sa fesse, le rapprochant davantage, si c’était possible.
Ils entreprirent de se laver mutuellement. Se caressant et s’embrassant jusqu’à perdre haleine. C’était sans un aucun doute la plus longue douche que Steve ait pris au cours des dix dernières années.

Il firent l’amour avec plus d’empressement. Le besoin éclipsa les doutes et la gêne de la veille. Ils avaient envie l’un de l’autre et c’est tout ce qui comptait. Cette étreinte fut plus brusque, plus impérieuse, mais Ô combien excitante.

 

Ils se câlinaient, étendus sur le lit, alors que le calme avait chassé les gémissements et cries d’extase. Profitant simplement de l’apaisement de leurs corps, redescendant doucement de leur orgasme. Steve était calé entre les jambes de Danny, la tête reposant sur son coeur, se délectant de la main qui lui caressait les cheveux.

— Tu es entré dans ma chambre ? demanda Steve, la voix trainante et les doigts emmêlés dans ses mèches brunes s’immobilisèrent.
— Je voulais juste…je sais pas. J’avais pas de nouvelles et j’avais peur, commença à se justifier, Danny.
— C’est pas grave, assura Steve. Ce qui doit être protégé, l’est. Pour le reste, je n’ai rien à te cacher.

Danny se demanda si c’était le bon moment pour parler des lettres, mais il repensa à l’appel reçu un peu plus tôt.

— Il y a des amis à toi qui ont appelé tout à l’heure…
— Quels amis ? demanda Steve, sur la défensive.
— Hé ! Ne me regarde pas comme ça. Je te l’aurais dit plus tôt si tu ne m’avais pas sauté dessus, fit valoir Danny, avant qu’un immense sourire étire les lèvres du Seal. Le gars ne m’a pas donné son nom, mais la femme s’appelait Alice, d’après ce qu’elle a dit.

Soulagé, Steve reprit sa place initiale, faisant comprendre à Danny qu’il aimerait bien qu’il reprenne ses papouilles.

— Ils ont laissé un message ?
— De les rappeler. Ils voulaient savoir si tu allais bien, expliqua Danny. Elle m’a demandé si tu t’étais rasé. J’ai toujours pas compris, ajouta-t-il, l’air pensif.
— C’est pour savoir dans quel état d’esprit je suis, révéla Steve, après plusieurs minutes de silence.

Danny avait cru qu’il ne répondrait pas. Ça aurait attisé ça curiosité, mais il n’aurait pas poussé. Ou il aurait attendu un peu avant de le faire. Face au regard interrogatif du blond, Steve reprit la parole.

— En mission nous ne sommes personne. On doit pouvoir se fondre dans la masse, ne pas être identifiable. Tu l’as peut-être lu dans un de tes bouquins, le taquina-t-il. Chaque mission est différente. Ça peut aller de quelques minutes à plusieurs mois. Plus elles sont longues et plus le retour est difficile. Je ne sais pas comment t’expliquer.

Pouvoir expliquer ça à quelqu’un nécessitait d’analyser ses émotions et ce n’était pas un exercice auquel Steve se prêtait de bonne grâce. Être en état d’alerte constante, pendant plusieurs semaines, ne carburant qu’à l’adrénaline. Le retour à la vie civile n’était pas facile. Surtout dans le cas de Steve qui avait passé la dernière décennie en mission continue, pour ainsi dire. Il fallait l’avoir vécu pour en prendre la pleine mesure.

— Je crois que je comprends, souffla Danny. Mais du coup, comment tu te sens ?
— Bien, sourit Steve en frottant sa joue contre le torse velu.
— T’es sûr ?

Steve glissa ses doigts sous les aisselles de Danny et se mit à le chatouiller.

— Arrête ! rigola le blond, à bout de souffle.
— C’est pas comme ça qu’on demande.
— Je vais…pas…te supplier, bégaya-t-il.

Face à l’affirmation du blond, Steve intensifia la torture. Maltraitant son supplicié sans répit, effleurant ses flans et grattant sa barbe sur son ventre. Danny se tortillait sous lui, ses éclats de rire emplissants la chambre. Essayant d’échapper à ses mains expertes, en vain, bloqué par son corps.

— Alors ?
— Ok ! Ok ! Arrête…s’il te plaît.

 

Steve s’appuya sur ses coudes, évitant de peser sur l’estomac de Danny le temps qu’il reprenne son souffle. Ces moments de complicité lui avaient manqués. Ces instants faits de petits riens. Il avait pourtant passé toutes ces années à ne vivre que pour l’instant présent, mais sans vraiment l’apprécier. Avec Danny, tout prenait un autre sens.

— Quoi ? l’interrogea ce dernier, un peu gêné par son regard insistant.
— Je prends conscience d’à quel point tu m’as manqué, avoua-t-il un peu mal à l’aise, mais devant l’air étonné de Danny, il poursuivit. En tant que Seal, j’ai appris à vivre pour aujourd’hui. Ce n’est pas pour rien que notre devise est : Le seul jour facile était hier. T’as survécu à hier et demain n’a pas d’importance si tu ne survis pas pour le voir. Tu ne fais que survivre, un jour après l’autre. Tu ne profites de rien, tu n’en a pas le temps ni l’opportunité. Et là, avec toi, je réalise ce que signifie vraiment “profiter de l’instant présent”.

C’est surpris par la facilité avec laquelle Danny arrivait à le faire parler, qu’il se recoucha. La joue contre son coeur qu’il pouvait sentir battre un peu plus vite.

Danny prit le temps de digérer. Peu importe le nombre de livres lus, de films ou de documentaires vus, il ne pourrait jamais comprendre l’horreur de la guerre et en avait-il seulement envie ? Mais il voulait tout savoir de Steve. Plus il en apprenait et plus son coeur se gonflait d’admiration et de fierté pour l’homme qu’il était devenu.

Danny avait encore un milliard de questions qui lui brûlaient les lèvres, mais il se savait chanceux que Steve se soit ouvert à lui. Alors il allait prendre son mal en patience.

— Qu’est-ce qui s’est passé avec Matty, demanda Steve de but en blanc.
— C’est comp…Danny fut coupé par une main qui le bâillonna.
— Ne me serre pas du “c’est compliqué”, le prévint gentiment, Steve, c’est donnant-donnant. Je parle, tu parles.

Le moment n’était pas idéal, mais existait-il seulement un moment propice pour parler de ça ? Ça n’allait pas plaire à Steve, c’était une certitude, mais que pouvait-il faire à part lui dire la vérité ?
Il espérait juste qu’il ne fasse pas quelque chose d’irréfléchi. Steve avait toujours été un peu comme ça, impulsif, mais plus il en apprenait et plus ça lui paraissait être devenu une seconde nature. Il semblait être capable de tout. Surtout du pire.

— Quand Rachel m’a quitté, il est venu me rejoindre dans le New Jersey. Mes parents avaient peur que je fasse une connerie. T’imagines ça, rit-il, amer.

“Si je ne l’ai pas fait quand tu es parti, je n’allais pas le faire pour elle, se retint-il d’ajouter.”

Matthew l’avait traîné dans des bars et dans des night-clubs, estimant qu’il s’était suffisamment morfondu. Il avait essayé de lui changer les idées, mais Danny n’avait jamais vraiment apprécié ce genre d’endroits.

Ils s’étaient chamaillés à plusieurs reprises et Matthew avait fini par abandonner, sortant seul. Malheureusement, il avait un vice, le jeu, et il avait fini par emprunter de l’argent aux mauvaises personnes. Danny l’avait découvert le jour où ils sont venu réclamer leur dû chez lui, un samedi soir où il avait Grace.

Il les avait accueilli avec son 9mm et sa plaque. Assez dissuasif puisqu’ils étaient reparti derechef, mais Danny n’était pas naïf. Il avait eu de son côté, l’effet de surprise, mais s’ils étaient venu une fois, ils reviendraient et ils seraient préparés cette fois-ci. Quand Matthew était rentré, ils s’étaient engueulés.

— Tu te rends compte de ce que tu as fait ? avait beuglé Danny.
— Je suis désolé. Comment j’aurais pu savoir, se justifia-t-il.
— T’as mis ma fille en danger. Putain, mais t’as quoi dans la tête ?

Il avait promis de tout arranger et il essaya, à sa manière. Il emprunta de l’argent à d’autres personnes. Argent qu’il avait joué, espérant se “refaire”, comme il disait. Et comme toujours, il avait tout perdu. S’enfonçant toujours un peu plus. Après une énième dispute, où leurs mots avaient été plus durs, plus tranchants, Danny l’avait viré de chez lui. Lui signifiant qu’il ne pourrait revenir que quand il aura accepté de se faire aider.

Les semaines défilèrent et Danny resta sans nouvelle de son petit frère. Il avait essayé, avec l’aide de quelques indics, de le retrouver, mais avait échoué.

— Matthew a fini par appeler les parents, au bout de plusieurs mois de silence, pour leur demander de l’argent. Tu connais, Papa, il a refusé. Maman a failli céder face à ses supplications.
— Et maintenant ?
— C’était l’an dernier. Depuis, plus rien.

Steve releva la tête pour tomber sur les yeux brillants de Danny. Il rampa pour remonter jusqu’à ses lèvres qu’il embrassa tendrement.

— J’ai essayé de le sortir de cette merde, se justifia le blond, énervé contre lui-même. Je l’ai même accompagné à des groupes de parole.
— Ce n’est pas de ta faute, tu m’entends, déclara Steve avec fermeté.
— J’ai peur, avoua-t-il, et s’il lui était arrivé quelque chose ?

Steve ne faisait pas de promesse à la légère, c’est pourquoi il s’abstint de répondre, se contentant d’enrouler ses bras autour de Danny et de les faire rouler sur le côté pour pouvoir l’enlacer correctement. Il comprenait mieux pourquoi tout le monde évitait le sujet. C’était comme triturer une plaie ouverte.

Il ne put s’empêcher de penser que s’il avait été là, peut-être qu’il aurait fait une différence. Il se fit la promesse de le retrouver et de le ramener. Refusant d’envisager le pire. Il était vivant et bientôt, il serait là avec eux, c’était la seule option acceptable.

Notes:

On met en place la suite la suite, quand même.

Bonne semaine à toutes

XOXO

Chapter 16: Chapitre 16

Notes:

Pour me faire pardonner mon retard, je vous poste un chapitre qui fait deux fois la taille de mes chapitres habituels ;)

J'espère que ça vous plaira...

Sur ce, bonne lecture !

Chapter Text

Chapitre 16

 

Quand les voitures de police déboulèrent à toute vitesse devant la demeure McGarrett et que les officiers en sortirent en trombe, ils purent entendre un coup de feu et un cri déchirant le calme paisible du quartier.

— STEVE !

Pourtant, à peine 48 h avant, dans cette même demeure, retentissaient des cris d’une toute autre nature.

 

 

— Oui…là, s’écria Danny. T’arrête pas, gémit-il le souffle saccadé.
Leurs hanches claquaient bruyamment. Les coups de reins se firent plus brutaux. Steve s’accrochait désespérément aux cuisses de Danny.
— Putain, Danno, grogna-t-il.

Quelques poussées supplémentaires et ils jouirent ensemble. Il leur fallut plusieurs minutes pour reprendre leur souffle et avoir le courage de bouger. Ils se nettoyèrent sommairement et retournèrent se jeter sous les draps. Steve se colla derrière Danny et de son bras enroulé autour de sa taille, le rapprocha. La journée avait été riche en émotion, leurs têtes tout juste posées sur l’oreiller, qu’ils se laissèrent emporter par Morphée.

Quand Steve émergea quelques heures plus tard, le soleil n’était pas encore levé. Il profita encore un peu de la chaleur du corps contre le sien. N’arrivant pas à se rendormir et ne voulant pas réveiller Danny, qui avait cruellement manqué de sommeil ces dernières semaines, il se glissa discrètement hors des draps. Quitte à ne pas dormir, autant faire quelque chose d’utile. Il fit donc un détour par son ancienne chambre pour récupérer le terminal sécurisé et alors qu’il allait refermer la caisse, une boîte en bois ciré, gravée de motifs Celtes, accrocha son regard. Repensant à sa conversation avec Danny, il l’attrapa au passage.

L’heure qui suivit, Steve sirota son café fraichement coulé en examinant les fichiers envoyés par Joe, la veille. Il fit craquer les muscles de son cou, maltraités par sa position. Il avait besoin d’une pause. Prenant sa tasse pour se resservir, il regarda, une fois de plus, la boîte.

Il prit place sous le lanai, pour profiter du levé du soleil. Sa tasse dans une main et ladite boîte sur les genoux. Les premiers clichés étaient récents, mais les faisant défiler un à un, il remonta le temps. Des photos de ses parents avec Clara et Eddie. D’autres avec Mary, Stella, Bridget et Matty. Il serra les mâchoires en pensant à ce dernier. Des photos de Danny et lui. Il s’arrêta sur une photo de Clara, les cheveux virevoltants autour de son visage. Debout sur une plage avec un Steve tout sourire dans ses bras et un couché de soleil en arrière plan. L’image ressemblait à une carte postale, colorée de nuances roses-orangées et agrémentée de petites touches de bleu.

Steve fixait le cliché les représentants, avec nostalgie, et caressa de son pouce, le surnom tracé de cette écriture malhabile propre à l’enfance.

“Moi et Mara”

Au sein de leur ohana, Clara était la seule à ne pas travailler. Entre Eddie qui était pompier, donc souvent appelé à s’absenter, à l’instar de John, et Doris qui, bien que faisant un métier qui ne nécessitait pas une disponibilité de chaque instant, avait quand même des obligations, il fallait bien que quelqu’un s’occupe des enfants. Et c’est avec joie, que la blonde s’adonnait au rôle de mère au foyer.

C’est donc avec elle que Steve, et plus tard, Mary, passaient le plus de temps.

— Ma…, avait commencé le petit garçon qui, se rendant compte de son erreur, rectifia, …ra…
— Mara ? J’aime bien, avait ri, Clara, en ébouriffant affectueusement la tignasse brune.

 

Sortant des méandres de ses souvenirs, Steve réalisa qu’il n’avait toujours appelé ses “parents” adoptifs.

— Oui, allo !
— Bonjour, fit Steve, d’une voix mal assurée.
— Eddie ! s’écria Clara, des sanglots dans la voix. Tu vas bien, mon chéri ?
— Ça va…
— Tu n’es pas blessé ? Quand rentres-tu ? On s’est tellement inquiétés.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Eddie, légèrement affolé.
— C’est, Steve…
— Quoi, Steve ? Il lui est arrivé quelque chose, paniqua le patriarche.
— Si tu me laissais finir, espèce d’andouille, le réprimanda gentiment, Clara.
— Salut, sourit Steve, sa voix retentissant à travers le haut-parleur.
— Comment vas-tu, mon grand ? l’interrogea Eddie avec empressement.
— Tout va bien. Je suis rentré hier, confessa-t-il.
— Et tu n’appelles que maintenant ? s’offusqua, quelque peu, Clara.
— Je suis désolé.
— C’est pas grave. Il a le droit de se reposer, non ? intervint Eddie, l’important c’est que tu sois rentré entier !

Ils parlèrent encore quelques minutes, avant qu’Eddie ne prenne congé pour aller travailler.

— Tu me jures que ça va ? insista Clara, quand ils furent de nouveau seuls.
— Oui, Mara, je te le jure.

Face au surnom, depuis longtemps oublié, la blonde se retrouva la gorge nouée. Si entendre Steve l’appeler maman, avant son départ, l’avait émue, ce petit nom avait bien plus de signification.

— Désolé d’avoir mis si longtemps a revenir, s’excusa Steve.

Clara sembla comprendre le double sens de sa déclaration et son sourire s’élargie alors qu’elle essuyait une larme qui dévalait sa joue.

— Tu es là, maintenant, renifla-t-elle discrètement.

Steve promit de venir les voir dans la journée. Avant de raccrocher, Clara reprit la parole, d’un ton plus léger.

— Danny est avec toi ?

Personne ne pouvait le voir, mais par tic, il se frotta la nuque, mal à l’aise.

— Oui, souffla-t-il d’un air coupable.
— Rappelle lui qu’il a une mère, veux-tu, demanda Clara avec humeur. Allez, bisous, chéri. À tout à l’heure.

Steve termina son café et se releva pour retourner dans la maison, mais à peine eut-il franchi la porte de la cuisine que son téléphone vibra dans sa poche. Sur l’écran, s’affichait un numéro qu’il ne reconnaissait pas.

— McGarrett !
— Bonjour, Commandant. Je suis désolée de vous déranger à une heure si matinale, mais j’ai besoin de vous.

Ne souhaitant pas lui exposer le problème au téléphone, la Gouverneure Jameson lui demanda de passer à son domicile le plus vite possible.

Il ferma le terminal et le remit dans son coffre, le cachant dans bureau de son père. Il prit sa douche en trois minutes, comme d’habitude et s’habilla en un temps record. Avant de sortir de la chambre, il vérifia que Danny avait bien réglé son réveil, parce qu’il avait cours ce matin.

Il lui laissa un mot à côté de la cafetière et quitta la maison.

“Jameson m’a appelé, je ne sais pas encore pourquoi, elle ne voulait pas en parler au téléphone.
Je te tiens au courant dès que j’en sais plus.

Passes une bonne journée.
Je t’aime
S.”

 

Le trajet jusqu’au domicile de la Gouverneure se fit rapidement, les routes étants encore désertes à cette heure. Il présenta sa carte d’identification militaire pour passer la sécurité et fut conduit directement au second étage. Il prit note de toutes les issues, fenêtres, caméras de surveillance et nombre de gardes.

La pièce était grande, richement décorée, tout en restant assez sobre. Deux portes : une derrière lui et une à l’autre bout de la pièce, sur le mur de gauche. Trois grandes fenêtres habillaient le pan de mur sur sa droite.

— Madame la Gouverneure sera là dans un instant, l’informa la jeune femme qui l’avait reçu, avant de prendre congé.
Steve resta debout quelques minutes, mais ne voyant pas la Gouverneure arriver, il prit place dans l’un des fauteuils —le plus proche de la sortie— qui faisaient face au bureau.

Quand cette dernière apparut enfin, Steve se leva derechef pour la saluer, tel un bon petit soldat.

— Madame, déclara-t-il en carrant les épaules, les mains jointes dans le dos.

Ce n’est pas tant le respect qu’il portait à la personne que celui qu’il portait à la profession.

— Merci d’être venu aussi vite, Commandant, s’exclama-t-elle en désignant, d’un geste de la main, les sièges derrière lui.
— Puis-je savoir pourquoi je suis là ? demanda-t-il sans ambages en s’asseyant.
— J’ai besoin de vous sur une affaire, commença-t-elle.

Steve croisa les bras, attendant patiemment qu’elle poursuive, préférant garder le silence pour le moment.

— Le département de police a reçu un appel anonyme indiquant qu’une femme était en danger, sans autre information. Quand les policiers sont arrivés sur place, ils ont trouvés une femme d’origine asiatique, à peine consciente. Elle semble avoir été attaquée. Divers blessures et plaies ouvertes. Les médecins soupçonnent des blessures internes, mais elle ne se laisse pas approcher.
— Je vous arrête, intervint Steve, en quoi ça me concerne ?
— Nous n’avons rien, expira-t-elle. Même pas son identité. Elle ne parle que japonais. Comprend-elle seulement ce qu’on lui dit ? s’interrogea-t-elle, à voix haute. Écoutez, Commandant, comme je vous l’ai dit à votre retour, il y a des dysfonctionnements dans mon service de police. Sinon, des gens comme Victor Hesse ou encore les Yakuzas, ne viendraient pas s’établir à Hawaii. Je veux que vous puissiez voir par vous-même à quel point l’archipel a besoin de quelqu’un comme vous. Et puis, vous êtes spécialisé dans les affaires concernant l’Asie et le Moyen-Orient.

Elle lui tendit une chemise qui semblait ne contenir que quelques malheureuses feuilles. Si c’était là, le dossier concernant cette affaire, c’était un euphémisme que de dire qu’ils n’avaient rien.

— Je sais que vous êtes en vacances et que vous n’avez pas encore pris de décision concernant ma proposition, mais acceptez au moins de rencontrer le Lieutenant Kelly, il pourra vous en dire plus. Si après l’avoir vu, vous décidez de ne pas vous charger de cette enquête, je me soumettrais à votre décision, lui assura-t-elle. Il me semble que vous vous connaissez, ajouta-t-elle.

Steve acquiesça en attrapant le porte-documents et salua la Gouverneure avant de prendre congé. En quittant la propriété, il partit directement pour le poste de police d’Honolulu.

Quand il pénétra dans leurs locaux, il revit son père, dans son uniforme, assis derrière son bureau. Il n’était pas revenu ici depuis la mort de sa mère, mais rien n’avait changé. Les murs revêtaient toujours cette couleur jaune sale, délavée par les années. L’odeur caractéristiques de café, de beignet et de sueur. Les meubles couverts de dossiers qui s’entassaient. Tout l’inverse de ce qu’il avait connu dans la Navy : désordonné et bruyant.

— Aloha, s’annonça-t-il à l’agent d’accueil, Commandant Steve McGarrett. Je voudrais voir…
— Steve, s’exclama une voix familière.

Un sourire se dessina sur ses lèvres avant qu’il ne se retourne pour faire face à l’ancien co-équipier de son père.

— Chin’ho, salua-t-il chaleureusement, en étreignant l’officier.

Chin Ho Kelly avait quelques années de plus que Steve et Danny. Ils avaient fréquenté les mêmes écoles, mais toujours en décalage. Steve avait pris sa place en tant que quarterback de l’équipe de football du lycée quand Chin avait obtenu son diplôme. Il avait suivi les pas tracés par sa famille et avait intégré l’école de police. Il avait été l’élève de son père, avant de devenir son co-équipier.

Alors que Chin allait prendre la parole, Steve le devança.

— Si on allait boire un café ? On sera plus tranquille pour parler.
— Pas de problème, mon frère, acquiesça l’autre, sans se départir de son sourire.

Steve le suivi du regard, alors qu’il se dirigeait vers un bureau. Il ouvrit le tiroir à l’aide d’une clé qu’il sortit de sa poche. Récupéra un dossier qu’il plaqua contre son torse. Le Seal étudia son comportement tout en analysant la réaction des policiers présents. Personne ne semblait y prêter attention.

 

— Je suis désolé pour ton père. Je voulais venir te voir à l’enterrement, mais tu avais l’air occupé, se moqua gentiment Chin, en soufflant sur sa tasse.

Ils s’étaient installés à la terrasse d’un café situé à quelques pas du commissariat.

— Tu m’as vu parler avec Jameson, comprit-il.

Le flic hocha la tête et Steve entreprit de lui raconter les évènements depuis son retour sur l’île. De la proposition de la Gouverneure à son arrivée, jusqu’à son appel le matin même, en passant par la traque de Victor Hesse, son opération en Irlande et sa prise de congé.

— Quelle vie ! Ton père n’avait pas menti.
— Comment ça ?
— Tout le monde connaissait le fils de John McGarrett, lui avoua-t-il, L’invincible Navy Seal, s’exclama Chin, avec emphase. Quand des flics se plaignaient du boulot, des heures de travail ou des horaires, il leur rappelait que veiller et défendre l’archipel, était le moins qu’ils pouvaient faire. Qu’ils ne savaient pas ce que c’était d’être vraiment épuisé, mais de continuer quand même. De ne pas avoir de chez soi, d’endroit où ils sont en sécurité et d’être conscient que la mort vous guette à chaque instant, mais ne suffit pas à vous faire reculer, rit Chin. Il était fier de toi.

Steve le regarda, surpris et légèrement mal à l’aise. Il se frotta la nuque, le remercia et s’empressa de changer de sujet. Revenant à l’affaire.

Chin lui apprit que la maison dans laquelle la femme avait été trouvée appartenait à un couple d’occidentaux, en séjour sur le continent. Ils n’avaient pas réussi à prendre ses empreintes pour vérifier si elle était dans le fichier central de la police et son visage était tellement tuméfié qu’il leur était impossible de recourir à la reconnaissance faciale. Mais le plus important restait de pouvoir l’ausculter pour prévenir toute blessure qui pourrait potentiellement être mortelle.

— Vous n’avez pas pu tracer l’appel ?
— Malheureusement, la personne a appelé directement le poste de police et l’appel a été bref. L’agent n’a eu ni le temps ni la présence d’esprit de demander à ce que l’appel soit localisé.
— Ça aurait permis, à minima, une triangulation du périmètre. Peu importe que l’on doive faire du porte à porte sur tout un pâté de maisons, s’agaça quelque peu, Steve.
— Tu comprends pourquoi la Gouverneure te veut ? Face à l’ambiguïté de ses propos, il rectifia, veut que tu diriges une unité spéciale.
— J’avais compris, rigola-t-il. Où est la victime en ce moment ?
— Au Queen’s Center.
— Bien.

Sans attendre, Steve paya leurs consommations et ils partirent pour l’hôpital. Ou ils avaient devant eux une banale histoire d’agression sur une touriste, ou quelque chose de beaucoup plus important. Quoi que ce soit, il fallait qu’il la voit.

 

— Jane Doe, s’exclama Steve, en arrivant devant la porte de la chambre. Très original !

Il abaissa la poignet et entra dans la chambre aussi doucement que possible. La femme était endormie. Pas la moindre machine, même pas une perfusion.

— À priori, la situation n’a pas vraiment évolué, souffla-t-il, en vérifiant le dossier, toujours vierge, accroché au pied du lit.

Le visage de la femme était encore couvert de sang ce qui empêchait d’avoir une idée précise de ses blessures. Steve put remarquer la lèvre inférieur fendue, le nez qui paraissait cassé, une arcade ouverte, ce qui expliquait en grande partie la quantité de sang et la région orbitaire droite hypertrophiée. De l’arcade sourcilière à la pommette. Si bien qu’il était certain qu’elle ne pouvait ouvrir son oeil.

Steve enregistrait mentalement toutes ses informations avec un détachement qui ne laissait rien transparaître de la colère qui l’animait. Ses observations terminées, il fit signe à Chin de le suivre et ils quittèrent la pièce.

— Les blessures visibles sont caractéristiques, soupira-t-il.
— Elle a été rouée de coups, acquiesça Chin.
— Ça ne ressemble pas à une simple attaque. On s’est acharné. C’est personnelle, conclut le Seal. Pour le moment nous sommes limités. Le plus important est de réussir à la faire soigner. Est-ce qu’il y a eu effraction ?
— Oui, un carreau de la porte arrière a été brisé.
— Essais de voir si tu arrives à joindre les propriétaire de la maison. Ont-ils un système de sécurité ainsi que des caméras reliées à leurs portables ? Avec un peu de chance, ils ont peut-être reçu une alerte et des images. Les voisins ont peut-être vu quelque chose de suspect, énuméra-t-il. Essayant de ne rien négliger.

— Je m’en occupe, lui assura, Chin. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Je sais pas, mais quand je le saurai, je te le dirai, lui promit-il. Pour l’instant, on garde tout ça sous silence. Moi, je vais rester avec elle et essayer de gagner sa confiance. Tiens-moi informé si tu as quelque chose.

 

Tandis que Chin quittait l’hôpital, Steve prenait place, aussi loin que possible du lit, sur la seule chaise qui trônait dans la chambre.

Quelques minutes plus tard, la victime se réveillait en sursaut l’air hagard. Elle ne le remarqua pas immédiatement, mais quand elle le vit, elle se mit à paniquer.

— Koko kara deteike ! DETEIKE ! (Sortez d’ici ! SORTEZ !)

Steve se leva de son siège…

— Sawaranaide kudasai ! (Ne me touchez pas !)

Il s’inclina vers la femme, en signe de respect et montra ses mains.

— Ochitsuke, souffla-t-il, watashi wa anata o kizutsukemasen. (Calmez-vous, je ne vous ferez aucun mal.)

La respiration de la femme était rapide et ses inspirations courtes. Il resta immobile et attendit patiemment qu’elle se calme. Il aurait été plus rassuré si elle avait été reliée à des appareils lui permettant de vérifier ses constantes.

— Yukkuri to suikomu, lui dit-il en joignant le geste à la parole. (Inspirez lentement)

En restant à bonne distance, il fit plusieurs exercices de respirations. Le visage de la femme était baissé et elle se refusait obstinément à le regarder, mais après plusieurs inspirations elle sembla se calmer.

— Hajimemashite watashi wa Steve McGarrett desu, se présenta-t-il. Watashi wa anata o mamoru tame ni koko ni ima. (Je m’appelle Steve McGarrett. Je suis là pour vous protéger.)

Pour les japonais, les mots ne signifient pas grand chose, les actes eux, ne mentent pas. Il devait lui prouver ses dires. Il reprit place sur la chaise et dans l’intention de ne pas paraitre menaçant, posa ses avants-bras sur ses cuisses et dirigea son regard vers le sol. Les rouages de son cerveau tournaient à plein régime.

Des hypothèses se formaient d’elles-mêmes, qu’il démontait tout aussi vite. Il se promit de retrouver le ou les coupables et de les faire payer, mais sa priorité était là, allongée dans se lit d’hôpital, le visage tourné vers la fenêtre et le regard perdu au loin.

Elle devait avoir une famille, quelqu’un qui l’attendait et qui s’inquiétait. Son mutisme ne facilitait pas l’enquête. Était-elle en état de choc ? Avait-elle honte ? Refusait-elle de parler parce qu’elle connaissait son agresseur ? Tant de questions pour lesquelles il n’avait aucune réponse. Elle pouvait être séquestrée, faire partie d’un trafic sexuel dirigé par les Yakuzas. C’était une possibilité parmi une multitude d’autres. Et parmi tout ça, la probabilité qu’elle puisse être recherchée.

Steve allait tenir la police à l’écart tant qu’il n’en saurai pas plus. Quand son père s’était approché un peu trop près des Yakuzas, leurs liens avec des flics véreux avaient couté la vie de sa mère, il ne ferai pas la même erreur.

Et il resta assis là, en silence, durant des heures. Il mentirait s’il disait que tout allait bien. Ses jambes étaient engourdies, il avait les épaules tendues et les fesses endormies. Mais ce n’était que des détails sans importance. Il attendrait le temps qu’il faudrait pour faire tomber ses murs, au moins en partie.

Alors que l’après midi était déjà bien entamé, le silence qui régnait dans la chambre fut interrompu par l’arrivée d’un médecin qui entra sans prévenir. Steve se leva derechef pour se placer devant l’importun.

— ĪE ! se mit à crier la femme, comme une litanie. (Non !)
— Ochitsuke, l’apaisa-t-il. (Calmez-vous.)
— Que faites-vous ici ? demanda-t-il en se tournant vers l’homme. L’ordre était simple : personne ne devait entrer dans cette chambre, gronda-t-il.
— Écoutez, monsieur. Qui que vous soyez, c’est mon hôpital et c’est ma patiente. Elle doit être auscultée et je…
— C’est commandant, rugit-il, et quand bien même vous seriez propriétaire de cet hôpital que j’en aurais rien à foutre. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?
— Anata wa keisatsukan desu ka ? intervint la victime. Sur son visage, Steve pouvait lire la trahison et la peur. (Vous êtes policier ?)
— Īe, affirma-t-il vexé, shikashi, kare ga tadashī desu. Anata wa isha ni anata o mite morau hitsuyō, plaida-t-il doucement. (Non, mais il a raison. Vous avez besoin de voir un médecin.)

Ils se fixèrent pendant un moment. Quoi qu’elle chercha dans le regard de Steve, ce qu’elle y vit dû la convaincre parce qu’elle hocha discrètement la tête.
— Koko ni itakunai, murmura-t-elle, la voix rauque. (Je ne veux pas rester ici.)
— Dōi shimasu ka ? (Vous êtes d’accord ?)
— Koko nai ! répéta-t-elle, un peu plus fort, mais la tête toujours baissée. (Pas ici !)
— Wakatta, acquiesça-t-il. (Très bien.)

Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour prendre une décision et mettre en place un plan d’action. Il se rappela soudain qu’ils n’étaient pas seuls et se tourna de nouveau vers le médecin.

— Il me semble vous avoir demandé de sortir d’ici et je n’aime pas me répéter.

L’homme perçut la menace à peine voilée et sortit de la chambre en trombe.

— Vous parlez anglais, hein, sourit-il, mais face aux tremblements qui commencèrent à secouer la femme, il se reprit. Hé, tout va bien, ce n’était pas un reproche. Je sais que je vous en demande beaucoup, mais pour que je puisse vous aider, il va falloir que vous me fassiez confiance.

Elle hocha à nouveau la tête et Steve savait qu’il n’obtiendrait rien de plus.

— Je vais me retourner pour que vous puissiez vous habiller et nous sortirons d’ici.

La femme fit ce que Steve lui avait dit sans poser de question. Ne voulant prendre aucun risque, ils sortirent de l’hôpital par une porte de secours, sans passer par l’accueil. Le chemin se fit en silence. Il était certain que ses questions resteraient sans réponses alors, à quoi bon. C’était trop tôt. Le temps était son meilleur allié. Inutile de se précipiter, il pouvait attendre parce que tant qu’elle resterait avec lui, elle serait en sécurité.

Il n’entendit le son de sa voix qu’une fois qu’ils furent garés.

— Où sommes-nous ? demanda-t-elle inquiète.
— Chez moi. Il n’y a pas un seul endroit où vous serez plus en sécurité, croyez-moi, lui assura-t-il.

Steve prenait garde à se déplacer lentement. Pas de gestes brusques qui pourraient effrayer son invitée. Il lui montra la chambre d’ami et la salle de bain attenante.

— Si vous avez besoin de quelque chose, je suis en bas, promit-il avant de sortir de la pièce en fermant la porte.

Il passa par sa chambre pour se rafraichir et se changer et se dirigea d’un pas pressé vers la cuisine. Il n’hésita pas longtemps et face au café, c’est la bière qui l’emporta. Prenant place sous le lanai, il profita d’être seul pour passer quelques appels.

Il commença par informer Chin qu’il l’avait fait sortir de l’hôpital pour l’amener chez lui. Ils firent un rapide débrief. Chin avait réussi à joindre les propriétaire de la maison dans laquelle la victime avait été trouvée, mais comme ils s’en doutaient, ces derniers ne savaient rien. Ils n’étaient pas en vacances sur le continent, ils y vivaient. Cette maison n’était qu’une résidence secondaire où ils venaient deux fois par an. Quant aux voisins, personne n’avait rien remarqué.

En un mot : ils étaient toujours à la case départ.

— Tu connaitrais pas un médecin en qui tu as une confiance aveugle ? demanda Steve.
— J’ai peut-être quelqu’un, réfléchit l’hawaiien. Je vais l’appeler.
— Merci, Chin’ho !

Il mit fin à l’appel et composa directement le numéro de Clara, qui décrocha à la seconde sonnerie. Il s’excusa de ne pas être venu comme il l’avait promit. Il lui résuma sa journée, de l’appel de la Gouverneure à son retour chez lui et le pourquoi de cet appel.

— Ça devient une habitude, se fustigea-t-il.
— Ce que tu fais là, est bien plus important, assura Clara. Tu me prépares un café ?!

Steve fit couler une grande cafetière, il allait sans doute en avoir besoin. Il jeta un oeil à sa montre. Danny finissait le travail dans un peu plus d’une heure et il avait prévu de repasser par son appartement. Devait-il lui dire de rester chez lui ? Ç’aurait été plus correct pour la femme qui occupait la chambre d’ami. Mais s’il devait être honnête avec lui, il n’en avait aucune envie. Ça allait peut-être vite, mais ils étaient restés si longtemps séparés que la simple perspective de ne pas dormir ensemble l’irritait. Il avait passé sa vie à être et à faire ce qu’on attendait de lui. Il ne voulait plus faire ça.

 

Comme Clara l’avait promit, il ne tarda pas à entendre frapper à sa porte. Il désactiva l’alarme avant de lui ouvrir.

— J’ai tout ce que tu m’as demandé, chantonna-t-elle en passant devant lui.

Quand elle le vit immobile, tenant toujours la poignet de la porte d’entrée, elle fit demi-tour pour déposer un baiser sur sa joue.

— Contente de te voir, mon chéri !
— Moi aussi, Mara, sourit-il puérilement.

Elle secoua la tête et lui rendit son sourire. Elle lui fit ensuite la liste de ce qu’elle avait dans son sac. Des affaires de toilettes, des vêtements et tout ce dont une femme pourrait avoir besoin.

— Merci, acquiesça-t-il. Ça devrait aller. Vous avez à peu près la même corpulence, elle est juste plus petite.

Ils montèrent les marches en silence. Steve était à l’affût du moindre bruit suspect, mais le silence qui régnait à l’étage ne le rassurait pas pour autant.

— Je préfère te prévenir, dit-il en faisant face à Clara, son visage est très enflé et elle n’a pas encore était soignée.

La blonde se contenta de hocher la tête avant qu’il ne frappe pour s’annoncer.

— C’est Steve, je vais entrer, prévint-il en ouvrant la porte.

Son coeur se serra quand il la vit assise sur le bord du lit, la tête basse et les yeux dans le vide. Elle n’eut qu’un léger sursaut, qui trahissait ça conscience de ce qui l’entourait. Il pouvait dire en la regardant qu’elle n’avait pas bougé depuis qu’il l’avait laissée. Tout comme il pouvait dire que c’est par honte qu’elle refusait de lever la tête.

— Je vous présente…, il s’interrompit. Comment qualifier celle qui était comme une mère pour lui, la seule qui lui restait d’ailleurs. Ma mère, termina-t-il, sans regarder Clara. Je lui ai demandé de vous apporter des affaires pour que vous puissiez prendre une douche et vous changer.

C’était le mot juste pourtant. Ce n’était ni une amie ni une tante et encore moins sa belle-mère. Elle était comme une mère adoptive, mais une mère quand même. Il avait parfois l’impression de renier sa mère biologique, mais le fait était qu’il n’y pouvait rien. C’est ce qu’il ressentait.

— Daijōbu ? s’enquit-il devant son silence. (Ça va ?)
— Hai, souffla-t-elle en opinant. (Oui.)

Steve se retrouvait démuni face à la détresse que dissimulait cette femme. Il connaissait assez bien les japonais pour savoir qu’il ne pouvait rien faire pour l’aider, à part lui laisser de l’espace et trouver les ordures qui lui avait fait ça.

— Laisse nous, tu veux, lui demanda Clara, en le ramenant à la réalité. On s’en sortira très bien toutes les deux, sourit-elle en regardant la femme avec bienveillance.

 

Il ne saurait dire combien de temps il resta seul à tourner en boucle les évènements de la journée, espérant y trouver un détail qui lui aurait échappé. C’est un message de Chin qui le sortit du marasme qu’étaient ses pensées.

 

— Le bureau du médecin légiste, Chin ? fit-il, en regardant l’entrée du bâtiment, perplexe. Quand tu m’as dit de te rejoindre, je n’avais pas imaginé “ça” !
— Max est un ami. J’ai une confiance aveugle en lui, affirma-t-il. Et crois-moi, il n’a pas été facile à convaincre.

Chin ouvrit la marche, les guidant dans le dédale des couloirs, alors que Steve prit la dernière place, mettant l’inconnu en sécurité entre eux.

La pièce était assez vaste et bien rangée. Un bureau assez simple occupait son centre, des étagères et armoires habillaient les murs et un piano droit trônait devant les fenêtres. La cloison de gauche était formée, en partie, par des vitres qui laissaient voir la salle d’autopsie. Contre toute attente, ça ne ressemblait pas à ce que Steve avait déjà vu. L’endroit était glauque de par sa fonction, mais la décoration le rendait presque chaleureux.

— Lieutenant Kelly, salua gaiement un homme qui déboula de nulle part. Vous avez été rapide.

Le médecin légiste, supposa Steve, était d’origine asiatique. Une taille équivalente à celle de Danny et des traits joyeux cachés derrière ses lunettes. Il serra la main tendue.

— Max Bergman, Steve McGarrett, les présenta Chin.
— Je sais qui est le Commandant, annonça Max avec fierté, et vous devez être ma patiente, sourit-il en s’adressant à la femme qui était près de Steve et qui n’avait pas bougé depuis leur arrivé dans son bureau.

Steve était sûr que l’air joyeux et débonnaire de Max avaient rassuré la femme, qui le suivit sans qu’il n’ait besoin d’intervenir.

— Koko kara wa ugokanai, affirma-t-il avec sérieux. (Je ne bougerai pas d’ici.)
— Arigatō gozaimasu, murmura-t-elle en s’inclinant et Steve en fit de même. (Merci beaucoup.)

 

Ce simple mot ne signifiait peut-être pas grand chose, mais ils venaient de faire un autre pas l’un vers l’autre. Il doutait qu’elle accepte de parler, mais elle avait confiance en lui et il ne prenait pas ça à la légère.

 

— Alors, Max ? demanda-t-il avec empressement quand le médecin revint dans le bureau.
— Aucun organe ne semble touché, ça c’est la bonne nouvelle, annonça-t-il, le nez a été fracturé à plusieurs reprises, mais au vu de la cicatrisation, la dernière fracture date de deux mois. De nombreux os sont calcifiés. Il n’y a rien que nous ne puissions faire à ce stade. Les opérations sont lourdes pour réparer ce type de blessures et à moins qu’elle en souffre par la suite, je ne saurais que trop lui conseiller de ne rien faire. Pour son nez, il lui faudra passer par de la chirurgie esthétique, si elle le souhaite. Par endroit, il y a plusieurs couches de tissu cicatriciel ce qui rend l’examen plus compliqué, mais malgré toutes ses blessures, il apparait que la plus grave de toute reste la blessure psychologique.

Steve ferma les yeux, la bile lui montant dans la gorge, à la pensée de la réponse qui suivrait sa prochaine question.

— À-t-elle subi des sévices sexuels ?
— Oui, acquiesça le médecin, désolé.
— Merci, Max, souffla Steve avec gratitude en lui serrant la main.
— Je vous en prie, Commandant !

 

Steve s’imprégnait de la brise qui se levait avec le coucher de soleil. Installé confortablement sur son transat, le visage dirigé vers le vent, profitant de la caresse. Les mots de Max tournaient en boucle, emplissant ses pensées. Médicalement parlant, elle irait bien. Les plaies cicatriseraient, les hématomes se résorberaient et les diverses douleurs et courbatures finiraient par passer, mais pour ce qui en était du traumatisme psychologique, rien n’était moins sûr.

L’examen avait aussi permis à Steve de faire un premier tri dans la multitude d’hypothèses que son cerveau hyperactif avait élaboré. Maintenant, il avait la certitude qu’elle n’était pas une touriste. Elle connaissait la personne responsable de son état. Elle était maltraitée depuis bien longtemps, son corps ne pouvait mentir.

Il ne tressaillit pas quand des mains frôlèrent ses épaules et glissèrent jusqu’à son torse. Steve pencha la tête de côté pour donner, aux lèvres audacieuses, l’accès à son cou.

— Bonsoir, souffla-t-il.
— Est-ce que je réussirais à te surprendre, un jour, ronchonna le nouvel arrivant.
— J’espère pas, sinon je suis bon pour la retraite, rit-il.

Steve plaça ses jambes de chaque côté de la chaise longue et tapota l’espace devant lui. Danny ne se fit pas prier pour venir s’allonger contre lui. D’instinct, les bras de Steve se refermèrent autour du corps de Danny.

— Comment s’est passée ta journée, bébé ?
— Bébé ?
— Ouais…je sais pas…ça m’a échappé, balbutia le professeur, en rougissant.

Une main autoritaire attrapa son menton et le força à tourner la tête.

— Bébé, ça sonne bien, plastronna Steve, faisant rire Danny, ce qui était le but.

Il posa délicatement ses lèvres sur celles de son amant. Il n’y avait pas d’urgence, pas de bataille. Juste leurs bouches qui se retrouvaient, se touchaient, se caressaient. D’un même soupir de soulagement, ils se laissèrent envelopper par la quiétude. Danny s’enfouit un peu plus dans l’étreinte chaleureuse, reposant sa tête contre le torse de Steve. Ce dernier resserra ses bras avec satisfaction.

Ils restèrent un bon moment à ne profiter que d’eux. Avant que Steve ne se mette à conter sa journée.

— Où est-elle, maintenant, le questionna Danny.
— Elle dort dans la chambre d’ami, indiqua-t-il. Il était presque l’heure de manger quand nous sommes rentrés, mais elle n’avait pas faim. Elle est parti prendre une douche et elle s’est couchée directement après.
— Si nous allions faire comme elle, proposa Danny.

Et c’est ce qu’ils firent. Heureux de se débarrasser de leurs vêtements. Ils se glissèrent sous les draps et s’enlacèrent, cette fois, peau contre peau et c’est tout ce dont ils avaient besoin. Il ne leur fallut que quelques minutes pour rejoindre le pays de songes.

 

Ce sont des bruits de pas et des murmures étouffés qui réveillèrent Steve au beau milieu de la nuit. Il essaya de s’éloigner de Danny et de récupérer son bras aussi discrètement que possible, en vain.

— Qu’est-ce que…

Steve le bâillonna de sa main et lui fit signe de se taire.

Il se leva, ouvrit la porte sans un bruit et resta caché dans l’ombre de la mezzanine. Il avait du mal à entendre tout ce que disait la femme. Seulement quelques bribes lui parvinrent, mais c’était suffisant.

— Alors ? l’interrogea Danny avec une curiosité non dissimulée.
— Elle a appelé sa fille, l’informa Steve en se recouchant.
— Qu’est-ce que tu vas faire ?
— Je vais retracer l’appel et si je n’obtiens pas d’adresse, je pourrais toujours faire une recherche avec le prénom de sa fille. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de Mikayo à Hawaii, lui confia-t-il.

Elle venait de lui donner la clé pour résoudre cette affaire.

 

À suivre…

Chapter 17: Chapitre 17

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Chapitre 17

 

Quand Steve referma la porte de la chambre derrière lui, le pouls de Danny s’accéléra encore. Il comptait les secondes qui semblaient s’étirer.

Ne le voyant pas revenir, il fit ce que Steve lui avait demandé et envoya un message à Chin.

Il regrettait de ne pas l’avoir suivi pour couvrir ses arrières. Peu importe que Steve ait l’habitude de tout décider seul, ils étaient deux maintenant. Ronchonner l’aidait à calmer ses angoisses. Jusqu’à ce que des bruits de luttes lui parvienne.

Il ne savait pas quoi faire. Pris entre ce que Steve lui avait demandé et son besoin d’aller voir. Ses pensées chaotiques furent interrompues par un coup de feu. Il ne put retenir le cri qui déchira sa gorge.

— STEVE !

Aux petites lueurs de l’aube, Steve profita d’être le seul déjà réveillé pour suivre la piste laissée par l’appel nocturne de leur victime. Il se mit à l’abri d’éventuelles oreilles indiscrètes en se cachant dans le garage.

— Salut, Cath !
— Aloha, matelot ! Ça fait un bail, le réprimanda-t-elle. Que puis-je pour toi ?
— Tu me vexes, là, fit-il, faussement offusqué.
— Steve, je te connais, lui rappela-t-elle un sourire dans la voix. Alors ?

Le Lieutenant Catherine Rollins travaillait dans le renseignement naval. Elle était basée sur l’USS Enterprise. Ils avaient fait une partie de leurs classes ensemble à Annapolis. Très vite leurs routes s’étaient séparées, mais quand ils en avaient l’occasion, ils appréciaient se retrouver pour un verre ou plusieurs et passer la soirée à se remémorer le bon vieux temps.

Steve lui communiqua son numéro de fixe.

— Je veux le numéro qui a été composé de cette ligne, vers 3 h du matin.

Il pouvait entendre ses doigts taper frénétiquement sur le clavier et quelques bips sonores en arrière fond. Steve n’avait aucun mal à revoir l’intérieur du navire. Les dortoirs et ses couchettes trop exigües, les salles communes, les posts de commandements et cette forte odeur de renfermé. Son endroit préféré avait toujours été le pont. De là, il pouvait admirer le soleil qui plongeait dans les eaux agitées.

— 808-821-3499.
— Merci, Cath, la gratifia-t-il en notant le numéro. Est-ce que tu as une…
— Adresse ? Bien sûr, mon Commandant, dit-elle avec humour. J’ai triangulé la position, indiqua-t-elle, j’affine la recherche. Tu as de quoi noter ? J’ai la dernière adresse à laquelle à borné ce numéro et l’identité des propriétaires, annonça-t-elle avec fierté, après quelques secondes de silence.

Il prit note et raccrocha, non sans lui avoir promis un restaurant à sa prochaine escale dans l’archipel. Il envoya directement les informations à Chin.

“M. et Mme Yamamura
1865 Randall Drive à Waipahu
Cherche dans leur entourage, une jeune fille prénommée Mikayo et tiens-moi au courant.
Merci.”

 

La femme descendit quand Steve finissait de préparer le petit déjeuner. Elle accepta l’invitation silencieuse en prenant place sur l’un des tabourets bordant l’îlot central. Steve voyait ses difficultés à se déplacer. Chaque geste était douloureux. Il esquissa un mouvement pour l’aider, avant de se raviser.

La femme fut surprise en découvrant l’homme en short et t-shirt, un torchon posé négligemment sur son épaule. Il paraissait détendue et confiant. Elle percevait chez lui une étrange contradiction. Une force effrayante et un calme rassurant. Un homme capable de tuer — elle ne doutait pas qu’il ait déjà fait — et une bienveillance qu’elle n’avait que trop rarement rencontrée. D’instinct, son corps refusait qu’on l’approche, mais quand il lui souriait, ce même instinct lui disait de lui faire confiance sans réserve.

De façon plus curieuse, elle trouvait étonnant de voir un homme en cuisine. Chez elle, cette tâche était réservée aux femmes. Elle se surpris à sourire et baissa la tête derechef.

Steve vérifia le planning de Danny, qu’il avait prit soin d’accrocher au réfrigérateur. Il n’avait cours que l’après-midi le vendredi et ne devait récupérer Grace que le lendemain. Il n’allait donc pas se lever tôt. Steve rangea la tasse supplémentaire et prit place en face de son invitée.

Le déjeuner se passa dans le silence le plus complet. C’était déjà un miracle qu’elle accepte d’avaler quelque chose, il n’allait pas la faire fuir en l’attaquant dès l’aube. Pendant qu’il attendait des nouvelles de Chin, Steve l’examina discrètement. Dépourvue du sang qui, la veille, recouvrait sa peau, il était plus aisé de voir son visage. Son oeil avait commencé à désenfler et les bleus, rougeurs et autres marques revêtaient désormais quelques nuances de jaunes.

Les plaies étaient refermées par des pansements, pour les plus bénignes, et des points de sutures, pour les plus profondes.

“Max a vraiment fait du bon boulot, pensa-t-il.”

— McGarrett, annonça-t-il, en décrochant avec un peu trop d’empressement, quand son téléphone vibra sur le bois.
— Tu peux parler ? demanda Chin.
— Je t’écoute, s’exclama-t-il. Ce que Chin traduisit par : non, mais toi, oui.
— Elle s’appelle Ryôko Kudo. Mariée à Thomas Bennett, flic au département de police d’Honolulu.

Cette information expliquait beaucoup de choses. Une alarme clignota dans la tête de Steve et il vit passer au premier plan, l’une de ses hypothèses.
— Leur fille, Mikayo est dans la même classe que Lahela Yamamura, révéla Chin.
— Mahalo, Chin’ho. Je te rappelle.

Deux options s’offraient à lui et il priait pour que la première fonctionne. Il n’avait aucune envie de débarquer chez les Yamamura, mais il le ferait s’il y était obligé. Il prit une grande inspiration et s’appuya sur le plan de travail, conservant une bonne distance entre la femme et lui. Les bras croisés sur son torse, il se lança.

— Êtes-vous prête à me parler, Ryôko ?

Pour la première fois depuis leur rencontre, elle releva la tête et le regarda droit dans les yeux.

— Comment ?
— Je vous l’ai dit, souffla-t-il. Je suis là pour vous protéger et pour ça, il faut que je sache qui vous êtes et qui vous a agressée. Sans votre identité, j’était coincé à la case départ. J’ai pensé vous laisser du temps ou faire faire un portrait robot quand vos blessures auraient suffisamment guéries, lui expliqua-t-il. Et puis, cette nuit vous avez appelé votre fille. Vous êtes en sécurité avec moi, lui promit-il.
— Vous m’avez entendue ?
— J’ai le sommeil léger, sourit-il
— Vous êtes un Navy Seal, affirma-t-elle soudainement.

Face au froncement de sourcils du brun, elle précisa.

— J’ai vu les photos accrochées aux murs, dans la salle à manger.

Ce fut comme une évidence. Pour qu’elle puisse reconnaître l’écusson qu’arborait son uniforme c’est qu’elle avait un lien avec les militaires.

— Oui, m’dame, confirma-t-il. Dans quel corps d’armée était-il ?
— Les Marines, murmura-t-elle en tournant la tête vers la fenêtre. Il était basé à Naha quand nous nous sommes rencontrés.

La jeune Ryôko était en faculté de droit et de lettres à l’université de Nishihara, dans la préfecture d’Okinawa, ville d’où elle et sa famille étaient originaires. Elle ne vivait pas sur le campus puisque ses parents habitaient à 15 minutes de l’université, en transport. Studieuse, sa vie se résumait à aller en cours, rentrer chez elle pour faire ses corvées et étudier jusqu’à l’heure du coucher.

Venant d’une famille importante, son avenir était tout tracé et jamais il ne lui était venu à l’esprit de discuter ce fait. Jusqu’à ce qu’elle rencontre le 1ère classe Thomas Bennett alias Tommy. Il était affecté au camp de base des Marines à Naha, à quelques kilomètres de Nishihara.

Ils s’étaient simplement aperçus dans les transports en commun. Leurs regards s’étaient croisés quelques secondes avant qu’elle ne descende à son arrêt. La semaine d’après, il l’attendait à la même place. Et ça devint une habitude. Ils se voyaient durant 15 minutes, une fois par semaine.

Elle avait eu peur de ce qu’elle ressentait pour lui. Les sentiments qu’il faisait naître en elle lui étaient étrangers. Elle se sentait attirée par lui, elle le désirait de toute les façons possibles.

— Je n’ai su que deux mois après son transfert pour Pearl-Harbor que j’étais enceinte. Quand mes parents l’ont découvert, ils ne m’ont pas laissé beaucoup de choix. Ou je me faisais avorter ou ce n’était plus la peine de revenir. Mais je ne pouvais pas, je l’aimais et je portais son enfant, ironisa-t-elle en secouant la tête. J’étais tellement naïve, se fustigea-t-elle.
— Vous ne pouviez pas savoir, rectifia Steve.
— Non, mais quelques mois après mon accouchement, quand ça a commencé, j’aurais dû partir tout de suite. Au départ, ce n’était que des disputes, des éclats de voix et puis très vite ce fut des bousculades. J’avais vu ça chez mes parents, se justifia-t-elle, je pensais que c’était comme ça que ça fonctionnait. Mais quand la première gifle est arrivée, il était déjà trop tard. C’était insidieux, je ne m’en suis pas rendu compte, mais petit à petit, il m’a coupée du monde extérieur. Je ne connais personne ici et je suis une étrangère dans mon propre pays, déclara-t-elle tristement. Vous savez ce que ça fait de ne plus savoir qui vous êtes ni où est votre place ?

Ô oui, il ne pourrait peut-être jamais percevoir l’enfer qu’avait vécu cette femme à qui on avait tout volé, jusqu’à sa dignité, mais il connaissait que trop bien ce sentiment qui gratte à la surface et vous détruit à petit feu. Au point de n’accorder que peu d’importance à ce qui pourrait vous arriver.

D’un simple regard, ils se comprirent.

— Vous avez fait ce qu’il fallait pour survivre, la rassura-t-il.
— Non, le contredit Ryôko, j’ai fait ce que je devais faire pour protéger ma fille. Ma survie n’était nécessaire que jusqu’à ses 18 ans, avoua-t-elle, en baissant la tête.

Il aurait voulu la relever, lui dire qu’elle n’avait pas à avoir honte, mais il savait qu’il ne devait pas la toucher. Tout comme il savait que ses mots n’auraient aucun poids. Ce n’est pas en si peu de temps qu’elle pourra surmonter des années de maltraitance. Il allait lui falloir du temps pour se reconstruire et ça ne serait possible qu’une fois qu’il aurait éliminé la menace.

— Vous êtes prête à aller jusqu’au bout ?
— Hai, affirma-t-elle. Qu’est-ce que vous allez faire ?
— Moi ? Pas grand chose. Je vais juste faire en sorte qu’il me trouve, annonça-t-il, fier du plan qui venait de germer dans son esprit. Vous avez confiance en moi ?

Elle acquiesça avec sérieux.

Pouvait-elle percevoir la colère qui émanait de tout son être et qu’il essayait tant bien que mal, de maîtriser ? L’adrénaline coulait dans ses veines comme de la lave en fusion. Son corps trépignait d’impatience à l’idée de se retrouver face à cet homme.

 

— Qu’est-ce que tu fais ici ? gronda-t-il en découvrant Danny derrière sa porte d’entrée. Il me semble t’avoir envoyé un message.
— Oui, j’ai vu ça, lui répondit le blond, sur le même ton.

Il essaya de pousser le Seal pour entrer dans la maison, mais ce dernier campait sur ses appuis.

— Je répète, qu’est-ce que tu fous ici ?

Danny reconnaissait la posture de Steve. Il l’avait aperçue peu avant son départ pour l’Europe. Le visage fermé, la voix autoritaire et les muscles tendus. Plus le temps avançait et plus il arrivait à faire la distinction entre “son” Steve et le Navy Seal. Ce heurter à Steve quand il était en mode Commandant était comme ce heurter à un mur. Il n’arriverait à rien par la force, mais il avait d’autres arguments.

— Où est-elle ? Qu’est-ce que tu as en tête ? l’interrogea-t-il. Tu m’excuseras, mais ton message était pauvre en détails.
— Elle est en sécurité et ça ne te concerne pas. Rentre chez toi, lui ordonna Steve.
— Et si je refuse, qu’est-ce que tu vas faire ?

Les yeux de Steve ne cessaient de scanner les environs. Chaque minute passée à découvert les mettait en danger, eux, mais aussi son plan. Devant l’insistance du blond, il grogna et attrapa son bras sans ménagement pour le faire entrer.

— Quand je me suis levé ce matin, la maison était vide et un simple mot laissé sur ton oreiller m’expliquait qu’il y avait du nouveau dans l’enquête et que tu m’appellerais plus tard. Sauf que je n’ai eu droit qu’à un message plusieurs heures plus tard, m’indiquant de rester chez moi. Qu’est-ce qui se passe ? demanda Danny, d’un ton plus mesuré.
— Plus tard ! Tout ce que tu dois savoir, c’est qu’un homme va venir ici pour récupérer notre victime et sûrement avec l’intention de m’éliminer au passage, énonça-t-il calmement.
— Tu plaisantes, j’espère. Et comment sait-il où tu vis ?
— J’ai fait ce qu’il fallait pour.

Danny savait qu’il n’aurait pas dû venir. Il savait aussi que la réaction de Steve était justifiée, mais il ne pouvait pas rester dans l’ignorance. Il ne supportait pas l’idée d’être laissé à l’écart pendant que le brun risquait sa vie.

 

— T’es sûr de ton coup ? lui demanda Danny pour la énième fois.
— Oui, s’exaspéra-t-il.

Ils étaient tous les deux installés dans la chambre de Steve. Chin était posté un peu plus loin dans la rue, riant doucement en les écoutant se disputer dans son oreillette.

Steve ne voulait pas de Danny ici et il ne manquait pas de lui faire ressentir. N’ayant aucune idée du temps qu’il leur restait avant que Bennett ne débarque, Steve avait dû capituler, ordonnant à Danny d’aller se cacher à l’étage et il avait obéi.

Steve coupa son micro quelques minutes, leur octroyant un peu d’intimité. Il était difficile d’être près de Danny sans pouvoir le toucher.

— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je prends des forces, sourit Steve en se penchant sur Danny pour l’embrasser, le forçant à s’allonger.

Ses mains remontèrent ses flans et vinrent se poser sur ses joues.

— Promets-moi de faire ce que je te dis, souffla-t-il sur les lèvres entrouvertes, de ne prendre aucun risque.

Inconsciemment, il abaissa légèrement et furtivement ses barrières, permettant à Danny de lire la peur au fond de ses prunelles bleues et le blond acquiesça sans discuter. Ils s’embrassèrent une dernière fois et Steve vint poser son front sur les lèvres rougies. Danny déposa un baiser sur la peau offerte et l’entendit prendre plusieurs inspirations. Quand il se redressa, les yeux du Seal étaient vides de toutes émotions.

Dans son métier, il avait l’habitude d’attendre des heures, immobile, mais la patience était une vertu dont le blond était dépourvu. Il n’eut pas besoin de parler, d’un regard, Danny arrêta de gesticuler. Heureusement pour leurs nerfs, déjà mis à rude épreuve, Chin se manifesta enfin.

— Il y a du mouvement.

Steve fit signe à Danny de ne plus faire de bruit. Il se leva, vérifia son SIG, qu’il glissa dans l’étui attaché autour de sa cuisse. Sa main passa dans son dos pour sortir la lame rangée dans son gilet tac. Il prit un autre semi-automatique et le tendit vers Danny.

— Tu ne bouges pas d’ici. Si dans deux minutes, je ne suis pas remonté, envoie un message vierge à Chin, il comprendra, ordonna-t-il, sa voix à peine plus forte qu’un murmure.
— Pourquoi tu me donnes ça ?
— Passé ce délai, si quelqu’un passe cette porte, tu tires, répondit-il simplement.
— Et si je te tires dessus par erreur, lui fit remarquer, le blond.
— Si c’est moi, tu le sauras, lui assura-t-il.

Danny l’avait déjà vu faire, mais il était toujours impressionné de voir Steve se déplacer dans le noir sans difficulté et sans le moindre bruit.

Steve prit une dernière grande inspiration en refermant la porte de la chambre. Il lui fallait contrôler chaque mouvement, chaque respiration et chaque muscle pour ne faire aucun bruit. Il se vida l’esprit et se mit à avancer dans l’obscurité.

Il descendit les escaliers en évitant les marches qui craquaient. Un pas après l’autre, il vérifia chaque pièce. Il entendit la poignée de la porte arrière grincer et se colla à la cloison entre le bureau et le couloir. Il vit une ombre s’allonger sur le sol. L’homme avançait en direction du salon. Il attendit qu’il dépasse sa position et se glissa derrière lui.

— Hé ! souffla-t-il.

L’intrus se retourna brusquement, un revolver à la main. Steve le désarma d’un coup de pied et rangea sa lame dans son dos.

— Il parait que tu aimes cogner, siffla-t-il avant que son point ne rencontre la mâchoire de Bennett. Ça tombe bien, moi aussi.

Steve frappait pour repousser son adversaire ; parait les coups et esquivait, mais rien de plus. Son désir de vengeance refusait d’abréger le combat. L’homme se rua sur lui et son dos heurta un mur. Il lui mit un coup de genou dans le ventre, attrapa à deux mains la veste de son assaillant et l’envoya au sol.

L’ancien Marine ramassa son arme en se relevant. Steve attrapa son bras, le coinça contre son flan et de son coude, frappa violemment le nez de Bennett. Un rictus de satisfaction étira discrètement ses lèvres en entendant les os se briser. La balle partit directement se loger dans le mur d’en face avant que l’arme ne rencontre le parquet, dans un bruit sourd.

— STEVE !

Le crie de Danny perça l’obscurité, distrayant Steve, qui reçu un coup derrière la tête ; assez fort pour le sonner quelques secondes.

— T’es pas seul, se réjouit l’homme.

La menace à peine voilée fit réagir Steve. Il avait assez joué. Ses bras passèrent derrière lui, autour du cou de Bennett. Il le fit passer au-dessus de lui. Il l’accompagna dans sa chute, jusqu’à ce que son dos percute brutalement le sol.

D’une main ferme, il tint son poignet et lui tordit le bras. Il emprisonna sa tête dans l’étau formé par ses jambes. Exerçant une pression suffisamment forte pour que l’homme perde connaissance.

Surpris par le spectacle auquel il venait d’assister, Danny mit quelques secondes à réagir et allumer la lumière.

Toujours au sol, Steve leva les yeux pour voir son amant descendre les marches et se précipiter vers lui.

— Tu vas bien ? demanda Danny, légèrement paniqué.
— Très bien, sourit-il en acceptant la main tendue par le professeur.

Il prit en coupe le visage de ce dernier et écrasa ses lèvres sur les siennes, l’embrassant avec urgence. L’adrénaline qu’il sentait encore couler dans ses veines, rendait la caresse brutale et désespérée. Danny répondit au baiser avec la même violence ; soulagé que le Seal soit indemne.

Quand les policiers débarquèrent sans prévenir dans la pièce, ils étaient toujours en train de s’embrasser. C’est le bruit qui les fit se séparer. Accueillis par le sourire bienveillant de Chin, en tête de file.

— Content de te revoir, s’exclama l’hawaiien en offrant une accolade à Danny.
— Moi aussi !

Steve retourna Bennett, qui reprenait doucement connaissance, lui sangla les mains avec un serflex et le releva sans ménagement.

— Tu vas passer un bon moment à l’ombre, souffla-t-il à l’oreille de l’ancien Marine. D’après ce que j’en sais, ils réservent un traitement tout particulier aux flics. Je te le confie, lança-t-il à Chin en poussant l’homme vers lui.
— Avec plaisir, mon frère, répondit ce dernier. Je m’occupe de la paperasse, lui indiqua-t-il avec un clin d’oeil.
— Mahalo !

Steve fit le tour de la pièce pour vérifier s’il n’y avait pas trop de dégâts. Il était assez fier de lui. Aucun meuble n’avait été cassé. Il lui faudrait juste retirer la balle qui s’était logée dans le mur du salon et reboucher le trou.

— Tu n’as pas perdu cette mauvaise habitude de me distraire quand il ne faut pas, reprocha-t-il avec tendresse, en se retournant pour faire face à Danny. Tu le faisais déjà quand on était jeune et que je me bagarrais, lui rappela-t-il.
— Cette fois-ci, tout ce à quoi je pouvais penser quand je te regardais te battre, c’était à quel point tu étais sexy. Tu crois que c’est grave ? demanda Danny l’air faussement coupable.
— Je crois que la question mérite d’être approfondie, murmura-t-il en effleurant la bouche du blond. Mais ça devra attendre. J’ai des gens à te présenter.
— Là, maintenant ? Au beau milieu de la nuit ?
— Fais-moi confiance, ils ne dorment pas, assura-t-il.

 

— Il faudra aussi qu’on parle de ton problème de contrôle, commença Danny, alors qu’ils se dirigeaient vers la voiture.
— Tu ne t’en es jamais plaint, il me semble, lui fit remarquer Steve de manière suggestive en lui frappant doucement les fesses.

Le rire de Danny emplit l’espace restreint de la voiture et c’est dans cette ambiance joueuse et légère qu’ils prirent la route en direction de la base d’Hickam.

Notes:

Je voulais traiter d'un sujet important pour cette première enquête. J'espère ne pas m'être plantée.

N'hésitez pas à me laisser votre avis.

Bonne semaine à toutes ;)

Chapter 18: Chapitre 18

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Chapitre 18

 

       

         Les haut-parleurs jouaient Have a nice day de Bon Jovi, les vitres de la Mustang étaient ouvertes est l’air de la nuit, qui s’infiltrait par les ouvertures, était doux. La route défilait sous leurs yeux, chichement éclairée par la lune. Les paysages étaient noyés dans l’obscurité et le ciel était tapissé d’étoiles. Seul les gesticulations de Danny venaient perturber la tranquillité de l’instant.

— Peux-tu arrêter, s’il te plait, demanda gentiment Steve.

Pour toute réponse, Danny soupira et posa ses mains sur ses genoux, essayant de les immobiliser.

— Dis-moi ce qui ne va pas.
— Rien, répondit Danny, sur un ton hésitant.
— Tu peux mentir à qui tu veux, mais pas à moi, Danno, l’encouragea-t-il.
— Ça me stress de ne rien savoir, soupira Danny.
— On a un peu de temps. Qu’est-ce que tu veux savoir ?
— Tout ! affirma le professeur.

Steve commença par lui parler des informations fournies par Catherine qu’il ne nomma pas. De l’appel de Chin et des révélations de Ryôko.

— Violences conjugales, hoqueta Danny, le fils de pute avec qui tu t’es battu tout à l’heure c’était son mari, répéta-t-il, essayant de digérer les paroles de Steve.
— Je sais, assura le Seal, partageant sans aucun doute les mêmes pensées.
— Tu sais ce qu’il s’est passé ?
— Ryôko ne se souvient pas exactement de ce qui a déclenché sa colère ce matin-là. Comme il était en congé, il est parti pêcher en mer et c’est Mikayo qui a retrouvé sa mère étendue sur le sol. À peine consciente. Elle ne lui a pas laissé le choix et l’a sortie de la maison. Elles ont essayé d’aller aussi loin que possible et quand Mikayo n’a plus réussi à soutenir sa mère, elle l’a cachée dans la maison la plus proche. Elle a appelé la police avant d’aller chez son amie, comme Ryôko le lui a dit. Toute ses années, Bennett a fait croire à sa femme que si elle appelait les flics, il le saurait tout de suite. Qu’entre policier, ils se couvriraient. Alors elle a cru que c’était la fin. Qu’elle ne s’en sortirait pas cette fois-ci, expliqua Steve, la mâchoire serrée.
— Mais ça ne me dit pas comment il t’a trouvé, insista Danny, qui avait besoin de comprendre.
— En rentrant chez lui et en trouvant la maison vide, il allait tout faire pour retrouver sa femme. Il ne pouvait en parler à personne, alors il irait chercher des indices où il y en a…
— Au poste de police, termina Danny.
— Exactement, sourit Steve. Alors, j’ai semé des indices ; comme un papier sur le bureau de Chin avec mon nom, celui de Mikayo et un point d’interrogation ; un rapport d’intervention avec des blancs… Il n’avait plus qu’à me chercher dans la base pour avoir mon adresse, conclut-il avec un haussement d’épaules.
— Bien joué ! Et pour Ryôko ?
— Je les ai mises en sécurité, elle et sa fille.

Les bases de Pearl Harbor-Hickam se profilèrent devant eux et Danny le regarda perplexe.

— Tu te souviens de mes amis, Alice et Sanchez ? demanda Steve. Danny hocha la tête et il ajouta, il n’y avait pas d’endroit plus sûr.
— Ils habitent ici ?

Pour toute réponse, Steve sourit bêtement, fier de son effet. Quelques secondes plus tard, ils passaient le premier poste de sécurité. Danny était assez impressionné. Que ce soit par l’étendue des bases, l’ordre qui y régnait ou l’attitude des soldats de garde à leur passage.

Après un énième contrôle, Steve se gara devant la maison des Sanchez, dont la lumière du salon était allumée. Danny eut un reniflement dédaigneux.

— Quoi ? l’interrogea Steve, les sourcils froncés.
— C’est exactement l’image que je me faisais de ce genre de quartier résidentiel : Maisons quasiment identiques, peintures impeccables, pelouses tondues au millimètre près, énonça-t-il.
— C’est bon, tu as fini ?

Danny le fixa, avant de se mordre la lèvre inférieure en signe d’excuse et de hocher la tête. De son pouce, Steve libéra la lèvre meurtrie et déposa un léger baiser dessus.

— Il faudra également qu’on parle de cette mauvaise manie, gronda Steve, les yeux pétillants.

Danny n’était pas dupe. Il savait quel effet ce simple geste avait sur son amant. Surtout à cet instant, où l’adrénaline courrait encore dans ses veines. De sa main, le professeur vint caresser la mâchoire anguleuse. S’y attardant plus que nécessaire.

— Elle te manque, lui demanda Steve.

Le Seal avait fini par se raser avant son rendez-vous avec la Gouverneure. Arborant désormais une légère repousse de deux jours. Les poils piquaient la pulpe des doigts de Danny, qui se surprenait à aimer la sensation.

— C’est comme les cheveux, ça repousse, haussa-t-il les épaules.

Il attrapa le menton de Steve entre son pouce et son index et l’entraina vers le bas pour capturer sa bouche. Le brun mit fin à l’échange au bout de quelques secondes. Ce qui était bien trop rapide au goût de Danny, qui soupira.

— Il vaut mieux qu’on sorte de cette voiture avant que je ne te prenne sur la banquette arrière, avoua Steve.

Un gémissement de frustration se fit entendre quand il quitta l’habitacle, le faisant sourire. Comme à son habitude, Steve contourna la maison pour entrer par la porte arrière. Il ne prit pas la peine de frapper pour ne pas réveiller les enfants et entra directement dans la cuisine.

Ses amis l’avait sûrement repéré depuis qu’il s’était garé devant chez eux. Il ne fut donc pas surpris en découvrant Alice qui les attendait, appuyée contre le plan de travail, juste à côté de la cafetière en marche.

Quand leurs yeux se croisèrent, elle s’avança d’un pas sûr et vint l’enlacer, glissant ses bras autour de sa taille et collant sa joue sur son coeur. Le plus grand se pencha dans l’étreinte, semblant l’envelopper tout entière.

Alice releva la tête pour regarder Steve. Ils n’avaient jamais eu besoin de mot pour se parler. Elle déposa un smack sur ses lèvres.

— T’inquiètes pas, tu t’y habitueras, souffla une voix grave aux accents latins, faisant sursauter Danny.
Un homme à la peau mate, d’une carrure similaire à la sienne, mais avec quelques centimètres de plus, était sorti de nulle part, se postant à côté de lui.

— L’idiot de mari ? supposa Danny en tendant la main.
— Lui-même, répondit-il en riant.
— On ne flirte pas, Sergent, l’apostropha Steve.
— Si tu me piques ma femme, il va bien falloir que je trouve des bras pour me consoler, annonça Sanchez comme une évidence.

Alice se couvrit le visage partagée entre l’hilarité et l’exaspération. Elle ne pouvait malheureusement pas nier que c’était une des raisons pour lesquelles elle était tombée amoureuse de lui. Elle aimait les idiots. Il suffisait de rencontrer son meilleur ami pour s’en rendre compte.

— Danny, je te présente Alice.

Le blond tendit la main, mais cette dernière la rejeta d’un petit coup sec et le prit dans ses bras.

— Je suis contente de te connaître enfin, lui assura-t-elle chaleureusement.
— Viens là, s’esclaffa Steve en s’approchant de Sanchez, fais pas ton timide. Je sais que je t’ai manqué.
— Si tu savais, acquiesça le plus petit en se jetant dans l’étreindre d’ours, offerte par le Seal.

Ils s’installèrent à la table de la cuisine et les garçons acceptèrent avec joie le café fraîchement préparé. Ils parlèrent à demi-mots de la dernière mission de Steve, de son début de vacances raté et de Danny. Au grand dam de ce dernier.

Le temps passait vite et bientôt, les premiers rayons de soleil s’infiltrèrent par les fenêtres. Steve, qui s’installait toujours face aux ouvertures, fut le premier à voir apparaître Ryôko dans l’encadrement de la porte.

— Vous avez réussi à vous reposer un peu ? lui demanda-t-il doucement en venant à sa rencontre.

Elle hocha la tête et son regard se porta derrière Steve. Ce dernier le suivit et sourit.

— Ryôko, je vous présente, Danny.

Le blond se leva à son tour et se posta aux côtés de son amant. Il essaya de concentrer son regard sur ses yeux, mais il lui était difficile de faire abstraction des blessures et ecchymoses qui défiguraient son visage. Il esquissa un mouvement pour serrer la main de la femme, mais se ravisa en la voyant s’incliner. Il l’imita et lui sourit. Avant de sentir le bras de Steve se poser sur ses épaules.

— Watashi no kareshi desu, précisa-t-il avec un air complice et la japonaise sourit. (C’est mon petit-ami.)
— Enchantée, répondit Ryôko en tournant son regard vers l’intéressé.

Steve dut insister pour qu’elle accepte de prendre sa chaise. Il s’appuya contre le plan de travail, face à elle.

— Je suis venu pour vous ramener chez vous, déclara-t-il. C’est fini, Ryôko, vous n’avez plus rien à craindre. Thomas va passer un long moment en prison et en ce qui concerne la Police, ses collègues ne connaissaient même pas votre existence, ajouta-t-il pour apaiser l’inquiétude qu’il lisait dans les yeux de la femme.

Ils restèrent un long moment, juste à se fixer. À mesure que les paroles de Steve s’imprimaient dans l’esprit de Ryôko, ses yeux se faisaient suppliants. Les larmes contenues avec grande peine illuminaient son regard. Steve hocha la tête et ses lèvres se soulevèrent avec affection.

Ryôko n’hésita pas et avec lenteur se leva pour venir étreindre le Seal. Elle cacha son visage par pudeur et laissa couler ses larmes. Déversant son désespoir, sa douleur et son amour déchu. Steve vit la pièce se vider : Sanchez partit dans le salon, alors qu’Alice et Danny sortaient dans la cour arrière.

Danny avait l’air gêné. Il ne savait pas ce que Steve leur avait dit sur lui, sur eux. Il ne savait pas non plus qui ils étaient exactement pour lui.

— Je suis contente pour vous, entama Alice en rompant le silence. Je me dois quand même de te mettre en garde…
— Un truc du genre : “si tu lui fais du mal, je viendrais te tuer dans ton sommeil”, la coupa Danny, en plaisantant.
— Non, réfuta-t-elle sérieusement, Steve n’a besoin de personne pour se défendre. Je voulais juste que tu ais conscience que rare sont les gens à pouvoir l’approcher, mais tu es la seule personne à avoir le pouvoir de le détruire. Ça a sans doute été sa plus grande force, puisque quand il t’a perdu, il a tout perdu. Personne n’a jamais pu le briser, mais tu es, par conséquent, sa plus grande faiblesse, conclut-elle.

Danny continua de regarder devant lui, refusant ostensiblement de l’affronter. Il doutait des dires de la jeune femme. Il avait du mal à imaginer que qui que ce soit puisse détruire son amant. Il semblait si fort, toujours sûr de lui et au-dessus du commun des mortels. Ses souvenirs l’amenèrent bien des années plus tôt. Il repensa à cette fameuse nuit, celle qui avait changé leurs vies à jamais ; la nuit où il avait appris la mort de Doris. Est-ce que l’adolescent qui avait fait irruption dans sa chambre complètement trempé et perdu, existait encore ?

Déjà à cette époque, il était difficile d’atteindre Steve et le voir s’effondrer dans ses bras…
Son coeur se serra au souvenir. Peu importe comment, Steve avait su avancer. Il n’avait peut-être pas fait sa vie, mais il avait continué. Quant à lui, sans Grace, il ne sait pas où il serait. Rachel avait occupé son temps libre, rendant sa solitude un peu plus facile à porter, mais elle n’avait jamais pu, même partiellement, reboucher le trou béant qu’avait creusé Steve en partant.
Ce poids qui l’avait empêché de respirer, ce manque qui l’avait rongé. L’arrivée de sa fille avait été un baume sur ses plaies. Un pansement qui avait contenu les saignements. Steve avait-il ressenti la même chose ?

— J’ai survécu, je ne sais pas comment, à sa perte, mais je sais que je n’y survivrais pas une deuxième fois, avoua-t-il dans un souffle étranglé.

Alice se posta devant lui, ne lui laissant aucune échappatoire et releva sa tête.

— Je suis sûre que tout se passera bien, lui assura-t-elle.

 

Après ce petit aparté, Ryôko réveilla sa fille et le bruit, même discret, que firent les femmes en rassemblant leurs maigres affaires, réveilla les enfants du couple. Leur ainée, Thaïs, 11 ans, avait hérité de la crinière de feu de sa mère, mais d’une nuance plus foncée et des yeux verts parsemés de pépites ocres autour de la pupille. Quand à Ange, 7 ans, lui avait les cheveux noirs de son père et les yeux ambres. Subtil mélange entre les yeux marrons de Sanchez et ceux verts d’Alice.
Tous deux arboraient une peau mate, tannée par le soleil d’Hawaii.

— Hé ! Salut, les cafards, les héla Steve avec affection, quand ils entrèrent dans la cuisine.
— Oncle Steve, s’écria le petit garçon en déboulant comme une tornade dans l’espace personnel du Seal, qui l’attrapa en pleine course.

Comme toute pré-ado qui se respecte, Thaïs conserva son air grincheux, mais ne put empêcher le coin de ses lèvres de se soulever quand le bras de Steve se referma autour d’elle.

Danny sourit face à la scène. Il avait déjà découvert cet aspect de son amant, quand il était près de Grace, mais c’était toujours quelque chose.

— T’avais dit que tu reviendrais vite, lui reprocha la jeune fille, la voix basse étouffée par le tissus du t-shirt de Steve.
— Je suis désolé, ma puce. J’ai manqué de temps ces derniers mois, mais je te promets qu’on va se voir plus souvent, assura-t-il en embrassant ses cheveux.

 

La fatigue se faisant sentir chez les deux hommes, ils ne tardèrent pas à saluer leurs hôtes et à reprendre la route. Il était temps que Ryôko et Mikayo retrouvent leur maison. L’adolescente somnolait sur la banquette arrière, sa tête reposant sur l’épaule de sa mère. Elle n’avait pas dû beaucoup dormir durant les dernières 48 heures.

Steve espérait qu’ensemble elles parviendraient à passer à autre chose et commencer à vivre pleinement. Quand ils arrivèrent devant sa maison, Ryôko la contempla avec appréhension. Pourrait-elle un jour, surmonter tous les souvenirs qui imprégnaient ces murs ?

— Si vous avez besoin de quoique ce soit, n’hésitez pas à m’appeler, lui rappela Steve.

Danny et lui s’adossèrent à la voiture et attendirent que les deux femmes soient rentrées. Au moment de pénétrer dans la maison, Mikayo se retourna et couru jusqu’à Steve qu’elle enlaça brièvement en chuchotant un “merci” et repartit tout aussi vite vers sa mère.

Le trajet de retour fut plus silencieux que l’aller, chacun perdu dans ses pensées. Steve était dérouté. Il essayait de digérer les dernières heures. Il avait la gorge nouée et une sensation étrange lui comprimait la poitrine.

— Toi qui as sauvé des centaines de personnes, tu n’es pas habitué aux remerciements, comprit Danny en le regardant.

Et c’était ça. Toute cette gratitude, toute cette affection…comme s’il ne pouvait pas les assimiler. Comme si elles s’entassaient à la surface, l’étouffant sous leur poids.

 

À peine avaient-ils franchi le seuil de l’entrée que Danny attaqua ses lèvres. Son dos rencontra le bois de la porte et il s’y appuya sans retenue. Ses mains se glissèrent dans la chevelure blonde qu’il maltraita. Ils déversèrent dans ce baiser le trop-plein d’émotions qui les submergeaient.

Les lèvres du blond dérivèrent vers sa mâchoire et son oreille. Un frisson le fit se tendre et il rejeta la tête en arrière, exposant son cou et indiquant à son amant de continuer. Ses doigts se refermèrent sur les cheveux de Danny, le faisant gémir. Il souleva le t-shirt devenu gênant et Steve finit de le retirer.

Danny explora chaque parcelle de son torse. Léchant et mordant ses tétons. Râpant légèrement la peau sensible. Il en voulait plus. Il avait besoin de plus.

— Salle de bain, grogna-t-il.

Ils montèrent les escaliers rapidement, comme deux adolescents, ponctuant leur ascension de baisers et de caresses fugaces. Steve alluma le jet d’eau et commença à déboutonner son jean sous l’oeil impatient de Danny, qui ne tarda pas à l’imiter. Une fois nus, le corps exposé, il y eut un instant de flottement où ils se reluquèrent ostensiblement, avec convoitise, avant de se jeter l’un sur l’autre. Steve entrainant Danny sous la douche.

L’étreinte était sauvage, leurs gestes instinctifs. Danny poussa Steve, qui se laissa faire, jusqu’à ce qu’il soit acculé contre le carrelage froid. Le blond se mit à genoux et referma ses lèvres autour du sexe érigé.

Le souffle de Steve se coinça dans sa gorge. Danny lécha toute sa longueur, enroulant sa langue autour de son gland, le faisant se cambrer et gémir sans retenu. Sa tête appuyée sur le mur, les yeux fermés, il lâcha un peu prise et laissa les sensations offertes par la bouche de Danny l’envelopper.

Le coeur de Danny cognait contre ses côtes. Voir Steve aussi détendu, s’abandonnant entre ses mains, le rendait nerveux. Il n’avait que trop conscience de ce que signifiait ce geste ; de l’effort que faisait le Seal et de la confiance inconditionnelle qu’il lui témoignait.

Avec Steve près de lui, Danny se sentait fort et aventureux. Il voulait tout essayer, tout expérimenter. Ses mains vinrent caresser les fesses du brun. Remontant sur le bas de son dos et suivant, du bout des doigts, les reliefs du tatouage qui arpentait ses hanches et descendait sur ses cuisses.

Les audacieuses se rapprochèrent timidement d’une zone encore inexplorée. Danny le sentit se tendre et ses mains reculèrent, avant que Steve ne les attrape pour les repositionner.

Il s’exhorta au calme quand un doigt mouillé vint masser doucement son anus. C’était inattendu, étrange, mais agréable. Le doigt se fit plus entreprenant, se glissant à l’intérieur de quelques millimètres. Steve se concentra sur la chaleur de la bouche de Danny autour de son sexe. Des dents qui raclèrent légèrement sa longueur et le doigt en profita pour glisser en lui, touchant ses parois et Steve se surpris à écarter un peu plus ses pieds.

Danny lui laissa le temps de s’habituer à l’intrusion avant de débuter un lent va et vient, cherchant sa prostate. Il voulait que Steve sache, qu’il ressente la même chose que lui. Les hanches du brun se mirent à se mouvoir d’elles-mêmes. Oscillant entre s’enfoncer plus profondément dans la bouche de Danny et aller à la rencontre du doigt qui le pénétrait.

Son souffle était rapide. Il avait chaud, sa sueur se mélangeait à l’eau qui ruisselait sur sa peau.

— Putain, grogna-t-il quand Danny toucha sa prostate, exerçant une douce pression.

La sensation était indescriptible. Ses jambes lui paraissaient faible d’un seul coup. Il sentait ses parois se contracter, sa bite palpiter et son bas ventre se tordre. Son coeur battait vite, trop vite. Il avait du mal à reprendre sa respiration. Steve aurait voulu se laisser aller, mais pas comme ça, pas aussi vite. Son corps en voulait toujours plus.

— Arrête, bégaya-t-il en tirant doucement sur les cheveux blonds.
— Je t’ai fait mal ?

Steve glissa ses mains sous les bras de Danny et le releva, écrasant ses lèvres sur les siennes. Le baiser était désordonné et affamé. Leurs souffles se mêlèrent, leurs gémissements se noyant dans l’échange.

Impatient, Steve prit en main le sexe —trop longtemps ignoré— de Danny. Caressant avec envie, profitant du poids confortable qui épousait parfaitement sa paume et se délectant des geignements de son amant.

— Je veux te sentir en moi, souffla Danny contre son torse, alors que ses mains airaient sur le corps de Steve.

Steve cracha dans sa main libre et se frayer un chemin entre les fesses du blond. Il glissa un premier doigt sans trop de résistance et fit quelques mouvements avant d’ajouter un second doigt. Danny ne sembla pas être du même avis et râla paresseusement. Suivant malgré lui, les mouvements.

— Qu’est-ce que tu veux, Danno ? murmura suavement Steve contre son oreille.

Jamais Danny n’avait autant détesté sa taille qu’à cet instant. Il désirait ardemment que Steve le prenne comme ça, debout dans la cabine de douche. Il gémit rien qu’à l’idée de sentir le corps et les muscles du brun se mouvoir derrière lui, mais les vingt et quelques centimètres qui les séparaient, rendaient ce fantasme impossible.

— Je veux que tu me baises…maintenant, s’exclama-t-il essoufflé.

Semblant comprendre ce que désirait vraiment son amant, Steve attrapa ses cuisses et le souleva brusquement, les faisants tourner pour le coincer entre son corps et le mur. Danny enroula instinctivement ses jambes autour de sa taille, libérant ses mains et sans attendre, Steve le pénétra d’un seul coup de reins, jusqu’à la garde.

Danny haleta et ses ongles s’enfoncèrent dans le dos de Steve, le griffant sans réserve. Ils s’embrassaient avec ardeur, l’eau qui coulait sur leurs lèvres se mêlant aux baisers. Juste deux jours qu’ils n’avaient pas fait l’amour et ils avaient l’air de drogués en pleine crise de manque. Cherchant la jouissance qui les soulagerait.

L’étreinte était plus passionnée, plus nécessiteuse, leurs corps se cognants l’un contre l’autre. Ils se nourrissaient de leurs gémissements. Allant chercher dans l’autre, la délivrance. S’accrochant désespérément l’un à l’autre.

Les coups de reins de Steve se firent plus rapides et plus brutaux ; les emmenants sur le bord avant qu’ils ne basculent tous les deux, dans un cri qui résonna fort dans l’espace restreint de la salle de bain.

Front contre front, ils essayaient de reprendre leur souffle. Il leur fallut plusieurs minutes pour qu’ils ne se rende compte que l’eau qui venait à la rencontre de leurs peaux surchauffées, était froide. Steve ferma le jet et Danny se précipita à l’extérieur de la cabine pour attraper sa serviette et s’envelopper dedans.

— Au fait, qu’est-ce que tu as dit à Ryôko, en japonais. Leurs yeux se rencontrèrent et l’éclat de rire de Steve fut presque aussi salvateur et bruyant que l’orgasme qu’ils venaient de partager.

Notes:

Vous avez enfin les derniers détails concernant l'affaire. J'espère que ce chapitre vous a plu.
Faites-le moi savoir en commentaire, ça fait toujours plaisir ;)

Chapter 19: Chapitre 19

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Chapitre 19

 

       Le rire de Steve résonnait encore quand il quitta la salle de bain.

— Steven !

Comme si c’était possible, son hilarité redoubla face au ton inquisiteur de Danny. Il prenait plaisir à faire enrager le petit blond.

— Allez, Danno, viens te coucher, soupira-t-il quand sa tête toucha l’oreiller.

Danny concéda à lâcher, pour l’instant, et termina de se sécher. Quand il rejoignit enfin la chambre, Steve était profondément endormi. D’un sourire attendri, il prit place à côté du brun et vint instinctivement se coller à lui.

 

Steve fut appelé à la base pour un exercice. L’instructeur en charge avait eu un accident de moto et on lui avait demandé de le remplacer au pied levé. “Demandé” n’étant peut-être pas le terme approprié, aurait-il encore fallu qu’il puisse refuser.

C’est de mauvaise humeur et manquant cruellement de sommeil, qu’il se présenta à Pearl-Harbor. Ce n’est pas tant que ça le dérangeait d’entrainer de jeunes SEALs, mais c’était encore un accro dans ses vacances. Sans compter qu’il aurait préféré passer le week-end avec Grace et Danny. Il n’avait pas encore pu voir la petite fille depuis son retour.

— On se rattrapera le week-end prochain, lui promit Danny. Je m’arrangerai avec Rachel.

Avec un soupir à fendre l’âme, Steve acquiesça et se rapprocha pour l’enlacer. Il huma son cou et posa délicatement ses lèvres sous son oreille.

— Tu es conscient qu’on ne se verra pas de la semaine, fit-il remarquer.
— C’est pas grave. Je me trouverai bien quelqu’un pour passer le temps, sourit Danny, avant d’être attaqué par les grandes mains de Steve.

Il finit par se lever, abandonnant son amant aux bras de Morphée.

Son humeur s’était assombrie au fur et à mesure qu’il s’approchait de la base, s’éloignant de l’homme nu qui dormait paisible entre ses draps.

Les Williams, père et fille, profitèrent de la plage privée tout le week-end. Steve avait dû fortement insister pour que Danny accepte de rester chez lui, argumentant que la petite fille serait bien mieux dans la maison que dans son minuscule appartement. De mauvaise grâce, Danny avait acquiescé, mais seulement pour le week-end.
Les deux premiers jours à la base avaient été consacrés à l’accueil des jeunes recrues. Les journées étaient chargées et c’est épuisé, qu’il pénétrait dans sa “chambre” pour se laisser tomber sur sa couchette.

Il avait écourté ses nuits pour avoir le temps de prendre connaissance de ce que l’instructeur avait prévu. Le planning, les exercices, mais aussi le dossier de chacune des recrues.

Steve avait vite repris ses marques, mais les nuits étaient devenues son pire ennemi. Les cauchemars, qui s’étaient raréfiés avec la présence de Danny, étaient revenus. Sans son amant pour mettre sa conscience en sourdine et apaiser son coeur, les cauchemars étaient réapparus plus intense que jamais. Le laissant en sueur, le coeur battant et le souffle court.

Comme il le faisait à l’époque, il s’installa dehors, face à l’océan et regardait la Lune se refléter sur l’eau et bouger au gré des vagues.

— Commandant ? l’interpella un des bleus qui était de garde.
— Bonsoir, sourit Steve, vous n’auriez pas une cigarette ?
— Si Monsieur, bien sûr, répondit derechef le matelot en s’empressant de sortir le paquet de cigarette d’une de ses poches.
— Merci, répondit Steve avec satisfaction en expirant la fumée.

Il n’avait jamais été un gros fumeur, mais c’était une habitude qui l’avait suivi au cours des années et se rappelait à lui durant ses nuits d’insomnie ou en période de stress.

— Tu sais ce que je pense de cette merde, retentit la voix de Joe qui s’installa à sa droite.
— Où t’étais passé ? s’exclama-t-il.
— J’avais quelques petites affaires à régler. Ça va, fiston ?
— Très bien, lui sourit-il, sachant que le plus vieux n’achèterait pas son mensonge.
— J’ai appris pour ton affaire, félicitations, s’exclama Joe en lui tapotant l’épaule. As-tu eu le temps de regarder ce que je t’ai envoyé ?
— Mmm, acquiesça-t-il.
— Et ?
— Il n’y a pas grand chose qu’on ne savait déjà, fit-il remarquer d’une voix neutre.
— Heureusement que tu es là, râla Joe. Ce qui m’intéresse, c’est ta vision d’ensemble. Ce que te dit ton instinct, appuya le plus vieux.
— Il me faut plus que ça, insista Steve.
— Il y a quelque chose que tu sais et que tu ne me dis pas ?
— Juste des soupçons. Écoutes, je connaissais toutes les relations des frères Hesse. Même avec l’argent, les infrastructures et leurs connexions dans le milieu, Victor n’avait aucun moyen de connaitre cette mission et encore moins de savoir où je me trouvais avec exactitude, énonça-t-il.

L’opération de récupération d’Anton avait été coordonnée. Il n’y avait aucune chance que Ji-Woon, le chef du groupe de rebelles, l’ait prévenu à la dernière minute. D’après le dossier que Joe lui avait envoyé, Victor avait pris un vol pour Hawaii, sous une de ses nombreuses identités, le jour où lui-même quittait l’Irak pour rejoindre la Corée du Nord. Ils n’étaient qu’une poignée à être informés de sa mission et comme ils volaient dans le noir, il fallait connaître son plan de vol.

— Où veux-tu en venir ?
— Ça ne peut être que quelqu’un de chez nous, s’exclama Steve, la mort dans l’âme. Mais je n’incriminerai personne tant que j’aurai un doute.
— Steve…commença Joe.
— Pas ce ton là avec moi, Joe. Tu n’es plus mon supérieur, lui rappela Steve.
— Très bien, abdiqua Joe. Qu’est-ce que tu veux faire ?
— Je ne sais pas, soupira Steve. Je dois aussi m’occuper d’autre chose. Devant la mine renfrognée du plus vieux, il poursuivit. Le petit frère de Danny a disparu depuis plus d’un an. Il a fait de mauvais choix, fréquenté les mauvaises personnes et encore une fois…je n’étais pas là.

Sa voix baissa à mesure que ça tête s’inclinait. Une part de lui refusait de penser que Matty pourrait être mort, mais l’autre, plus rationnelle, se demandait déjà comment il allait annoncer “ça” à sa famille.

— Tu n’es pas responsable de la mort de ton père ou de celle de Freddie, martela Joe, comprenant où ses pensées l’emmenaient et pourquoi il se trouvait sur ce ponton en pleine nuit ; en train de fumer.
— Va dire ça à M. et Mme Hart ou encore à Kelly qui va devoir élever leur fille toute seule, persiffla le brun.

Joe savait qu’il ne pourrait rien dire qui calmerait les remords de Steve. Lui seul pouvait faire ce chemin et quelque chose lui disait qu’un petit blond un peu bruyant, dormant à quelques kilomètres d’eux, l’y aiderait.

— Occupes-toi de ta famille. Je vais continuer mes recherches et je te tiendrai au courant. Mais Steve, si je ne trouve rien…
— On avisera à ce moment-là, fit ce dernier pour clore la discussion.

 

De son côté, Danny avait profité au maximum de Grace. Le week-end avait été peuplé de baignade, de soleil et de malbouffe. Un plateau télé et des sucreries partagées devant des dessins-animés. Grace avait fait la moue en apprenant l’absence de Steve.

— Quand est-ce que je vais voir tonton ?
— Bientôt, mon p’tit singe, lui promit-il en embrassant ses cheveux.
— J’aurais aimé qu’il soit là, souffla la petite fille, alors qu’ils étaient blottis sur le canapé.
— Moi aussi, murmura son père pour lui-même.

Plus tard dans la soirée, Danny avait reçu un message, alors que Grace s’était endormie dans ses bras.

“Fais de beaux rêves, Danno. Tu me manques déjà !”

Il s’était finalement endormi, un sourire ornant ses lèvres.

 

C’est le coeur serré qu’il avait ramené Grace chez sa mère, le dimanche soir et avait regagné son appartement. Il ne dormit pas cette nuit-là. Agacé de se retourner dans son lit, il avait fini par capituler et s’était relevé, finissant avachi sur son clic-clac, devant des émissions de télé-achat. Ce fut comme une réminiscence d’un passé pas si lointain. Le lundi se passa dans un flou désagréable. Il n’avait jamais su gérer le manque de sommeil. Ça réveillait ses angoisses et ses idées noires. À contre-coeur, il décida de retourner chez Steve, espérant que dormir dans son lit, apaiserait un peu ses nerfs.

Le succès fut en demi-teinte. Il avait réussi à dormir quelques heures réparties sur toute la nuit. Pas suffisamment pour être reposé, mais assez pour donner le change auprès de ses élèves et de ses collègues. La nuit suivante, il ne ferma pas l’oeil. L’odeur de Steve qui, la veille, imprégnait encore les draps, commençait à se dissiper et Morphée sembla se railler de lui.

Par bonheur, ou pas, il ne travaillait pas le mercredi. Danny ressentait la nécessité inhabituel de parler à quelqu’un. Il avait besoin de soulager son esprit. Il ne pouvait pas se tourner vers sa famille, Steve n’était pas là et il n’avait pas vraiment d’amis. Depuis son retour sur l’île, il avait partagé son temps entre l’Université et Grace, ne laissant aucune place dans sa vie pour de nouvelles personnes.

Quelqu’un qui connaisse sa relation avec le Seal. Quelqu’un en qui il pouvait avoir confiance. Quelqu’un qui ne le jugerait pas, ni lui ni Steve. Il ne devait prendre aucun risque, surtout pour la carrière de son amant. Plus il y pensait et plus un nom s’imposait à lui.

 

— Désolé, je ne sais pas pourquoi je suis venu, s’excusa-t-il, en faisant demi-tour sur le pas de la porte.
— Hé ! le héla la jeune femme en posant une main ferme sur son épaule, je crois au contraire, que tu sais très bien pourquoi tu es là, affirma-t-elle.

Danny la regarda incertain. Il avait peur d’avoir fait une erreur. Elle était la meilleure amie de Steve, pas la sienne. Pourquoi avait-il pensé que ce serait une bonne idée de venir ? Qu’allait en penser le brun ?

— Je ne lui dirais rien si tu ne le veux pas, lui promit Alice en le regardant dans les yeux.

S’il avait encore besoin d’être rassuré, Danny était sûr, sans l’ombre d’un doute qu’il pouvait lui faire confiance. Il ne savait tout simplement pas par où commencer. Et pourquoi ressentait-il maintenant le besoin de parler ? Il avait pourtant réussi à garder son secret. Durant toutes ces années, ses souvenirs avaient refait surface sporadiquement. Peut-être plus à certaines périodes, mais depuis sa conversation avec la petite rousse, il n’arrivait plus à les faire taire.

— J’ai pensé que ça te ferait du bien, se justifia Alice en déposant une tasse de café fumant devant lui. Tu as du mal à dormir sans Steve ?
— Comment tu le sais ?
— Tu t’es regardé dans une glace ? sourit-elle. Et Roberto l’a croisé sur la base. Il lui a dit qu’il passait la semaine ici.
— Roberto ?
— Sanchez, rit-elle. Tout le monde l’appelle par son nom parce qu’il déteste son prénom. Comme le veut la coutume, étant le premier garçon né, il a hérité du prénom de son père, qu’il déteste tout autant. Je suis la seule à l’appeler comme ça.

Ils restèrent silencieux un bon moment. Danny essayait de maitriser la tempête qui faisait rage dans son cerveau et Alice attendait patiemment, laissant tout le temps à son invité de mettre de l’ordre dans ses pensées.

— J’ai beaucoup repensé à ce que tu m’as dit l’autre jour, commença Danny.
— Je suis désolée si j’ai réveillé de mauvais souvenirs, s’excusa Alice.
— Tu n’es pas responsable. Ils n’ont jamais vraiment disparu, avoua-t-il.
— C’est par rapport à Steve ?
— En fait, c’est plutôt en rapport avec son absence. Face au silence d’Alice, il continua. Je ne voulais qu’une chose, c’est oublier. Penser à Steve me faisait tellement mal. Je ne pouvais plus respirer. J’ai passé les vacances d’Été suivant son départ dans un état second. Mes souvenirs sont assez flous. C’est quand je suis entré à l’Université que ça a vraiment dérapé.

Il avait préféré prendre une chambre sur le campus, même s’il aurait pu rentrer chez lui tous les jours. Ses parents n’avaient pas compris, mais sans vouloir se l’avouer, ils devaient être soulagés. Danny était invivable, il en avait conscience, mais n’arrivait pas à contrôler ses pulsions colériques.

Les premières semaines, il était resté en retrait, dissuadant d’un simple regard, toute personne qui tentait de l’approcher. Puis, lors d’une de ses trop nombreuses insomnies, il avait fini dans une fête quelconque, organisée par l’une des fraternités. Il avait bu, beaucoup, jusqu’à perdre connaissance. Il s’était réveillé dans une des chambres, nu et seul, mais il n’avait aucun souvenir de ce qu’il avait fait. Il s’était levé, habillé sommairement et avait décampé derechef.

— As-tu vu un médecin ?
— Si j’avais eu toute ma tête, j’aurai été en voir un, exposa Danny.

Il le fit une fois, puis deux et sans qu’il ne s’en rende compte, c’était devenu une habitude. Répétant inlassablement le même schéma. Quand l’alcool n’a plus suffit à effacer la sensation des mains de Steve sur lui, Danny s’est essayé à la drogue. De simples joints, il était passé aux pilules, puis à la Cocaïne. Il avait réussi, il ne pensait plus à Steve ; il ne pensait plus du tout. Grillant un peu plus ses neurones à chaque soirée. Il couchait avec la première personne qui se montrait intéressée. Aucune d’elles n’était Steve, alors quelle importance.

— Tu n’es pas obligé…
— J’ai besoin d’en parler à quelqu’un et si je m’arrête…je sais que je n’aurais plus le courage de recommencer.
— Danny, souffla Alice la gorge serrée. Comment as-tu réussi à cacher ton état à tes profs et à tes parents ? Personne ne s’est inquiété de ton état ?
— Mes parents ne m’ont pas vu pendant des mois. Je prétextais la tonne de cours et de devoirs donnés par les profs, les accusants d’être des tirants. Quant aux profs, ils ne se préoccupent pas du mental de leurs élèves. Ils ne s’intéressent qu’à leurs notes et encore, renifla-t-il. Cette expérience m’a permis d’être plus attentif aux changements de comportement de mes élèves.

 

Les semaines avaient défilés sans qu’il ne s’en aperçoive. Il n’était plus qu’une coquille vide, s’enfonçant dans une spirale destructrice. Il faisait en sorte de ne jamais être suffisamment sobre et lucide pour voir sa déchéance.

Un soir, comme tous les autres, il avait commencé à boire plus tôt, se préparant pour la fête qui allait suivre. Il avait pris de l’Ecstasy et sûrement d’autres trucs, mais il ne s’en souvenait pas. La soirée battait son plein quand il était monté à l’étage avec un jeune homme. Ils étaient nus, allongés sur un lit, les caresses se faisaient plus poussées, les mains inconnues qui parcouraient son corps lui donnaient envie de vomir.

Il voulait oublier, mais Danny était encore trop conscient. Alors il prit tout ce qu’il put trouver jusqu’à ce qu’il ne sente plus rien.

— J’ai failli mourir ce soir-là, sourit-il amèrement. J’étais stupide et j’ai eu de la chance de ne faire qu’une overdose. C’est un miracle que mes analyses soient revenues négatives. J’aurais pu être séropo, s’agaça-t-il. Après ça, j’ai quitté l’Université et je suis parti vivre chez un de mes oncles dans le New Jersey.
— C’est à ce moment-là que tes parents ont tout découvert ?
— Ils ne savent rien.
— Mais comment tu as justifié l’abandon de tes études et ton départ ?
— Je leur ai dit que l’économie ne me plaisait plus et que je voulais retourner sur le continent. Le départ de Steve et Mary avait été dur pour tout le monde. On avait tous perdu des membres de notre famille et mes parents le comprenaient mieux que quiconque.
— Comment tu t’en es sorti ?
— J’ai intégré l’école de Police, sourit-il. Je n’étais pas vraiment accro à l’alcool ou à la drogue. J’étais accro à l’inconscience que me procuraient ces substances. Le plus difficile c’était de ne pas pouvoir le pleurer. Les gens savaient que j’avais perdu mon meilleur ami, mon frère, mais personne ne pouvait comprendre ce qui nous liait réellement Steve et moi. Ce secret me tuait, murmura Danny.

Malheureusement, c’était toujours le cas et son coeur se serra à cette réalisation. Ils devront en parler tôt ou tard.

— Je suis tellement désolée que vous ayez dû souffrir autant avant de vous retrouver, souffla Alice.

Ils changèrent de sujet et la conversation devint plus légère. Danny se surprit à ne pas avoir envie de partir. Alice lui proposa de rester avec eux, mais il déclina en la remerciant. Il se sentait mieux et avait une folle envie de dormir. En repartant, il ne put s’empêcher de penser à Steve. Il était si proche et pourtant hors d’atteinte. Son badge de visiteur ne lui permettait pas d’aller plus loin.

C’est tout de même le coeur apaisé qu’il s’écroula sur le lit, serrant l’oreiller de Steve contre lui.

 

 

Comme la première fois où Steve avait mis les pieds dans l’amphithéâtre, toutes les têtes se tournèrent dans sa direction. Il fut flatté, mais dut attendre quelques secondes avant que le seul regard qui importait ne se pose sur lui. Un immense sourire étira les lèvres de Danny quand il le vit.

La sonnerie annonçant la fin du cours retentit et il patienta sagement que tous les élèves aient quitté la salle avant de dévaler les marches le menant à son amant. Sans attendre, il se jeta sur sa bouche. Ils s’embrassèrent comme s’ils ne s’étaient pas vu depuis des semaines. La douceur de leurs lèvres, qui se caressaient, s’unissaient, contrastait avec la rudesse de leurs gestes. Steve referma ses bras autour de Danny et ce dernier s’agrippa au dos de sa veste de treillis.

— Tu m’as tellement manqué, souffla Danny sur sa peau.
— Pas tant que moi, rétorqua-t-il en souriant contre les lèvres du blond.

Il ne pourrait jamais se lasser du corps de Steve contre le sien. Danny devait faire appelle à toute sa volonté pour ne pas demander au Seal de le prendre sur son bureau. Il fallait qu’ils sortent d’ici avant que ça ne dérape. Même si l’idée de faire l’amour dans sa salle de classe était plus qu’alléchante, il ne pouvait pas se permettre de bander à chaque fois que les images lui reviendraient en mémoire.

— Il faut que tu arrêtes de débarquer en uniforme ici, mes élèves ne vont pas s’en remettre, l’accusa Danny.
— Tes élèves ou toi ? rit-il.
— Les deux, avoua le blond, les joues rouges.
— Ça aussi, ça m’avait manqué, chuchota Steve en caressant les rougeurs.

Alors qu’ils traversaient les couloirs de l’Université côte à côte, Steve sentit la main de Danny frôler la sienne. Il le regarda étonné, mais le laissa faire, sans aller plus loin. C’était un premier pas.

— Je pensais faire un barbecue demain soir pour réunir tout le monde. T’en penses quoi ?

Danny resta silencieux jusqu’à ce qu’ils soient hors de vue et réclama de nouveau les lèvres de Steve. Le baiser fut bref, mais intense.

— C’était pour quoi ça ? rigola le brun quand ils se séparèrent, essoufflés.
— Je t’aime !

Notes:

Que pensez-vous du passé de Danny ?
N'hésitez pas à me le dire en commentaire ;)

Chapter 20: Chapitre 20

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Chapitre 20

 

       

        Steve profitait de la brise légère qui suivait le coucher du soleil. Installé confortablement sur sa chaise, les yeux fermés et Grace pelotonnée contre son torse. Il s’imprégnait du brouhaha des invités qui se mêlait aux bruits des vagues.

Comme une envie de normalité, presque de banalité, il avait voulu réunir en un même instant tous les gens qui comptaient pour lui, ou presque.

Redonner vie à cette maison, depuis trop longtemps habitée par la mélancolie et les fantômes. Lui redonner sa joie d’antan. Ses parents auraient aimé ça. Il avait donc organisé un barbecue où il avait convié tout le monde.

Ils avaient préparé les légumes, la viande, le poisson et les marinades ensemble, mais c’est Danny qui avait accueilli les premiers arrivants. Ses parents et ses soeurs avaient été les premiers, suivi de près par Joe, Alice et Sanchez.

Chin était arrivé quelques minutes plus tard, accompagné.

— Danny, je te présente Kono, ma cousine, avait-il annoncé.
— Enchantée, s’exclama la brune, en tendant la main, avec un sourire éclatant qui lui rappela Chin.

Elle était grande, élancée, la peau mate et les yeux de la même nuance de brun que ses cheveux. Elle était belle, c’était indéniable.

— Moi aussi, répondit Danny en lui retournant son sourire.
— Je peux récupérer ma main ? demanda-t-elle hilare.
— Pardon, s’excusa prestement Danny en relâchant sa prisonnière.

D’un air gêné, il lui sourit et hésita à préciser qu’elle n’avait rien à craindre de lui, mais se révisa.

— J’espère que ça ne dérangera pas Steve, s’inquiéta Chin.
— Non, Steve va adorer ça, voir sa maison remplie.

Danny fit les présentations avec le reste des convives. Il se faisait l’effet d’une épouse au foyer et se sentant un peu bête, il avait dit à ses parents qu’il était arrivé un peu avant eux et que Steve avait eu un imprévu qui l’avait obligé à s’absenter.

En vérité, il ne savait absolument pas où était parti son amant.

Danny s’était isolé dans la cuisine prétextant la préparation des boissons.

— Tout va bien, chéri ? lui demanda sa mère en entrant.
— Oui, très bien, affirma-t-il en s’attelant à sa tâche. Face au regard insistant de Clara, il capitula. Rachel n’a pas voulu me laisser Grace ce week-end ; me rappelant que je l’avais eu le week-end dernier et apparemment, ils avaient quelque chose de prévu, souffla-t-il.
— Je suis désolée, mon chéri, le réconforta sa mère en l’embrassant sur la joue. Comment ça se passe avec Steve ? demanda-t-elle d’humeur taquine avec un petit coup de coude.
— Maman ! râla Danny comme un adolescent.

….

— Salut, Cath !
— Steve ! Que me vaut l’honneur ? demanda-t-elle poliment, tout en connaissant déjà la réponse.
— J’ai besoin de toi, répondit ce dernier, d’un ton neutre.
— Comme c’est étonnant, rit-elle.
— C’est personnel, cette fois, avoua le Seal.
— Vas-y, je t’écoute, déclara la brune, toute trace d’humour disparue.
— Il me faut tous les renseignements que tu peux trouver sur Matthew Williams au cours des deux dernières années. Je veux tout savoir : qui il a fréquenté, quels endroits…ses moindres faits et gestes, énonça-t-il.
— C’est très intrusif, si ce n’est pas un suspect. Tu sais ce que je vais te demander…
— C’est mon petit frère. Il a disparu depuis un an environ.

Tout en parlant avec Catherine, Steve regardait le grand portail noir avec détermination. Il était venu ici dans un but précis et ne repartirait pas sans avoir obtenu gain de cause.

— Je te tiens au courant dès que j’en sais suffisamment, lui promit-elle.

Il allait sonner à l’interphone quand le portail s’ouvrit pour laisser sortir une voiture.

— Je dois te laisser. Merci Cath, souffla Steve en se glissant dans la propriété.

Quand la porte s’ouvrit, il ne savait pas à quoi s’attendre, mais fut surpris d’être accueilli par une femme élégante, un peu plus grande que Danny, le teint pâle et les cheveux bruns avec des reflets acajous. Elle le dévisagea quelques secondes et il vit ses grands yeux noisettes s’écarquiller.

— Qu’est-ce que vous faites ici ?
— Je suis désolé de me présenter sans prévenir, s’excusa-t-il. J’aurai aimé pouvoir prendre Grace pour la soirée.
— J’ai bien dit à Daniel que…
— Je sais, mais il ne sait pas que je suis là. J’ai dû m’absenter quelques semaines et depuis mon retour, je n’ai pas eu l’occasion de voir ma famille. J’ai organisé un repas ce soir et sans Grace ce n’est pas…
— Tonton ! s’écria la petite fille en déboulant dans le halle d’entrée, démesurément grand, du point de vue de Steve.

Grace traversa l’espace qui les séparait en courant, bousculant sa mère pour se jeter dans ses bras.

— Salut, ma puce, s’exclama-t-il en la soulevant. Tu m’as manqué, souffla-t-il, le nez plongé dans ses cheveux.

Pour toute réponse, la petite fille se mit à sangloter en resserrant son étreinte autour de son cou. Rachel Edwards était beaucoup de choses, mais certainement pas insensible aux larmes de sa fille. Elle regardait la scène qui se déroulait sous ses yeux avec un pincement au coeur. Elle voulait tellement détester cet homme. Celui qui, un jour, avait pris le coeur de Danny sans laisser de place pour personne d’autre. Il était facile de lui donner le mauvais rôle et elle ne nierait pas avoir fait des erreurs, mais ce n’est pas facile dans un couple d’être celui qui aime le plus.

Rachel n’irait pas jusqu’à dire que Danny ne l’a jamais aimée, mais jamais comme elle l’aurait voulu. Elle n’a jamais eu aucune chance d’occuper la première place, dans son coeur comme dans sa tête. On ne peut pas se battre contre un fantôme, mais ça elle ne l’a découvert que bien trop tard.

— Va préparer tes affaires, indiqua-t-elle à sa fille, qui sauta presque des bras de Steve pour aller dans sa chambre. Je veux qu’elle soit rentrée demain midi au plus tard, fit-elle savoir, d’un ton sans appel.
— Merci, répondit Steve avec gratitude.

Une multitude de questions se bousculaient dans la tête de Rachel. La curiosité l’étouffait presque, mais à son grand dam, ça n’était ni le lieu ni le moment.

— Maman, c’est qui ? demanda un petit garçon en tirant sur le pantalon de sa mère.

À la voix, Steve baissa la tête pour découvrir un petit blond aux yeux bleus qui devait avoir trois ans, pas plus.

— Charlie, je te présente Steve, c’est l’oncle de Grace, lui expliqua Rachel.
— Ravi de te rencontrer, Charlie, acquiesça Steve.
— Pourquoi c’est le tonton de Grace et pas le mien ? demanda-t-il de sa voix enfantine.
— Parce qu’il est de la famille de Daniel.

Charlie hocha la tête, indiquant qu’il avait compris et repartit dans la maison. Durant tout l’échange, Steve ne l’avait pas quitté des yeux. C’est toujours avec un drôle de sentiment qu’il quitta la propriété en compagnie de Grace.

Le trajet jusqu’à leur prochaine escale fut animé par les babillages de la petite fille. Elle lui raconta une dispute qu’elle avait eu avec un de ses camarades.

— Ben, la maitresse nous a parlé de Pearl-Harbor et Nathan n’arrêtait pas de se vanter. Il disait qu’il avait déjà visité la base, que son père a travaillé là-bas. Il disait même qu’il pouvait se promener comme il voulait. Je lui ai dit que c’était un menteur et après il m’a dit que c’était moi la menteuse, que j’y connaissais rien, s’emporta-t-elle en gesticulant comme son père l’aurait fait.
— Tu sais qu’il ne faut pas répondre à ce genre de personnes.
— Je sais, soupira Grace, mais là, j’en avais marre, râla-t-elle en se tournant vers Steve. Il fait tout le temps ça.
— J’imagine, sourit-il en la regardant du coin de l’oeil. Du coup, qu’est-ce que tu as fait ?

Elle sembla mal à l’aise soudainement, se tordant les doigts, la tête tournée vers le paysage qui défilait.

— Grace ?
— J’ai peut-être parlé de toi, confessa-t-elle dans un murmure.

Steve attendit que la petite fille poursuive d’elle-même. Il ne voulait pas lui donner l’impression de l’interroger.

— Je n’aurais pas dû, mais je voulais tellement lui faire fermer sa bouche. J’ai dit que mon oncle était un Navy SEAL. J’ai dit que t’étais un héros et que ton grand-père était mort pendant l’attaque de Pearl-Harbor et que toi t’avais le droit d’aller partout sur la base, expliqua la petite fille, d’une seule traite. Je suis désolée !
— C’est pas grave, Grace. Tu n’as rien fait de mal, lui assura-t-il. Mais comment tu sais tout ça ?
— C’est Mamie qui me l’a dit. Elle m’a aussi dit que je ne devais pas en parler. J’avais promis, ajouta-t-elle honteusement.
— Ça restera entre nous, promit-il solennellement. Comment ça s’est terminé ? demanda-t-il après quelques secondes.
— Nathan s’est moqué de moi, il a dit que c’était pas vrai et tout le monde a rigolé. La maitresse leur a dit d’arrêter et elle a recommencé le cours, raconta-t-elle avec un haussement d’épaules, l’air déçue.
— N’y penses plus, ma puce. Ce week-end on fait la fête, s’exclama-t-il en garant la voiture.
— On est où ?
— On passe juste prendre une amie. Je pense que tu devrais bien t’entendre avec sa fille, sourit-il.

 

 

Quand ils arrivèrent enfin chez lui, Steve leur fit signe de ne pas faire de bruit, il déposa les affaires de Grace dans l’entrée et ils traversèrent la maison jusqu’aux portes de la véranda. Un sourire fendit son visage quand il les vit tous réunis. Ils conversaient avec entrain. Alice et son mari parlaient avec Chin et une jeune femme, dont l’identité lui était inconnue. Danny se chamaillait avec ses soeurs, sous l’oeil rieur de leurs parents et de Joe.

— Je vois qu’on ne nous a pas attendu, s’exclama Steve avec une moue boudeuse, imité par Grace qui croisa les bras sur sa poitrine, perchée dans les bras de son oncle.
— Mais qu’est-ce que…?
— J’ai récupéré des vagabonds sur le trajet, rit le brun en déposant Grace qui courut se jeter dans les bras de son père.
— Mon p’tit singe, haleta Danny en se baissant pour enlacer sa fille.

Steve s’avança vers ses invités pour les saluer. Il fut percuté par deux tornades blondes qui l’enlacèrent avec force. Il glissa un bras autour de Stella et Bridget avec affection.

— Content de te voir, mon grand, s’exclama Eddie en venant lui offrir une accolade. L’étreinte se prolongea un peu plus que d’habitude. Tu vas bien ? demanda l’homme à son oreille.
— Très bien, maintenant, assura Steve en resserrant légèrement ses bras autour du plus vieux.

Eddie se recula et leva la tête pour regarder son fils adoptif. Ses yeux paraissaient moins hantés que la dernière fois où il l’avait vu et il sourit avec soulagement. Il finit par un câlin de Clara, et une petite remontrance maternelle, destinée à ses “fils” indignes, juste pour la forme.

Ces dernières semaines ne lui avait pas permis de profiter de sa famille et son coeur se gonfla à ces petites démonstrations qui semblaient lui avoir manqué.
Steve présenta ensuite Ryôko et Mikayo à ceux qu’elles n’avaient pas encore rencontrés. Elles furent accueillies chaleureusement. Il n’en attendait pas moins de son Ohana. Il fit également la connaissance de la cousine de Chin.

— Alors c’est toi le mec qui a battu tous ses records, s’exclama Kono pointant son cousin du doigt.
— On va bien s’entendre, affirma Steve en tendant son poing à la jeune femme qui tapa dedans avec un clin d’oeil.

La soirée était douce, la nourriture délicieuse et les conversations allaient bon train. Les petits groupes se cassèrent pour se mélanger et ne former plus qu’un, tous autour de la grande table dressée pour l’occasion.

Chin laissa échapper que Kono était élève à l’école de police.

— T’as suivi les traces de ta famille, lui sourit Steve.
— On peut dire ça, fit-elle en haussant les épaules. Après une grave blessure au genou, j’ai dû me reconvertir. Devenir flic m’a paru évident.
— Tu faisais quoi avant ? demanda Stella.
— J’étais surfeuse.
— Elle était professionnelle. Elle a gagné plusieurs championnats, précisa Chin avec fierté.
— On pourrait aller surfer ensemble, proposa Steve. Ça me ferait plaisir d’avoir de la compagnie.
— Quand tu veux !
— Moi aussi je veux venir, s’exclama Grace en se postant à côté de son oncle. Dis oui, Danno, s’il te plait ?!
— Et moi, je peux ? demanda Thaïs, quittant enfin son portable des yeux.
— Vous allez finir par ouvrir une école, plaisanta Joe, faisant grogner Steve et Kono.

Il fut convenu qu’ils commenceraient le week-end prochain. Steve n’allait pas se faire prier. Passer des heures dans l’eau en si bonne compagnie. Ses vacances semblaient enfin prendre la bonne direction.

— Tu voudras te joindre à nous, Mikayo ? interpella-t-il l’adolescente qui était restée silencieuse.

Elle regarda sa mère pour avoir son accord avant de hocha la tête vigoureusement. Ryôko semblait plus ouverte, alors qu’elle et Clara discutaient avec entrain.

Steve et Danny se mirent à regarder les invités qui parlaient, débattaient voir se chamaillaient. Leurs doigts se caressèrent sous la table. Grace était repartie jouer avec les autres enfants, un peu plus loin. L’instant paraissait idéal. L’ambiance était légère et les esprits joyeux. Il n’y aurai pas de meilleur moment.

 

Ils avaient évoqué le sujet, la veille.

 

Quand ils étaient rentrés de l’université, la porte à peine refermée, ils s’étaient jetés l’un sur l’autre, ne réussissant pas à aller plus loin que le salon. Ils se déshabillèrent avec empressement, leurs peaux se retrouvants, se réclamants. Les doigts de Danny se glissèrent sous l’élastique du boxer de Steve. Effleurant d’abord la naissance de ses fesses avant de les empoigner plus fermement et de laisser le vêtements dévaler le long de ses jambes.

Une semaine ! Ils n’avaient été séparés qu’une foutue semaine et ils avaient l’impression de se retrouver après des mois d’absence. Leurs doigts frôlaient, caressaient et s’accrochaient au corps de l’autre.

— Tu me rends dingue, grogna Steve sur les lèvres entrouvertes de Danny.
— J’ai tellement envie de toi, avait-il répondu.

Steve se pencha de plus en plus au-dessus de Danny, le forçant à se baisser, jusqu’à ce qu’il n’ait d’autre choix que de s’allonger sur le sol. Leurs corps s’imbriquaient à la perfection. Les cuisses de Danny encadrant les hanches de Steve. Leurs ventres se touchaient à peine ; un contact aussi léger qu’une plume, mais d’une intensité folle. Danny avait le sentiment que Steve rampait sous sa peau. Le moindre contact, la plus petite caresse, jusqu’au simple effleurement de son souffle, semblaient soumettre son corps et il en avait voulu plus.

Ils avaient fait l’amour sur le parquet. Ç’avait été désordonné, précipité, mais aussi intense et passionné. Les laissants haletants. Ils étaient restés là, allongés sur le sol, au milieu de leurs vêtements éparpillés. Ils se caressèrent et s’embrassèrent longtemps, le sourire aux lèvres, profitant des effets de leur orgasme.

— J’ai faim, s’exclama Steve brusquement, faisant rire Danny.
— Espèce d’animal, répondit-il avec humour.

Le brun fut le plus rapide à se lever, il se dirigeait déjà vers la cuisine que Danny s’étirait encore comme un chat. Il profita que Steve lui tourne le dos pour savourer la vue. Le Seal déambulait dans la maison complètement nu avec assurance et Danny l’imita.

— Tu veux quelque chose ? demanda-t-il, planté devant le réfrigérateur.

Le blond s'approcha dans son dos, collant son ventre aux fesses du Seal. Ses doigts serpentèrent les lignes sombres qui recouvraient le bas de son dos et qu'il pouvait sentir en relief sur sa peau. Il posa finalement sa main sur la hanche saillante, s'y accrochant et passa la tête sous le bras de Steve
—parce que le géant lui bouchait la vue— pour pouvoir étudier ses options. Après moult tergiversations, ils avaient finalement opté pour les restes. Comme un pique-nique, ils avaient tout posé sur l’îlot central et avaient grignoté en bavardant de tout et de rien ; se racontant leur semaine.

— J’aimerais qu’on rende les choses officielles, annonça soudainement Steve. J’y ai beaucoup réfléchi et même si nous ne le voyons pas comme ça, le fait est que nous nous cachons, fit-il remarquer.
— Moi aussi, j’y ai pensé et pour être honnête, j’ai peur, avoua Danny. J’appréhende un peu la réaction de Grace, mais j’ai surtout peur pour toi.
— Pour moi ?
—Tu sais très bien comment ils traitent les soldats homosexuels, soupira-t-il et voyant que Steve allait intervenir, il ajouta, homosexuel, bi ou juste pas tout à fait hétéro, on s’en fout. Ils ne te verront pas autrement et tu le sais.
— Ce n’est pas ce que j’allais dire. Je veux juste te rappeler que “Don’t Ask, Don’t Tell” a été abrogée. Ça pourrait ne pas plaire à certaines personnes, mais que veux-tu qu’ils me fassent ? Je ne suis plus un jeune soldat que l’on peut malmener ou intimider. Je n’ai plus rien à prouver et les gars qui ont servi avec moi n’en ont rien à foutre, sourit-il.

Danny était resté silencieux, cherchant dans son regard la moindre trace de mensonge, mais il n’en trouva aucune. Ils en avaient longuement parlé ; Steve voulant s’assurer que Danny était prêt à le dire à Grace. S’il avait perçu un doute chez son amant, il aurait fait marche arrière. Il était prêt à attendre le temps qu’il faudrait.

Ayant une pensée pour sa soeur qui ne serait pas là, Steve et Danny l’avaient appelée dans la matinée pour lui annoncer. Pour toute réponse, Mary poussa un cri strident et les deux hommes étaient convaincus d’avoir perdu une partie de leur capacité auditive.

— Mar, râlèrent-ils à l’unisson.
— Désolée, mais je suis trop contente. J’avais raison, trépigna-t-elle et ils l’imaginèrent en train de sautiller sur place.

Steve lui demanda de ne pas appeler les filles, parce qu’ils allaient l’annoncer au reste de la famille le soir même.

— Promis ! J’attendrai demain, répondit-elle avec un sourire carnassier qu’ils n’avaient aucun mal à deviner.

Après les félicitations de Mary-Ann, Danny l’embrassa et s’éloigna pour leur laisser un peu d’intimité.

— Tu me manques, souffla le Seal.
— Toi aussi, grand frère, avait-elle répondu sur le même ton.
— Tante Deb est là ?
— Non, je crois qu’elle avait un rendez-vous, répondit sa soeur sur le ton de la confidence.
— Tant pis. Tu l’embrasseras pour moi.

 

— Tu es prêt ? demanda Steve en se penchant vers Danny.

Ce dernier hocha la tête, la boule obstruant sa gorge le rendait incapable de former un mot. Ils se levèrent d’un même mouvement. Danny n’eut pas l’air d’être prêt à parler, donc Steve se lança.

— Danny et moi, avons quelque chose à vous dire…
— Hé bien, ce n’est pas trop tôt, les garçons, s’exclama Joe, provoquant l’hilarité de tous.

Steve et Danny le fixèrent avec étonnement. Le brun avait remarqué les petites allusions du plus vieux, mais il n’avait pris ça que pour de simples blagues. Devant l’air surpris qu’affichaient les deux hommes, les exclamations se firent nombreuses.

— Vous pensiez vraiment que c’était un secret ? s’esclaffa Clara. Quand les autres enfants jouaient au prince charmant qui venait sauver la princesse, Steve était un chevalier venu sauver le prince Daniel, se souvint-elle avec tendresse.

Même si ce ne fut pas vraiment une surprise, ils eurent droit aux félicitations d’usages. Non sans quelques petites taquineries au passage. Les enfants semblèrent ne pas se rendre compte de l’agitation, ce qui soulagea les garçons. Ils auraient tout le temps et l’intimité nécessaire pour en parler avec Grace le lendemain.

Le repas reprit son cours et tout les convives firent comme si de rien était. Personne ne prêta attention à leurs doigts entrelacés sur la table ou à la jambe de Danny posée sur celle de Steve. Et ça avait bien plus de valeur à leurs yeux que n’importe quel mot.

Danny et Steve riaient, participaient aux conversations, mais avec un peu plus de recule. De l’extérieur, la bulle qui les enveloppait était presque palpable. Le moindre geste, comme récupérer un plat ou la sauce, était une occasion pour se toucher. Leurs yeux se cherchaient, irrémédiablement attirés vers l’autre.

— Tonton, tu nous fais un tour de mazie, cria Ange en déboulant comme une furie, sortant Steve de sa rêverie.
— Qu’est-ce qu’il y a mon pote ? l’interrogea-t-il en soulevant le petit garçon pour le poser sur ses genoux.
— Faut que tu montres à Grace et Mika que tu sais faire de la mazie !
— Je vois, sourit Steve. Que veux-tu que je fasse ?
— Ton truc avec la corde, comme Houdidi, exposa Ange, comme une évidence, le suppliant avec ses grands yeux brillants d’excitation.
— Houdini, tu veux dire ?!
— C’est c’que z’ai dit, affirma-t-il avec sérieux.

Le petit garçon avait un léger zozotement qui se caractérisait le plus souvent par des difficultés à prononcer les “j”, ç’avait toujours attendri Steve.

— C’est moi qui fais le noeud, s’exclama Sanchez en se levant d’un bond.
— De vrais gamins, renifla Alice, sans cacher son amusement face au comportement de son mari.
— Et ça consiste en quoi ? demanda Danny.
— Tu vas voir, s’esclaffa Joe.
— Facile ou difficile, monsieur ? s’enquit Steve en regardant Ange.
— Difficile !

Du coin de l’oeil, le brun vit son ami se frotter les mains et il sourit. Ça faisait bien longtemps qu’ils n’avaient pas joués à ce genre de jeu et il mentirait en disant qu’il ne ressentait pas l’adrénaline parcourir son corps.

— Je suis curieuse de voir ça, déclara Kono, l’air tout aussi excitée que les enfants.
— Les paris sont ouverts, annonça Sanchez d’une voix tonitruante.
— En moins de 30 secondes, affirma Joe.
— Je suis, s’exclamèrent Chin, Alice et Eddie en même temps.
— Moi je dis 60 secondes, les contredit Kono avec amusement.
— Je n’ai pas d’avis, mais je crois en toi, mon chéri, assura Clara et Ryôko se rangea de son côté.

Il n’y avait que la fratrie et leur saleté de caractère pour se liguer contre Steve.

— Tu n’y arriveras pas, chantonna Stella avec défi, suivie par Bridget et Danny.
— Même toi ? s’offusqua le Seal face à son compagnon.
— Désolé bébé, mais ton égo est déjà bien assez gros, le taquina Danny.
— Tant pis pour toi, renifla-t-il en déposant un rapide baiser sur ses lèvres.

Steve se leva, étira son corps, faisant craquer ses épaules et suivi son ami qui se dirigeait vers l’arbre avec une chaise dans une main et une corde dans l’autre. Les cordes ce n’est pas ce qui manquait chez le Seal. Ils se regardèrent un instant, avant que Sanchez ne lui demande de se mettre en place. Steve se mit sur la pointe des pieds et leva les bras pour les placer de part et d’autre de la branche. Sanchez lui, fut obligé d’utiliser la chaise, ce qui provoqua un éclat de rire général.

Il s’attela à la tache avec concentration, tirant de plus en plus sur les poignets du brun. Steve sentait la corde serpenter autour de ses membres pour finalement se nouer et l’enserrer avec force, entamant sa peau.
Il commença doucement à bouger ses doigts; les tordants pour suivre les lignes. Jusqu’à ce qu’il reconnaisse enfin le noeud utilisé par Sanchez.

— Un noeud étrangleur ? aboya-t-il. Tu te sers de ce que je t’ai appris contre moi, s’offusqua-t-il faussement. Sale traitre !
— Tu te défiles, commandant ?
— Bon, c’est quand tu veux !

Sanchez sortit son téléphone de sa poche, activa la fonction chronomètre et donna le départ. Steve ferma les yeux et tout devint silencieux. Sa respiration se fit plus lente alors que ses doigts s’activaient sur la corde, mais même sur la pointe des pieds, son corps pesait encore trop sur cette dernière, qui continuait à se resserrer autour de ses poignets.

Il croisa les doigts et à la force de ses bras, se hissa pour accrocher ses jambes autour de la branche. Cette nouvelle position lui donnait plus de leste tout en soulageant les muscles de ses épaules.

Les spectateurs semblaient subjugués, ne faisant plus un bruit. Danny lui, imaginait ses muscles se contracter et onduler sous la peau bronzée. Steve ne faisait que rarement démonstration de ses capacités, et Danny ne doutait pas qu’il avait encore beaucoup de choses à apprendre, mais à chaque fois qu’il le voyait en action il se sentait fier et admiratif. Il avait honte ; rien que la vue de ses biceps lui donnait chaud et il ne pouvait même pas blâmer la température.

— 10 secondes, prévint Sanchez.

Steve ne l’écoutait pas. Il y était presque. La tension se faisait moindre. Il tordit un peu plus son pouce pour attraper la dernière boucle qui le retenait prisonnier et tira dessus par petit coup. Il laissa tomber le haut de son corps, restant suspendu à la branche par les jambes et écarta les bras tel un magicien.

— Tadam ! fanfaronna-t-il.

Les enfants se mirent à applaudir en sautillant. Les adultes, quant à eux, attendaient le verdict.

— 28 secondes et 5 dixièmes, annonça le sergent avec un immense sourire.

Quand il descendit enfin de son arbre, sous les acclamations des gagnants et les plaintes de ceux qui avaient perdu, il fut accueilli par une orde de gnomes surexcités.

— Tu vois, ze te l’avais dit, s’exclama Ange en regardant Grace.
— J’ai jamais douté, répondit la petite fille en levant le menton.

Après une bataille acharnée, Steve réussit finalement à rejoindre la table. Il se laissa tomber sur sa chaise et s’apprêtait à dire “ Avoues que je t’ai impressionné.”, mais en plongeant son regard dans celui de son amant, il fut happé par l’amour, la fierté et le désir qui habitaient les pupilles de Danny.

— Je t’aime, murmura Steve, à l’abri dans le cou du blond.

 

Ils avaient mangé le dessert et débarrassé sommairement la table. Thaïs, Ange et Mikayo s’étaient endormis sur le canapé. Ne voulant pas quitter son père et son oncle, Grace était restée avec les grands. Eddie proposa une partie de carte et l’idée fut acceptée à l’unanimité.

— Je passe mon tour, déclara Steve en s’enfonçant un peu plus dans sa chaise.

Il avait juste envie de se laisser bercer par les rires qui emplissaient le jardin.

 

 

Danny ne saurait dire combien de temps il s’était écoulé, quand il tourna la tête sur sa gauche pour découvrir sa fille et Steve endormis. Grace paraissait minuscule dans le cocon protecteur que formaient les bras de son amant.

— Ils sont beaux tous les deux, souffla Bridget, les yeux brillants.
— C’est incroyable comme ils se sont liés en si peu de temps, ajouta Eddie.
— Mmm, fredonna Danny. Cet idiot attire les Williams, sourit-il affectueusement.

Et avec un léger ricanement, ils acquiescèrent tous.

 

Notes:

Je me suis laissée déborder la semaine dernière. J'hésitais sur ce chapitre. Je voulais des tranches de vie, mais quoi ? Et puis, les scènes où vous devez faire interagir beaucoup de personnages, ne sont pas les plus simples à gérer. Bref, j'espère ne pas l'avoir foiré ;)

Dites-moi tout ! Qu'en avez-vous pensé ? Avez-vous aimé ? Est-ce que vous avez des hypothèses concernant la suite ?

Bonne semaine à tous !

Chapter 21: Chapitre 21

Notes:

J'espère que vous avez pu profiter de ce week-end de trois jours.
Voici la suite, il ne se passe pas grand chose, mais ça arrive ;)

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Chapitre 21

 

       

         Il était aux alentours de 2 h du matin quand les joueurs montrèrent des signes de fatigue. Danny avait repoussé l’échéance au maximum, mais il était temps de réveiller les deux endormis. Il fit signe à tout le monde de faire moins de bruit et s’approcha, sa main à seulement quelques centimètres du Seal. Tout se passa en une fraction de seconde : de sa main droite, Steve saisit son poignet dans une prise ferme alors que son bras gauche se resserrait instinctivement autour du petit corps de sa fille.

— Hé ! Bébé ! C’est moi, murmura Danny.

Steve desserra immédiatement sa prise et caressa le poignet rougi.

— Je t’ai fait mal ? s’enquit-il en gardant sa voix basse, trop conscient de la présence de Grace sur lui.
— Non, tout va bien, lui sourit Danny.

Il avait déjà fait face aux instincts de Steve, mais depuis quelques temps, il avait l’impression que le Seal s’était quelque peu détendu à ses côtés. La présence de sa fille semblait les avoir mis en alerte et son coeur se gonfla devant le geste protecteur.

Steve jeta à coup d’oeil à la petite fille pour s’assurer qu’elle allait bien et reporta son regard sur ses invités qui s’apprêtaient à partir.

— Désolé, s’excusa-t-il, un sourire contrit.

Désolé de quoi ? Du geste qu’il venait d’avoir ? De leur montrer une part de lui qui n’était réservée qu’à Danny ? De s’être endormi ? Peut-être tout ça à la fois. Mais à la place des mines surprises ou choquées qu’il s’attendait à voir, il ne trouva que des sourires bienveillants. Sourires teintés d’une pointe de tristesse chez ses parents.

— Rappelle-moi de ne jamais venir te réveiller, bro, s’exclama Chin en riant.
— Je paierais juste pour te voir essayer d’atteindre mon lit, répondit Steve en ricanant.

Quand la porte se referma derrière le dernier invité, Danny monta les marches pour trouver Steve en train de border Grace. Il avait changé les draps et rangé l’ancienne chambre de Mary pour l’occasion.

— Quand as-tu fait ça ? demanda Danny alors qu’ils se préparaient à aller au lit.
— Ce matin, pendant que tu dormais, répondit Steve, la bouche pleine de dentifrice.
— Ça t’arrive de te reposer ?

Danny fut surpris quand il vit Steve se coucher sur le ventre, la tête tournée vers le mur opposé. D’ordinaire, il se mettait en cuillère derrière lui et, même s’il avait râlé au départ —juste pour la forme—, il en avait pris l’habitude. Ne sachant pas quoi faire, il s’allongea de son côté.

— Tu peux venir, souffla Steve, sa voix légèrement étouffée par l’oreiller. Je me suis fait mal à l’épaule cette semaine. Rien de grave, mais je préfère éviter de dormir dessus, expliqua-t-il.

Comme toujours, il semblait comprendre ce qui trottait dans la tête de Danny, sans que ce dernier n’ait besoin de l’exprimer.
Le blond vint, de bonne grâce, se draper sur lui.

— Tu as fait ton petit tour de magie alors que t’avais mal à l’épaule, réagit Danny après un moment.
— Ça faisait plaisir aux enfants, fit valoir Steve d’une voix endormie. S’il te plait, Danno, je suis crevé. Tu pourras m’engueuler autant que tu veux, mais demain.

Il attrapa la main de Danny et la tira vers l’avant. Il entrelaça leurs doigts et plaça les mains jointes près de son coeur, avant de les emprisonner sous son torse, obligeant Danny à suivre le mouvement.

Le blond se mordit la langue et soupira. Il ne pouvait rien refuser à Steve quand il était comme ça.

 

Il était à peine 7 h quand Grace fit irruption dans la chambre. Au léger grincement de la porte, Steve se réveilla derechef. Ses yeux cherchèrent automatiquement la source du bruit et ils tombèrent sur une petite fille échevelée, les yeux encore lourds de sommeil, mais un sourire rayonnant. Elle regardait la tête de son père qui reposait désormais sur le torse de Steve.

Le brun lui fit signe de ne pas faire de bruit et tel un Ninja, il se glissa hors des couverts sans réveiller son bel endormi. Il ferma la porte derrière lui, prit Grace dans ses bras et tout deux se dirigèrent vers la cuisine.

— T’as faim, ma puce ?

Grace répondit d’un hochement de tête contre l’épaule de son oncle.

— Une salade de fruits et des crêpes, ça te va ?
— Oui, répondit-elle d’une petite voix.

Arrivé dans la cuisine, Steve déposa Grace sur le plan de travail.

— Rien de tel pour commencer une bonne journée que de la commencer en musique, dit-il en allumant la radio.
Et ils se mirent à préparer le petit déjeuner. Steve hésita à lui parler sans son père. Il finit par aborder le sujet, après avoir surprit quelques regards à la dérobée.

— Tu veux qu’on parle de ce que tu viens de voir ? demanda-t-il désinvolte, en ajoutant le lait à sa préparation.

Ce n’est pas comme ça qu’ils avaient imaginé cette conversation, mais ils n’avaient pas non plus pensé à la possibilité qu’elle puisse entrer dans leur chambre pendant qu’ils dormaient. Ce qui, maintenant qu’il y pensait, avait été incroyablement stupide.

— Ben, en fait c’est assez clair, dit-elle très sérieusement, après un temps de réflexion.

Steve la fixa, étonné. Elle paraissait beaucoup plus vieille d’un seul coup. Il attendit qu’elle poursuive, une boule dans la gorge.

— Danno et toi, vous vous êtes réconciliés, conclut-elle.
— Oui, on peut dire ça comme ça, sourit Steve, mais disons que…
— Je sais ! Vous êtes amoureux, mais vous l’étiez déjà avant. Ça veut dire que tout est rentré dans l’ordre, exposa-t-elle.
— Qu’est-ce qui te fais dire ça ? demanda Steve, les sourcils froncés.
— Ça se voyait sur les photos que Mamie m’a montrées et quand je lui ai demandé, elle m’a dit que c’était un secret, expliqua Grace en haussant les épaules.
— Ta Mamie est une femme très intelligente, mais qui parle beaucoup trop, plaisanta-t-il.
— C’est ce que Papy dit toujours, rigola-t-elle.

Réveillé par la bonne odeur qui embaumait la maison, Danny arriva dans la cuisine au moment où Grace et Steve engloutissaient goulument leurs premières crêpes. Il s’arrêta dans l’encadrement de la porte pour regarder les deux personnes qui comptaient le plus pour lui.

La porte arrière était ouverte, éclairant la cuisine des couleurs du petit matin. La musique emplissait la pièce et les deux occupants se regardaient en souriant. Il avait le sentiment d’interrompre quelque chose. Un instant hors du temps ; un moment de complicité.

— Bonjour, vous !
— Bonjour, Danno, le salua Grace alors que Steve l’aidait à descendre de son perchoir pour aller enlacer son père.
— Bien dormis ? lui sourit Steve.

Danny se servit une tasse de café et piocha dans l’assiette du brun.

— Hé ! Y en a assez pour tout le monde, râla ce dernier en tapant sur la voleuse.

Ils déjeunèrent dans cette ambiance légère. Danny cherchait comment aborder “le” sujet avec Grace. Grace qui, de son côté, prenait un malin plaisir à regarder son père patauger. Steve lui faisait des gestes pour lui faire comprendre qu’elle savait, mais trop perdu dans ses pensées, il ne comprit pas immédiatement.

— Ça te fait rire, espèce de chipie, demanda-t-il à sa fille en lui ébouriffant les cheveux.

Avant de la déposer chez sa mère, un peu avant midi comme Steve l’avait promis, il mis un détail au clair.

— Je suis désolé de te demander ça, mon p’tit chat, mais ce serait mieux si tu ne disais rien à ta mère pour l’instant. C’est à moi de lui dire et je le ferai rapidement, je t’en donne ma parole.
— T’inquiètes pas, Danno, je ne dirais rien, assura-t-elle avec véhémence.
— Je t’aime, lui souffla Danny en l’embrassant.
— Moi aussi.

 

 

— Leçon du jour : ne jamais commander sur internet, plastronna Danny.
— T’es au courant qu’on est au 21ème siècle, rassures-moi ?
— On t’a lavé le cerveau dans l’armée ? Tout dans les bras, rien dans la tête, se moqua Danny.

Steve leva les yeux au ciel.

— La Navy, Danno, rectifia Steve. Et saches qu’il y a un test de QI pour prétendre à la formation SEAL.
— Ils ont dû faire une exception, pour toi, rétorqua le blond.

Le brun lui lança un regard en biais.

— Tu veux la jouer comme ça ?

Danny ne répondit rien, mais eut le bon goût de reculer face à la menace. Toute bravade disparue. Ça faisait plusieurs minutes qu’il jouait à agacer le Seal et ce n’était pas aussi facile qu’il l’aurait cru. Steve avait commandé une pièce sur internet pour la voiture qu’il restaurait ; un site douteux d’après Danny. À la place du maître cylindre attendu, il avait reçu un disque d’embrayage.

Un rictus déforma la bouche de Steve et Danny sentit ses poils se hérisser.

— Non ! N’y penses même pas, prévint-il en voyant le brun s’avancer.

Danny ne fut pas assez rapide et Steve le souleva pour le balancer sur son épaule.

— Steven, reposes-moi tout de suite, beugla-t-il en pinçant les fesses de son tortionnaire.
— Tu veux jouer ? On va jouer !
— On t’as jamais dit que pour un humain, t’as un côté “mâle Alpha” bien plus prononcé que la normale ? râla le blond.
— Je t’ai jamais écouté t’en plaindre, il me semble, fit remarquer Steve de manière suggestive.

Et alors que Danny allait renchérir, la main du brun passa sous son short pour empoigner une de ses fesses, le faisant gémir.

— Ne mets pas tes sales pattes pleines de cambouis sur mon cul, l’avertit Danny, d’un ton menaçant.
— Ça tombe bien, je comptais aller prendre une douche et j’ai besoin de toi pour me frotter le dos, exposa-t-il en traversant la maison pour rejoindre les escaliers.

 

Les vacances de Steve furent encore une fois compromises, quand il reçu un appel de la base. À chaque fois que le téléphone du brun sonnait, le coeur de Danny loupait un battement. Il guettait le moment où on allait le renvoyer en mission. Cette peur ne le quittait jamais, mais il préférait garder sous silence ses sombres pensées.

— Ils ont une drôle de conception des vacances.
— C’est l’affaire de deux heures, tout au plus, indiqua Steve en continuant de faire la vaisselle.
— Mais tu es en congés, martela-t-il. Dix minutes ou quatre heures, c’est pareil !
— Tu peux parler en essuyant, lui rappela Steve. Tu finis à quelle heure ? demanda-t-il en changeant de sujet.
— En parlant de ça, commença Danny, je dois appeler Rachel. C’était à moi d’aller chercher Grace, mais on m’a demandé de prendre le cours d’un de mes collègues et je ne pourrais pas y être à temps.
— Ça te dérange si j’y vais ?

Le doute et l’incertitude qu’il perçut dans la voix de Steve, le surprirent, mais il ne le mentionna pas. Il accepta la proposition prétextant ne pas avoir envie de s’engueuler avec son ex-femme de bon matin.

 

Comme Steve l’avait dit, un peu moins de deux heures après s’être présenté à Pearl Harbor, il était remercié et invité à rentrer chez lui, mais la maison étant vide pour le reste de la journée, il traina un peu sur la base, passant par l’entrepôt d’armement pour saluer Sanchez.

— Tu devrais aller voir Alice, lui conseilla-t-il avec sérieux.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Va voir, Alice, insista son ami.

Le mauvais pressentiment qui s’était logé le long de sa colonne vertébrale, s’amplifia quand il pénétra chez sa meilleure amie.

— Salut, ma belle, souffla-t-il en la prenant dans ses bras.
— Je suis contente de te voir.

Ils prirent un café et discutèrent de tout et de rien, comme ils l’avaient toujours fait. Ils parlèrent de la soirée et de la grande révélation qui n’en fut une pour personne. Jusqu’à ce que Steve perde patience.

— T’attends que je t’interroge ou tu comptes me dire ce qui se passe ?
— Je vois pas…
— La maison est immaculée, pas le moindre objet qui traine, même pas de linge qui sèche à l’extérieur. Tu as un sac posé à côté de la porte d’entrée, énuméra-t-il. Et je suis passé voir ton mari. Tu repars ?
— Ils m’envoient à Marawi, soupira-t-elle.

Steve serra les mâchoires et baissa la tête. Machinalement, il se mit à se frotter la nuque.

— Hé ! Ça va aller, ne t’inquiètes pas, affirma-t-elle en attrapant sa main.

 

Quand il fut l’heure pour Steve de partir, il fit promettre à Alice de l’appeler, n’importe quand et à n’importe quelle heure. Que ce soit en cas de problème ou simplement parce que Sanchez à besoin d’un coup de main pour les enfants. Il la serra fort contre lui, mais ils ne se dirent pas au revoir. Jamais avant une mission.

C’est le coeur un peu plus lourd qu’il se gara devant l’école de Grace. Steve respira profondément. Il devait se convaincre que tout irait bien. Alice n’en était pas à sa première mission. Elle était douée, elle connaissait son boulot.

“Tout irait bien !”

Il sortit et s’appuya contre la Mustang. Les bras croisés sur sa poitrine, l’air détendu malgré son treillis. Son visage se fendit d’un large sourire quand il vit la petite fille en haut des marches.

— Tonton ! s’écria-t-elle en courant vers lui.

Il s’accroupit pour être à sa hauteur et ouvrit les bras pour l’accueillir. Espace dans lequel elle s’engouffra sans hésiter.

— Ça va, ma puce ?

Elle lui fit un bisous sonore sur la joue et hocha la tête.

— Est-ce que tu vois les parents de Nathan quelque part ?
— C’est son père là-bas, indiqua-t-elle après avoir vérifié autour d’elle.

Il se releva en prenant la main de Grace et se dirigea vers l’homme. Steve se dressa devant lui de toute sa hauteur, le dominant. Si en mission, ils enlevaient tout signe qui pouvait trahir leur identité, Steve avait pris soin de remettre sur son treillis ses étiquettes : son nom, son grade ainsi que l’insigne des SEALs. Il regarda le garçon flanquer son père, les yeux écarquillés. Fier de son effet, il tendit la main.

— Bonjour ! Commandant Steve McGarrett, se présenta-t-il enfin. Je suis l’oncle de Grace.
— Bonjour ! Peter, le père de Nathan, répondit l’autre.
— J’ai cru comprendre que vous travaillez sur la base, commença-t-il. Je suis content de trouver un collègue. Je suis en congé actuellement et je me suis dit que ça pourrait être sympa d’avoir quelqu’un avec qui m’entraîner. Pour rester en forme, vous voyez, sourit-il.

L’homme le fixa surpris et mal à l’aise. Steve pouvait voir l’incompréhension teinter son regard.

— Désolé, mais je crois qu’il doit y avoir un malentendu. Je suis dans l’informatique et je n’ai été à Pearl Harbor qu’une fois, pour livrer des pièces, expliqua Peter.
— Hé bien, d’après ce que votre fils a dit en classe, commença Steve, avant de s’interrompre. J’ai sûrement mal compris, ajouta-t-il en regardant ostensiblement Nathan.

La silhouette du Seal éclipsait le soleil et son ombre se projetait sur le petit garçon, donnant l’impression de l’engloutir. Nathan, déjà pâle de nature, devint blême et se rapprocha un peu plus de son père, jusqu’à être collé à ses jambes.

— Nathan, qu’est-ce que tu as dit ? l’interrogea ce dernier.

Le petit garçon se mit à bafouiller.

— Laissez, ce n’est rien. Je suppose que Nathan n’a pas voulu mentir, ni se moquer de ma nièce, avança Steve d’un air entendu, le regard toujours rivé sur le garçon qui déglutit. Ravis d’avoir fait votre connaissance, lança-t-il à Peter. On se reverra certainement. Et si on allait manger une glace, avant de rentrer ? proposa-t-il en baissant la tête vers Grace, sa petite main toujours prisonnière de la sienne.

Pour la première fois depuis le début de l’échange, un vrai sourire étira les lèvres de Steve et son visage se transforma face à la petite fille.

 

Grace en riait encore quand Steve la déposa chez sa mère. Même la bouche pleine de glace, elle n’avait pas arrêté de se remémorer la tête que Nathan avait fait quand le Seal s’était présenté devant eux.

Est-ce que ç’avait gonflé son égo quand Grace avait soufflé, hilare, qu’il était le meilleur ? Évidemment !

 

 

Danny soupira d’aise en rentrant de l’université. C’était enfin vendredi. Non pas que la semaine avait été plus difficile qu’une autre, mais il se délectait de pouvoir faire la grasse matinée et passer deux jours en tête à tête avec Steve. Le seul avantage de ne pas avoir sa fille, était qu’ils pouvaient passer le week-end au lit…de préférence nus. Il envisagea même d’en faire un e règle, applicable dès cet instant : proscrire les vêtements quand Grace n’était pas là.

Il sourit quand ses pensées furent assaillies par des images de Steve complètement nu. N’ayant aucun mal à exposer son corps, il savait que le Seal serait plus que ravi de le voir déambuler dans sa maison dévêtu. Quand à passer ses journées au lit, Danny était moins sûr. Il devra certainement user de stratagème plus ou moins fairplay pour occuper l’hyperactif.

Amusé par ses divagations et content de ses projets —qu’il exposerait à Steve dès son retour— pour les deux jours à venir, il prit une douche et enfila un boxer avant de redescendre. Il se servit une bière qu’il sirotait tranquillement sous le lanai quand son téléphone vibra. Il fut étonné de voir le nom de son ex-femme apparaitre sur l’écran.

— Bonjour, Rachel, la salua-t-il avec bonne humeur.
— J’ai croisé la mère de Lana au marché, ce matin. Peux-tu m’expliquer pourquoi elle m’a dit, je cite : “Je comprends pourquoi vous vous êtes séparés et je compatis. Ça n’a pas dû être facile à accepter, mais de vous à moi, on ne peut pas lui jeter la pierre, avait renchéri la femme avec un sourire de connivence.” Alors, Daniel ?

Les rouages du cerveau de Danny se mirent à tourner. Steve avait-il dit quelque chose quand il avait été chercher Grace en début de semaine ? Pourtant, ils étaient d’accord de rester discrets jusqu’à ce qu’il ait pu parler à Rachel. Ou était-ce Grace ?

Alors qu’il s’apprêtait à entamer une conversation qu’il avait tout fait pour éviter d’avoir au téléphone, la porte d’entrée claqua et en une fraction de seconde, Steve lui faisait face.

— Il faut que je te parle, annonça-t-il d’un ton qui ne souffrait aucun refus.

Il entendait Rachel l’appeler, mais ne l’écoutait plus. Toute son attention était focalisée sur les iris, d’un bleu orageux, qui semblaient essayer de lui parler. Soudainement, il fut pris de vertiges et un sentiment de terreur tordit ses entrailles.

 

Notes:

Des hypothèses ?
Bon courage pour cette semaine !

Bisous :)

Chapter 22: Chapitre 22

Notes:

Voilà la suite !
On dit souvent qu'il faut que les choses s'aggravent avant de s'arranger, alors croisez les doigts ;)

Chapter Text

Chapitre 22

 

— Et pourquoi je ne pourrais pas venir, hein ? C’est dangereux pour moi, mais pas pour toi ? C’est ce que tu es en train de me dire ?

Ça faisait près de dix minutes que Danny vociférait. Steve n’avait même pas eu le loisir de s’expliquer. Si ça n’avait pas été Danny, il aurait mis un terme à cette comédie depuis longtemps. Il se surprenait à faire preuve d’une patience qu’il ne se savait pas avoir, mais même s’il l’aimait, il sentait celle-ci s’amenuiser.

 

Quand Steve avait vu le visage de Catherine s’afficher sur son téléphone, il avait pris une grande inspiration avant de décrocher. Elle avait enfin retrouvé la trace de Matthew.

— Aux dernières nouvelles, il était encore vivant, annonça-t-elle sans préambule.

Steve respira plus aisément.

— Envoie-moi tout ce que tu as, s’il te plaît.
— C’est fait !

Il l’avait remerciée et s’apprêtait à raccrocher quand elle l’interpela.

— Ça ne va pas te plaire, le prévint-elle.

C’est avec un plan en tête et une boule dans la gorge, qu’il était rentré de son jogging. Danny était au téléphone quand il l’avait trouvé se prélassant sous le lanai. Il se détestait pour ce qu’il allait faire, mais il n’avait pas le choix.

— Je vais partir, avait-il lâché comme une bombe.

Steve avait hésité à lui mentir. Trouver n’importe quelle excuse. Sans donner trop de détails, sous couvert du secret défense. Il savait que Danny n’accepterait pas de rester en arrière, d’être laissé dans l’ignorance. Et si ça tournait mal ? Si Mathew n’était plus…si Cath avait loupé une information ? S’il arrivait quelque chose à Danny ? Non, il ne pouvait pas assumer une telle responsabilité.

— Encore ce foutu syndrome du héros ! Et tes putains de vacances, t’en fais quoi ? Ça n’a pas de sens, est-ce que tu t’en rends compte ? avait reniflé le blond en faisant les cent pas.

Danny aurait été prêt à tout pour le faire changer d’avis. Il ne pouvait s’empêcher de penser à Grace. Comment allait-elle réagir si Steve partait encore ?

Steve, de son côté, attendait que Danny ait fini de piquer sa crise. Il n’avait même pas eu le temps de lui expliquer la raison de son prochain départ.

— Franchement, on dirait qu’ils ne peuvent rien faire sans toi. C’est ridicule, se moqua Danny d’un air mauvais.

Grâce au quiproquo, cette conversation venait de mettre en évidence un point que le Seal ne pouvait plus ignorer.

— Tu ne comprends donc pas, réalisa Steve.

— Vas-y, explique-moi, Steven ! Puisqu’apparemment, en plus d’être bon à rien, je suis stupide.
— Contrairement à toi, j’ai été entrainé pour ça. C’est dangereux, même pour moi, mais c’est…
— C’est quoi, s’écria Danny qui sentait sa patience fondre comme neige au soleil.
— C’est moi ! explosa le Seal de sa voix grave. Ce n’est pas juste mon travail, Daniel. C’est ce que je suis, continua-t-il énervé. C’est exactement pour ça que je ne suis pas revenu, que je n’ai pas repris contact avec toi durant toutes ces années. Je croyais que tu l’avais compris.

Steve se laissa tomber sur une chaise, se sentant las.

— Qui peut vouloir de ça ? Partager sa vie avec quelqu’un qui n’est jamais là. Qui peut être envoyé n’importe où, n’importe quand, sans savoir s’il rentrera, exposa-t-il résigné. Je suis désolé, Danny ! Je t’aime, mais je ferais ce que j’ai à faire et si tu ne peux pas l’accepter je comprendrais, mais je doute qu’on puisse aller très loin, conclut-il le visage fermé, en dépit de son coeur meurtri.

Danny le regardait, paralysé. Il n’arrivait pas à croire qu’ils en étaient là, pour un désaccord. De son point de vu, ce n’était rien. En tout cas, pas assez grave pour parler de séparation. Ou peut-être que si, mais qu’il refusait de se l’admettre.

Mais à cet instant, il avait mal et c’est la seule pensée qui régnait dans son cerveau, mutilant toutes ses autres facultés. Pas un mot ne réussissait à franchir la barrière de ses lèvres. Danny aurait voulu être rationnel, adulte ou encore réfléchi. Il aurait aimé être ce genre de personnes, mais il n’était rien de tout ça. Il était irascible, impulsif et flippé.

Sans un mot, il monta, s’habilla, récupéra son sac de sport où il fourra ses maigres affaires et redescendit aussitôt. Comme enveloppé dans une brume d’inconscience, il attrapa les clés de la Camaro, ses papiers et se dirigea vers la porte d’entrée.

Steve aurait voulu le retenir ; il aurait dû le faire. Mais il n’arrivait pas à réfléchir. Sa tête était comme prise dans un étau. Il avait besoin d’espace, d’être seul pour y voir plus clair. Il attendit que Danny soit parti pour se précipiter dehors. Il manquait d’air.

Instinctivement, il se mit à avancer vers l’océan, se délestant de ses vêtements en chemin. Ce n’est qu’une fois le corps enveloppé par l’eau qu’il reprit son souffle. Les rouages de son cerveau se remirent en route. Et si finalement c’était la solution ? Si Danny ne savait pas, il n’aurait pas à le dissuader de s’en mêlé. Il n’aurait pas à craindre pour sa vie.

Il avait quelque chose d’important à faire. Sauver Matty avait la priorité sur tout le reste. Il n’aura de cesse de le chercher tant qu’il ne l’aura pas retrouvé et ramené auprès des siens. Pour sa relation avec Danny, il s’en chargerait une fois sa mission terminée. Il priait juste qu’il y ait encore quelque chose à sauver.

Il se concentra sur son objectif pour ne pas perdre pied. Comme il avait appris à le faire : la mission et rien d’autre.

 

 

Danny sombrait. Il s’était toujours servi de la colère pour enfouir ses sentiments, mais ça ne fonctionnait pas. Plus maintenant qu’il avait touché le bonheur du bout des doigts.

La première fois qu’il avait perdu Steve, ils n’étaient que des gosses. Ils dormaient ensemble, se réveillaient ensemble, passaient leurs journées ensemble, mais c’était différent. Ils ne s’étaient pas avoué leur amour comme des adultes le font. Ils ne s’étaient pas donnés l’un à l’autre de la même manière qu’ils l’avaient fait ces derniers mois. Danny n’avait pas eu la liberté de toucher Steve comme il pouvait le faire maintenant.

Tout était trop parfait, il aurait dû le savoir. Rien ne dure jamais. C’est une leçon qu’il avait déjà apprise, mais il s’était laissé berner et voilà le retour de bâton. Comme une piqûre de rappel.

Dix jours qu’il avait réinvesti son appartement. Dix jours qu’il avait repris ses mauvaises habitudes et dix jours qu’il maudissait Steve. Pour être revenu dans sa vie, pour lui avoir fait espérer qu’il serait toujours là, pour l’avoir laissé y croire. Dix jours qu’il avait une trouille bleue ; qu’il se demandait où il était, s’il allait bien. Avant de se souvenir qu’il lui en voulait.

Ses collègues s’en étaient rendu compte, de même que ses élèves. Ce n’est pas comme s’il pouvait faire semblant, comme s’il était en mesure de changer quoi que ce soit. Il pouvait supporter leurs regards. En fait, il les ignorait, pour la plupart, mais il ne pouvait pas supporter ceux de sa fille. Encore moins toutes ses questions pour lesquelles il n’avait pas la moindre réponse.

— Il est où, tonton ? Pourquoi on est retournés dans l’appartement ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Tu n’as pas à t’inquiéter, mon p’tit chat. C’est juste des histoires de grandes personnes, d’accord ? Tout va bien, insista-t-il.

Danny n’aimait pas mentir à Grace, mais que pouvait-il faire d’autre ?! Il n’allait pas lui dire que Steve et lui s’étaient disputés, ni que Steve était quelque part sur la planète, Dieu seul sait où. Qu’il ne savait même pas s’ils le reverraient un jour.

Elle l’avait asséné de questions tout le week-end. Avait réclamé de parler à Steve. Et c’est avec une tension palpable entre le père et la fille, qu’il la ramena chez Rachel.

— Danno, t’aime, tu le sais ? lui demanda son père, une boule dans le gorge.
— Moi aussi, souffla Grace les bras autour de son cou. Mais j’aime pas quand tu me mens. Arranges les choses ! cria-t-elle en courant vers la porte d’entrée.

Rachel se tenait sur le pas de la porte, les bras croisés et Danny savait qu’elle attendait une explication. Ce n’était pas le moment, mais est-ce qu’il y en aurait un ? Il devait se débarrasser de cette conversation comme on se débarrasse d’un pansement. Ça ne servait à rien de continuer à repousser l’inévitable.

— Je sais, j’aurais dû t’en parler, mais j’attendais le bon moment, attaqua-t-il. Je suis désolé que tu l’ais appris comme ça, s’excusa-t-il.

Elle s’était montrée étrangement compréhensive et Danny lui en était reconnaissant. Avait-elle vu qu’il était déjà à terre ? Quelle ironie ! Trouver le courage d’affronter son ex-femme, maintenant que Steve était sorti du tableau. Il en aurait presque ri si ce n’était pas si tragique. Aussi douloureuse que fut cette pensée, elle était on ne peut plus vraie et il devait l’accepter : Steve n’était plus là.

Les jours passaient et son humeur s’aggravait. Il essayait de s’habituer à l’avenir qui semblait se profiler devant lui, mais il ne voulait pas de cette vie triste et misérable. Il ne voulait pas d’une vie sans Steve.

Cette peur panique qui nous réveille la nuit. L’angoisse que l’on ressent à l’idée de cette fatalité inexorable qu’est notre mort. C’est ce qui rongeait Danny. Il allait le perdre et il ne pouvait rien faire contre ça.

Il avait même fini par se disputer avec sa mère.

— C’est lui qui est parti, encore ! J’aurai aimé, pour une fois, être sa priorité, mais ce putain de héros fera toujours passer son pays et son devoir en premier, avait crié Danny, fatigué de devoir se justifier. Il a pris sa décision, en quoi est-ce ma faute ?
— Je ne veux pas prendre partie, mais est-ce que tu t’écoutes parler ? avait répondu Clara, d’un ton ferme. Qu’est-ce qu’on a loupé dans ton éducation ? Quand es-tu devenu si égoïste ?
— Égoïste ? J’ai tout lâché pour suivre Grace ici. Je fais toujours passer les autres avant moi, fit-il remarquer. Et pourquoi faut-il que tu prennes sa défense ?
— Je te l’accorde, tu fais toujours passer ta fille en premier, mais tu ne le fais qu’avec elle. Et je ne doute pas que Steve ait ses torts, vous êtes tellement têtus tous les deux, avait-elle reniflé. Écoutes-moi bien, Daniel Williams, ce n’est certainement pas en prenant la fuite à la moindre difficulté que ton père et moi avons réussi à résister aux années.
— Tu ne peux pas nous comparer à vous. Papa ne t’a jamais abandonnée, avait-il craché.
— Je te connais, avait-elle asséné, ignorant volontairement le commentaire de son fils. Peux-tu me dire quand Steve est-il parti ? Où ? Pour faire quoi ?

Danny était trop énervé pour admettre la possibilité qu’elle puisse avoir raison. Il n’avait aucune envie d’entendre ce qu’elle avait à dire. Ça l’agaçait que sa mère ne prenne pas sa défense. Elle devrait, juste par principe.

— C’est bien ce que je pensais, avait-elle soupiré face à son silence. Quand tu es comme ça, tu n’écoutes rien. Tu ne prends pas la peine d’entendre ce que l’on a à te dire. Je serai toujours là, si tu as besoin d’une épaule pour pleurer ou de bras pour te consoler, mais je ne peux pas te regarder gâcher ce que tu as sans rien dire. Je vous aime, tous les deux et je ne veux que le meilleur, alors bouge-toi et arrange ce qui peut être arrangé, lui avait-elle ordonné. Ne fais pas cette tête, avait-elle ajouté face au regard insistant de son fils, si Steve était ici, il aurait droit au même discours.

 

 

Un mois que Steve était à New-York et, si au départ ses recherches n’avaient mené à rien, elles commençaient enfin à porter leurs fruits.

Il avait infiltré les cercles fréquentés par la mafia Colombienne ; rencontré des petites frappes, des dealers de seconde zone, des voyous sans envergures. Mais c’était leur confiance qu’il fallait gagner pour avoir accès aux gros poissons.

Il était doué pour se fondre dans la masse, ne pas se faire remarquer, mais son physique lui permettait aussi de se faire respecter s’il en avait besoin. Steve s’était rapidement fait des connaissances et il allait bientôt pouvoir rencontrer la personne pour laquelle il était là. Ce n’était plus qu’une question de jours.

Il avait bétonné sa couverture au fil des semaines.

Un mois qu’il était devenu, Mick St John, homme d’affaires à la tête d’un réseau fleurissant à Los Angeles. Il venait d’introduire une nouvelle drogue sur le marché : le Black Crystal. Une drogue capable de décupler les sens.

La question qui était revenue le plus souvent, c’était : Pourquoi on en a pas écouté parler ?

— Parce que mes clients sont des VIP, avait-il répondu. Je ne traite pas avec des junkies SDF, indiquait-il, la voix dure et le regard sombre.

Personne ne l’avait remis en doute. Son nom avait vite circulé, il avait tout fait pour. Ce montrant dans les bons endroits, aux bons moments. Il dormait peu et s’arrangeait pour être occupé. Ce que Steve redoutait le plus c’était le silence. Celui qui amène les questionnements et les regrets.
Parce que s’il laissait à son esprit le temps et le recule nécessaire pour analyser la situation, il devrait se rendre à l’évidence ; cette mission allait lui coûter ce qu’il avait de plus précieux : Danny.